Les défenseurs de l'environnement avaient saisi en urgence le juge des référés. Ce dernier, a suspendu lundi les nouveaux arrêtés gouvernementaux autorisant des chasses d'oiseaux traditionnelles.
C'est un nouvel épisode dans le feuilleton qui oppose les amateurs de chasse traditionnelle et les défenseurs de la nature. Après une première annulation en août par le Conseil d'Etat de plusieurs autorisations de chasse (grives, merles noirs, vanneaux, pluviers dorés, alouettes des champs avec des filets ou cages), le gouvernement a pris de nouveaux arrêtés autorisant le piégeage d'oiseaux dans les Ardennes, les Landes, le Lot-et-Garonne, la Gironde et les Pyrénées-Atlantiques.
Contravention au droit européen
Une décision immédiatement contestée par la Ligue de protection des oiseaux et One Voice, qui ont saisi la plus haute juridiction du pays.
Ce lundi, le juge a estimé que le gouvernement avait pris mi-octobre ces nouveaux arrêtés sur la même base que ceux précédemment annulés, risquant de contrevenir au droit européen, et qu'il existait ainsi "un doute sérieux quant à leur légalité". Après cette décision rendue en urgence, et suspendant ces chasses dès lundi soir, "le Conseil d'État statuera au fond sur les recours contre ces arrêtés dans les prochains mois", souligne l'institution dans un communiqué.
Captures massives d'oiseaux interdites
La directive européenne "oiseaux" de 2009 interdit les techniques de capture massive d'oiseaux sans distinction d'espèces. Une dérogation est possible "à condition d'être dûment motivée et dès lors +qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante+ pour capturer certains oiseaux".
Les gouvernements français prenaient donc chaque année des arrêtés autorisant ces chasses traditionnelles dans certaines régions déterminées, avec des quotas d'individus chassables.
La Cour de Justice de l'Union Européenne, saisie sur des arrêtés similaires concernant la très controversée et emblématique chasse à la glu, avait jugé cette dernière non conforme au droit européen en mars 2021, suivie en juin par le Conseil d'Etat qui avait confirmé son illégalité.
Lorsqu'il avait repris ses arrêtés pour d'autres chasses, le ministère de la Transition écologique (MTE) avait fait valoir que les textes apportent "les motivations nécessaires sur l'absence de solution alternative, la sélectivité, l'usage judicieux et les faibles quantités" d'oiseaux tués.
"Servilité à l'égard du lobby chasse"
"La tradition ne saurait justifier le manquement aux exigences de la directive Oiseaux," s'est réjoui la LPO, en saluant une "belle et grande victoire". "Avec une telle jurisprudence constante, qui plus est portant sur les mêmes pratiques, on aurait dû en rester là. C'était sans compter la faiblesse du gouvernement face au lobby cynégétique", a regretté l'association.
"Quand le Conseil d'État a déclaré ces techniques de chasses traditionnelles illégales, le 6 août dernier, on n'aurait jamais imaginé que le gouvernement ose les autoriser à nouveau", de son côté réagi One Voice, dénonçant "la servilité à l'égard du lobby chasse qui, rappelons-le, défend un loisir et pas une nécessité".
Les défenseurs de l'environnement ne veulent pas pour autant crier victoire trop tôt. "Méfions nous, ils sont capables de tout, estime Yves Verilhac", directeur général de la LPO.
Années après années, le gouvernement prend des arrêtés, qui sont suspendus, puis recommence à chaque saison de chasse; Ils sont les seuls en France à avoir le droit de ne pas respecter des textes, à répétition, sans que leur peine de soit durcie.
Yves Verilhac, directeur général de la LPO
"Amertume" des chasseurs
Le MTE a de son côté indiqué que "le gouvernement prend acte" de la décision, rappelant qu'il "revient désormais au Conseil d'État de statuer sur le fond".
"J'ai beaucoup de colère, d'amertume, de dégoût", a déclaré à l'AFP Willy Schraen, président de la Fédération nationale des chasseurs (FNC).
"Je ne comprends pas cet acharnement politico-juridique à emmerder une poignée de Français sur quelque chose d'insignifiant", a-t-il ajouté, assurant que ces chasses "n'ont pas d'enjeu en terme de biodiversité", notamment en terme de nombre d'individus pouvant être chassés avec ces techniques.
Dans les Landes, Régis Hargues, directeur de la fédération locale de chasse a fait part de la "honte" face à une décision "indigne". "Ces hommes et ces femmes pratiquent quelque chose d'endémique, de résiduel, qui ne représente rien.
Nous sommes désabusés de la décision du Conseil d'Etat. Evidemment nous n'allons pas en rester là. Nous sommes plus que jamais déterminés à sauver ces chasses culturelles et patrimoniales, pour nous et pour nos enfants".
Le nombre de chasseurs est en baisse en France. Pour la saison 2020-2021, ils étaient 984 000 à détenir un permis, selon les chiffres de l'Office français de la biodiversité. Le 18 septembre, une manifestation à Mont-de-Marsan avait réuni 16 000 chasseurs, venus de tout l'Hexagone, pour défendre leur loisir et la ruralité.