La compagne de Frédéric Roblot, qui s'est donné la mort en octobre, s'associe au fils de Létizia Storti, hospitalisée depuis sa tentative de suicide fin mars, ainsi qu'aux syndicats CGT et FO. Ils déposent plainte contre la direction du laboratoire pharmaceutique UPSA dans le Lot-et-Garonne.
Homicide involontaire, mise en danger de la vie d'autrui, harcèlement moral et discrimination syndicale : tels sont les faits reprochés à la direction d'Upsa dans la plainte commune déposée par la compagne de Frédéric Roblot, le fils de Létizia Storti et les syndicats CGT et Force Ouvrière (FO).
Les premiers faits remontent à octobre 2020. Frédéric Roblot, délégué CGT et élu au sein du conseil économique et social d'Upsa à Agen, signe un courrier dans lequel il met clairement en cause son employeur avant de mettre fin à ses jours. Dans la foulée, sa compagne dépose plainte contre le laboratoire pharmaceutique, sans avancée concrète… Jusqu'au mardi 27 avril, lendemain du lancement de cette procédure commune. "Cela fait déjà plus de six mois que la plainte a été déposée par la compagne de Frédéric, et personne n'a encore été auditionné, regrette Nicolas Part de la CGT. On a demandé à être entendu et de mettre un nombre conséquent d'éléments à la disposition de l’enquête, sans avoir eu de retour. Mais on est rassuré aujourd’hui par madame la procureure, qui indique qu’une enquête très active est en cours."
Carte : les différents sites d'Upsa à Agen
Pour cela, il aura fallu deux nouveaux drames. Deux jours après la tentative de suicide d'un cadre de l'entreprise, le 24 mars, Létizia Storti, salariée d'Upsa depuis trente ans et ancienne déléguée syndicale, se jette de dix mètres de haut sur son lieu de travail. Alors que la victime est encore hospitalisée, l'appel de son fils à la procureure reste sans réponse. Deux poids, deux mesures ? C'est en tout cas le sentiment des syndicats. "Dans n'importe quelle affaire où il y aurait un mort et deux blessés graves, il y aurait eu une ouverture d’enquête, fait remarquer Bruno Bourthol, délégué Force Ouvrière chez Upsa.
Je crois en la justice de mon pays, mais on ne s’attaque pas à toutes les entreprises de la même façon. Quand vous êtes puissant, ce n’est pas toujours le même traitement. Pour l'instant, l'inspection du travail est un peu seule à monter son dossier.
La crainte du mimétisme
Les familles et syndicats ont donc décidé de s'associer et de porter plainte ensemble lundi 26 avril. "On a eu besoin de le faire pour qu’officiellement la procureure soit saisie et pour nous permettre, dans trois mois si cela n’a pas bougé, de pouvoir saisir le juge d’instruction, explique Maître Laurent Bruneau, avocat de Létizia Storti. Quand le fils de Létizia avait fait son communiqué de presse, juste après les faits, j’avais demandé à madame la procureure de la République de s’auto-saisir, ce qu’elle peut faire. Manifestement cela n’a pas été le cas, on n'a eu aucune information, aucune réponse. On ne comprend pas le silence de la justice."
Par cette démarche, les familles des victimes comme les syndicats cherchent à faire reconnaître la responsabilité d'Upsa, mais aussi d'éviter un effet de mimétisme. "On sait qu’il y a un phénomène de réitération dans ce genre de fait, et on ne voudrait pas prendre le risque qu'un nouveau salarié décide d'aller aussi loin", poursuit Laurent Bruneau. "La crainte, c’est que ce genre de geste se reproduise, confirme Nicolas Part. Qu’est-ce qu’on fait pour arrêter l’hémorragie en interne ? Qu’est-ce qui est vraiment diligenté par l’employeur? Est-ce qu’il y a une réelle prise de conscience, pour que tout cela s’arrête et qu’on arrive à construire quelque chose conjointement avec la direction ? C'est l'idée."
Tandis que l'affaire prend une nouvelle ampleur, l'enquête reste entre les mains de la section de recherches de la gendarmerie nationale.