En novembre 2019, Enéa, 18 ans, meurt d'une surdose de bêtabloquants à Dax. Soupçonnée de l'avoir empoisonnée, sa mère est placée en détention provisoire puis mise en examen. L'avocat du père ainsi qu'une connaissance de la famille ont accepté de témoigner.
C'est sous couvert d'anonymat, enveloppée dans une écharpe marron, que Françoise* (prénom d'emprunt) a accepté de témoigner. Sans être une amie proche, elle a côtoyé un temps les parents d'Enea. Suffisamment pour parvenir à cerner leur personnalité, en particulier celle de sa mère. Et quelques mots suffisent à dresser le tableau.
"C’est une mythomane qui s’est toujours inventé une vie. Elle disait que [son ex-mari] était un malade, qu’il l’avait violée devant ses filles, et a raconté à d’autres personnes que c’était un espion des FARC." Voilà pour l'entrée en matière. “Au début, je l’ai crue sans aucun souci, puis en écoutant toutes les versions qu’elle racontait sur son mari à droite à gauche, je me suis dit qu’il y avait un problème, reprend Françoise. Ensuite, j’ai fait la connaissance de son ex-mari, et je me suis rendu compte que ce qu’elle dépeignait n’était pas du tout la réalité.”
Des années d'emprise et d'aliénation
Un comportement suspect qu’elle va constater de jour en jour, jusqu’à devenir choquant lors de l’enterrement d’Enéa en novembre 2019 : “Elle est arrivée avec son grand chapeau noir, ses chaussures à moitié ouvertes, les ongles bien peints, un long manteau couleur moutarde… On aurait dit une mise en scène. A un moment donné, elle a même rigolé lors de la mise en bière. On a terminé par une musique italienne sur laquelle on aurait presque pu danser. Pour l'enterrement d’une petite fille de 18 ans, je trouve cela plus que scandaleux.”
Selon elle, la culpabilité de la mère ne fait aucun doute. Depuis des années, elle avait installé un environnement toxique et une véritable domination sur ses deux filles, dont la cadette Louane. “Leur père voulait les sortir des griffes de la maman, raconte Françoise. Il en souffrait énormément, il ne les voyait plus depuis très longtemps. Il a tout fait pour ses filles, il se battait pour elles.”
On avait dit que quelque chose de grave se passait, et on n’a pas été entendu.
Maître Thibault Laforcade, avocat du père d’Enéa
Un portrait corroboré par l’avocat du père, Maître Thibault Laforcade : “Ce qui avait été mis en place progressivement par cette dame, c’est la séparation de ces filles de leur père, en faisant croire tout un tas de choses plus fausses les unes que les autres. Le seul but était de pouvoir faire en sorte de continuer cette emprise sur ses filles, sans que le père puisse agir de quelque manière que ce soit.”
Aujourd’hui, il regrette surtout que cette situation n’ait pas été prise au sérieux à temps. “C’est un profil d’aliénation maternelle, sur lequel mon client a alerté depuis très longtemps, en disant que des choses graves étaient en train de se passer, et il a dit depuis longtemps qu’il y avait un risque que tout cela finisse mal, signale-t-il. C'est cela le plus dur à vivre. On avait alerté, on avait dit que quelque chose de grave se passait, et on n’a pas été entendu.”
Le dossier toujours en cours d'instruction
Toujours en deuil, le père tente aujourd’hui de dépasser sa douleur pour que justice soit rendue. “Imaginez quand même qu’il a été privé de ses filles, et notamment de la fille aînée pendant plus de 10 ans, pour apprendre un jour qu’elle est hospitalisée dans un état très grave, et l’accompagner pendant près de six jours… On ne s’en remet pas, poursuit son avocat. Il est forcément abattu, très marqué, c’était sa fille aînée. Mais il a la force nécessaire pour accompagner la justice jusqu’au bout.”
La mère, toujours en détention provisoire, a été mise en examen il y a un mois. Le frère du petit ami de la victime est lui aussi soupçonné d’avoir, de près ou de loin, joué un rôle dans la mort d’Enéa. Le dossier est entre les mains d’un juge d’instruction, qui décidera des suites à donner à cette affaire.
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