L'ex-rugbyman Sébastien Boueilh fait salle comble contre la pédophilie à Mont-de-Marsan

Plus de 500 personnes ont assisté à la réunion publique tenue par Sébastien Boueilh, président de l'association landaise Colosse aux pieds d'argile. Au coeur des échanges : la lutte contre la pédophilie. On dénombrerait une quarantaine d’agressions sexuelles sur mineurs par jour en France.

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Ils sont venus très nombreux écouter l'ancien rugbyman. Plus de 500 personnes au total. L'invitation avait été lancée par le Stade Montois Omnisports. Mais dans la salle, l'Auberge landaise, les personnes présentes étaient loin de représenter le seul monde sportif. Dans l'assemblée, un public très varié : parents, grands-parents, enfants, sportifs ou non-sportifs, enseignants de l'éducation nationale, éducateurs. Preuve que la lutte contre la pédophilie est l'affaire de tous. Et "parce qu'il y a des silences qui n'ont plus leur place dans le sport", explique l'association. Chaque année, 165 000 enfants sont victimes de violences sexuelles en France.
 

Son prédateur travaillerait aujourd'hui dans un camping

Sébastien Boueilh, ancien rugbyman, a été victime d'un pédophile entre ses 11 ans et 16 ans. Son bourreau n'était autre qu'un ami de la famille qui l'accompagnait aux entraînements. "J'ai pu en parler 18 ans après, grâce à un copain de rugby, un copain de musique, un copain de village, un copain de collège, un ami d'enfance, Matthieu". Les copains se confient et réalisent qu'ils ont été les victimes du même homme, eux deux ainsi qu'un troisième ami. S'en suivront quatre années de procédures puis un procès aux assises de Mont-de-Marsan. 

Le 29 mai 2013, son prédateur écope d'une peine de 10 ans de prison ferme. Au bout de quatre années, celui-ci demandera sa liberté conditionnelle et l'obtiendra. Le 19 février 2018, il est libéré "avec interdiction de venir dans les Landes, c'est ce qu'on avait demandé avec mon avocat parce que je réside dans les Landes". "Il travaille actuellement sur le bassin d'Arcachon, dans un camping, donc on va essayer de trouver le nom du camping pour le signaler car qui dit camping dit malheureusement vivier d'enfants. Moi en tant que victime, j'ai pris 18 ans ferme de silence sans remise de peine, malheureusement", conclut Sébastien Boueilh dont l'association est née de son histoire personnelle. Son credo aujourd'hui : parler. Selon l'association, 56 % des victimes déclarent n’avoir rien dit au moment des faits. 

C'est un univers qu'on ne souçonne pas, dit cette femme venue l'écouter, et où il est important d'être sensible (...), écouter et entendre, c'est vraiment essentiel, merci à cette association.

  

"Autant la victime va envoyer des signaux, autant un prédateur va se faufiler entre les mailles du filet puisqu'il aura la confiance de tout le monde"

L'affaire de Sébastien Boueilh est la preuve parfaite de cette place que réussissent à se créer les pédophiles au sein d'un groupe, au sein même de la société. "Mes parents avaient tellement confiance en lui, qu'il fallait que je parte avec lui, que je rentre avec lui les vendredis, soit des répétitions de musique, soit des entraînements de rugby. Si je rentrais avec quelqu'un d'autre, j'étais puni la semaine suivante de ces activités puisque je n'avais pas obéi à mes parents. 

Ce que ne savaient pas mes parents, c'est que cinq minutes avant de me ramener, il me violait. Cinq minutes après, il buvait le café avec mes parents. Voilà comment fonctionne un prédateur. 
Sébastien Boueilh

"Vous pouvez lire tous les articles de pédocriminalité qu'il y a actuellement dans la presse, vous verrez que l'entraîneur, ou la personne qui est inculpée, a toutes ces qualités. Donc c'est celui qu'on mettait au bout de la table parce qu'il faisait rire tout le monde, il était gentil, il faisait même faire les devoirs aux enfants, il allait les récupérer à l'école et les emmenait à l'entraînement. Quand on finissait tard, il nous faisait manger chez lui. Voilà comment fonctionne un prédateur", conclue l'ancien rugbyman.

La place dans un groupe, et l'ascendant sur ses victimes. Sébastien Boueilh et ses deux amis, Matthieu et Frédéric étaient "inséparables". "Á aucun moment, l'un ou l'autre a imaginé que l'un ou l'autre pouvait être victime de ce prédateur. Il nous avait complètement dissociés des agressions qu'il nous faisait subir quotidiennement quasiment. C'est pendant le procès qu'on s'est rendu compte qu'il y avait des journées où il nous voyait tous les trois alors qu'on était quasiment inséparables. Donc il était très très bon manipulateur".
 

