Dans les Landes, le projet d'agrivoltaïsme Terr'Arbouts fait l'objet de toutes les attentions et suscite des inquiétudes. L'idée est d'implanter des panneaux photovoltaïques sur 700 hectares de terre émane d'agriculteurs qui souhaitent miser sur l'énergie solaire, pour compenser les pertes liées à l'abandon des produits phytosanitaires.
Des panneaux solaires sur des terres agricoles, est-ce bien raisonnable ? C'est tout l'enjeu de cette approche portée par une poignée d'agriculteurs landais qui ont, pour eux, trouvé la solution pour leur garantir des revenus stables : une ferme du futur, faite de panneaux photovoltaïques sur leurs terres, pour produire de l'énergie solaire.
Un projet qui mûrit depuis quatre ans et donne de l'espoir aux agriculteurs, ainsi qu'aux élus des communes concernées.
Le projet
Ces hommes et ces femmes ont décidé de tendre vers le "zéro pesticide", pour éviter des épisodes de pollution de l'eau. Mais la démarche est coûteuse et le rendement pas toujours au rendez-vous. C'est ainsi qu'est né le projet Terr'Arbouts. L'idée étant de "combiner leur exploitation traditionnelle avec la production d’énergie solaire". Trente-cinq agriculteurs souhaitent donc s'engager dans l'agrivoltaïsme sur une surface de 700 hectares étendue sur six communes à l'est de Mont-de-Marsan : Saint-Gein, Hontanx, Le Vignau, Castandet, Pujo-le-Plan et Maurrin.
Ce type d'agrovoltaïsme n'en est encore qu'à un stade expérimental. On peut déjà voir ces champs alternant rangs de cultures et structures métalliques sur le Pôle d'Agrolandes, à Haut-Mauco près de Mont-de-Marsan.
Regardez le reportage de Franck Leconte et Alexis Dumoulin.
"Produire en zéro phyto, c'est compliqué", justifie Jean-Michel Lamothe, le président de l'association Patav, porteuse du projet Terr’Arbouts. Lui aussi compte bientôt accueillir ce dispositif sur ses terres. Il rappelle que l'agriculture reste un mode de revenus aléatoire. Surtout avec les caprices climatiques de ces dernières années. 2023 en est un bon exemple...
Il a plu énormément, il a fait très chaud, l'herbe prend le dessus sur la culture et, quelques fois, on produit... Rien du tout !
Jean-Michel Lamothe, agriculteur et président de l'association PatavFrance 3 Aquitaine
Des syndicats agricoles inquiets
Les panneaux de Terr'Arbouts ne devraient "fleurir" qu'en 2026. Mais déjà des voix s'élèvent contre le projet, estimant que la fausse bonne idée pour venir au secours des finances des agriculteurs cacherait un autre enjeu de taille : le devenir et l'investissement dans une agriculture du territoire.
Le Mouvement de Défense des Exploitants Familiaux (Modef) et la Confédération paysanne ont cosigné un communiqué de presse le 5 octobre. Les syndicats appellent à "un sursaut politique et citoyen" sur la nécessité de s'interroger sur ce "vaste projet industriel et privé, qui use de l'argument agricole pour asseoir sa légitimité" et sur le fait que "l'expérimentation menée à Haut-Mauco n'a pas livré ses conclusions".
Mais aussi sur les conséquences de ce projet. "S'il est accepté en l'état, il marquera un tournant historique dans le processus de confiscation des terres agricoles au profit des opérateurs photovoltaïques, dans les Landes comme partout en France.
Il actera, par la même occasion, un recul sans précédent des droits des agriculteurs et du pouvoir des organismes de contrôle du foncier agricole.
Modef et Confédération paysanneCommuniqué
À terme, cette démarche pose également question quant à la productivité des terres et les risques d'inégalité, entre les porteurs de ce projet et les autres agriculteurs.
Mélanie Martin, Présidente du Modef des Landes, regrette qu'on trouve des solutions dans l'agrovoltaïsme, "sans procéder à une réflexion plus globale sur l'agriculture du territoire" et sans chercher à "avoir une rémunération pour les agriculteurs sur l'ensemble du territoire et pas sur une micro-partie".
Un vote reporté
Une commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) devait se réunir ce 10 octobre à la préfecture des Landes et émettre un avis. Cette commission est composée de représentants de l’État, de collectivités territoriales, de propriétaires agricoles, de la Chambre d’agriculture, d’associations agricoles et de protection de l’environnement. Son avis n'est que consultatif.
D'après la préfecture des Landes, cette réunion "a été particulièrement productive et la grande majorité des membres s'accordent sur l'intérêt du projet pour le territoire". Les uns et les autres ont pu présenter leurs avis et argumenter. Ils se seraient également accordés sur le caractère vertueux du projet permettant de concilier "des impératifs de préservation de la qualité de l'eau et du maintien de l'agriculture", dans une approche partenariale et collective.
Le vote formel a cependant été reporté à la prochaine réunion de la CDPENAF, courant novembre, "afin de permettre au porteur d'intégrer dans sa proposition certaines des demandes d'ordre technique formulées par les membres de la Commission".