L'Espagne cherche toujours son gouvernement. Le feuilleton politique dure depuis bientôt huit mois et les électeurs en sont écoeurés. Las de voter et revoter pour rien, beaucoup demandent aux politiciens d'arrêter leur "cirque".
"Le blocage politique depuis décembre, c'est une plaisanterie, du cirque : maintenant, il faut que les politiciens arrêtent ça et se mettent d'accord quoi qu'il arrive ! ".
A 36 ans, Alicia Gomez s'énerve doucement quand on lui demande des nouvelles de son pays sans gouvernement.
Elle est vendeuse en parfumerie dans le centre de Madrid, à quelques pas de la touristique Plaza Mayor, elle a toujours voté pour les conservateurs du Parti populaire (PP) :
"C'est de famille : comme pour le foot, quand tu es d'une équipe, tu n'en changes pas", explique cette supportrice du PP et du Real Madrid.
Mais cette fois, Alicia confie avoir perdu confiance en tous les politiques y compris son candidat, le chef du gouvernement sortant Mariano Rajoy.
Demain mercredi, 66 jours après les dernières élections, M. Rajoy va solliciter la confiance des députés pour tenter de former son deuxième gouvernement. Mais il court à l'échecen. Il n'a que 170 voix sur 350 pour lui.
Et même ses électeurs commencent à lui reprocher d'avoir "joué la montre", dans une guerre d'usure avec ses adversaires socialistes pour qu'ils finissent par le laisser gouverner.
L'Espagne a déjà voté en décembre et en juin. Par deux fois les conservateurs l'ont emporté - mais sans majorité absolue- avec 28,7% puis 33% des voix, devant les socialistes.
Et désormais les conservateurs font planer la menace de troisièmes législatives qui tomberaient le 25 décembre, jour de Noël.
"Je n'irai pas voter pour que tout recommence pareil", promet Alicia, écoeurée, à l'unisson d'autres électeurs de droite et de gauche.
Les politiciens, "sont des canailles, ils ne regardent que leur intérêt",
Jesus Ruiz, est un maçon de 48 ans. Devant le palais du XVIIe siècle qui abrite le ministère des Affaires étrangères, il s'en va réparer une fontaine. Lui a toujours voté pour le Parti socialiste mais
ne sait pas s'il recommencera la prochaine fois. Car il ne parvient à comprendre que les deux grands partis aient pu laisser passer huit mois sans même amorcer un début de négociation...
En cas de nouveau scrutin, "je voterai" pourtant, dit Jesus, "sinon, je ne pourrai pas protester". Protester notamment contre la politique en matière de droit du travail car "renvoyer un ouvrier ne coûte plus rien à un entrepreneur", déplore-t-il.
- 'ceux qui volent le plus' -
Au nord de la ville, dans "le quartier des affaires", le ton est tout autre : au pied du plus haut gratte-ciel d'Espagne, trois jeunes avocats - de droite - prennent un café.
Ils sont deux contre un à parier que "non, il n'y aura pas de nouvelles élections" et se félicitent que M. Rajoy ait conclu dimanche un accord avec les libéraux du parti Ciudadanos.
"Les socialistes vont dire non à Rajoy" mercredi puis vendredi, pronostique Jeronimo Callejo, avocat de 29 ans, mais "après les élections régionales d'octobre au Pays basque, un accord pourra être trouvé" soit avec les socialistes soit avec le Parti nationaliste basque.
Jeronimo est cependant cinglant avec les conservateurs dont il approuve la politique économique
il ne leur attribue "aucune vertu sinon l'expérience de savoir gouverner" et reconnaît "un défaut : la corruption".
A l'autre bout de la ville, au marché municipal du quartier populaire Puente de Vallecas - bastion de gauche - Aida Raez dit sa déception d'électrice d'Unidos Podemos, "obsédée par la corruption".
"Ceux qui volent le plus, ce sont ceux du PP, mais les gens continuent à voter pour eux alors qu'on bosse comme des ânes et qu'on ne sait même pas si on touchera une retraite"
Cette employée de supermarché de 32 ans est sûre qu'"il y aura d'autres élections avec le même résultat... jusqu'à ce que les politiciens se lassent" de leur propre jeu.