Des questions tous azimuts

"Ça fait se poser pas mal de questions", confie un éducateur de l'une des sections du Stade Montois. "Il faut des bénévoles, mais qui soient formés et informés. Il faut des professionnels également. C'est de la communication avant tout, et de la sensibilisation". Il faut dire que le club landais collabore depuis de nombreuses années avec l'association Colosse aux pieds d'argile

"On voit un peu passer de tout en terme de maltraitance", explique l'éducateur.

"Les enfants d'aujourd'hui ne sont pas les mêmes qu'hier, et ne seront pas les mêmes que demain", poursuit l'éducateur. On voit beaucoup de choses, les enfants de familles qui sont séparées, divorcées, des enfants battus, des enfants d'ITEP (Instituts Thérapeutiques Educatifs et Pédagogiques) ne sont pas les mêmes que les enfants d'un milieu classique. On voit plein de choses, mais il faut qu'on soit accompagnés et que les enfants soient accompagnés surtout".

Dans la salle les questions affluent. Des interrogations très diverses. Parfois, il s'agit des locaux sportifs, "des structures vieillissantes dont les vestiaires communiquent, sans arrêtoirs au niveau des douches", décrit un homme dans l'assemblée. "Est-ce qu'il ya quelque chose qui va être fait ?" Plus loin, une autre femme interroge cette fois-ci le président de l'association : "Vous n'avez pas parlé des cas de mineurs entre eux, comment ça se passe ? Quelles sont les sanctions ?"

"Il y a des faits qui font que ça titille plus à l'oreille aujourd'hui peut-être qu'il y a un mois et demi", explique Lionel Gaüzere, Président du Stade Montois Omnisports, évoquant les dernières affaires révélées dans le monde du patinage artistique et de l'équitation. "C'est une conférence qui ne laisse pas indifférent ça, c'est certain. On parlait tout à l'heure du cas des vestiaires, c'est peut-être parce que la structure n'est pas comme il faut aussi. On ne peut pas différencier les choses ou empêcher l'accès. Et puis il y a des habitudes qui sont prises, et c'est vrai que le fait d'entendre ça, d'être sensibilisé sur des petits détails qui font qu'on pourrait se retrouver en situation délicate derrière, c'est important de l'entendre, oui, c'est certain". 
 

Une charte et onze commandements

Comme le stade Montois, de nombreux clubs français se sont engagés aux côtés de l'association Colosse aux pieds d'argile : l'US Dax, la Section paloise, mais aussi l'Olympique de Marseille ou encore le Twirling Baton Saint-Paulois. Différentes fédérations et partenaires privés apportent également leur soutien à l'association. 

La charte des colosses est signée par les structures qui adhèrent à Colosse aux pieds d'argiles et s'engagent à la faire respecter. Elle est composée de 11 commandements visant à protéger les enfants, mais aussi les éducateurs de situations compromettantes. Les structures peuvent alors rendre visible une affiche à hauteur des enfants, dans les vestiaires ou dans les parties communes. Elle reprend les points de la charte de façon ludique et accessible. 

Le Stade Montois Omnisports, qui compte 6 000 licenciés, va commencer par diffuser la charte. Pour Lionel Lagaüzère, président du Stade Montois Omnisports, "les enfants et les éducateurs ont besoin d'être protégés". "Les enfants forcément, et les éducateurs pour éviter d'être mis en défaut sur certains actes qui pourraient leur paraître à eux anodins et qui pourraient peut-être derrière être considérés comme délictueux".

 



L'association Colosse aux pieds d'argile dispose de trois antennes régionales, et une antenne internationale. L'association mène des campagnes de sensibilisation aussi bien dans les CREPS et Pôles Espoirs, les associations, écoles, collèges et lycées, et collectivités territoriales. Ses objectifs sont multiples : celui de pouvoir se porter partie civile dans un procès, organiser des semaines de résilience pour les victimes mineures, mettre en place un filtrage national automatisé des bénévoles du mouvement sportif, et ouvrir une antenne territoriale dans chaque région de France.
 

Collaboration avec le ministère des sports

Vendredi 16 novembre 2018, l'association a organisé un groupe de travail au Ministère des Sports. Colosse aux pieds d'argile a présenté une proposition de loi visant à rendre obligatoire la vérification du bulletin n°2 du casier judiciaire pour tout bénévole encadrant des mineurs. 
L'association sera à nouveau reçue en fin de semaine au ministère des sports dans le cadre de la convention nationale de lutte contre les violences, notamment sexuelles, dans le sport. L'objectif est de "présenter un plan d’actions destiné à renforcer l’information, la sensibilisation et l’accompagnement des fédérations sportives en matière de prévention et de lutte contre toute forme de violence", explique le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) qui y participera lui aussi. "On est loin mais on voit la lumière", sourit Sébastien Boueilh, "on se donne l'objectif JO 2024 pour avoir un sport sain en France".

Ecoutez Sébastien Boueilh, fondateur de l'Association Colosse aux pieds d'argile :

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