Attaque d'un fourgon pénitentiaire : “les élèves se posent des questions” l’École nationale de l’administration pénitentiaire, elle aussi en deuil

Trois jours après le drame qui a coûté la vie à deux agents pénitentiaires et grièvement blessé trois autres dans l’Eure, les mobilisations continuent aux abords des prisons ce vendredi. A Agen, dans les couloirs de l’Ecole nationale de l’administration pénitentiaire, l’heure est au deuil et à la remise en question.

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Élèves de dos, professeurs debout derrière une cible. L’image est forte, elle est surtout symbolique. Ce jeudi 16 mai, aucun cours n'a été donné à l'École nationale de l’administration pénitentiaire (Enap) d'Agen, qui se joint au mouvement initié dans les prisons de France. Il se poursuit ce vendredi 17 mai, trois jours après l’attaque au fourgon entre le tribunal judiciaire de Rouen et la maison d’arrêt d’Évreux.

Le commando a frappé sur la route du retour lors d’une extraction de détenu. Il a tué deux agents de l’administration pénitentiaire et grièvement blessé trois autres, avant de prendre la fuite avec le détenu Mohamed Amra.

Un temps d'échange

Un drame qui a secoué la profession toute entière, jusque dans les couloirs de l’Enap. L'école agenaise, forme aux métiers de l’administration pénitentiaire, qualifiée comme la troisième force de sécurité du pays. Quarante-huit heures après, “l’ambiance est morose” au sein de l’établissement, note Abdelhamid Assou, formateur. 

Une cellule psychologique vient d’être mise en place pour ces futurs surveillants. Certains ont commencé leur stage pratique lundi, la veille du drame, d’autres devraient obtenir leur affectation d’ici quinze jours. Jean-Philippe Thomas est représentant des élèves pour le syndicat UFAP-UNSa-Justice, il les accompagne dans cette période : “Beaucoup se posent la question de savoir s’ils veulent continuer dans les missions extérieures et d’extraction. C’est un choix qui leur est personnel.”

Depuis mardi, les enseignants ont choisi de leur laisser la parole : “C’est important qu’ils puissent s’exprimer, donner leur avis”, explique Sébastien Pernaudat, représentant du personnel pour le même syndicat. Le temps pour échanger, aussi, sur leur profession, depuis toujours mal considérée, affaiblie par le manque de moyens et d’effectifs.

"Le risque ? Quand on signe, on le sait"

Car c’est bien l’enjeu majeur : le recrutement. Ici à l’Enap, Jean-Philippe Thomas assure que l’administration pénitentiaire n’est une vocation pour personne, simplement un métier qu’on apprend à aimer.

Quand on est petit, on veut être policier ou pompier, on ne joue pas au gardien de prison.

Jean-Philippe Thomas

Représentant des élèves UFAP-UNSa-Justice à l'Enap

Emmurés dans leur établissement, aucun des étudiants de l’Enap ne s’exprime ce matin. Seul Lucas, étudiant en master d’exécution des peines de passage devant l’école, plaide, pour “une meilleure sensibilisation à ces métiers”. Et pour cause, dans quelques années, il travaillera en étroite collaboration avec l’administration pénitentiaire.

Mais après cette attaque au fourgon, la profession pourrait être un peu plus boudée. “Vous avez envie de travailler pour deux morts, avec 2 200 euros par mois ?” lance Jean-Philippe Thomas. Ça aura forcément des conséquences.” Le risque, comme une épée de Damoclès au-dessus des élèves. Le représentant du personnel Sébastien Pernaudat, en poste depuis une vingtaine d’années dans le secteur, préfère relativiser : “Ça a toujours existé. Quand on signe, chacun sait ce qu’il risque.” 

Le dernier décès dans l’administration remonte à 1992. Francis Caron avait été tué dans l’exercice de ses fonctions par un détenu, alors qu’il surveillait une cellule.

On est équipé avec des 9mm, mais on nous attaque avec des armes de guerre.

Sébastien Pernaudat

Responsable du personnel UFAP-UNSa-Justice

Plus de moyens matériels

Professionnels, professeurs et futurs élèves réclament aujourd’hui d’être enfin entendus. Réunis avec le ministère de la Justice mercredi, les syndicats ont été particulièrement déçus du relevé de décisions transmis par Eric Dupont-Moretti à la suite de la réunion. 


Les représentants syndicaux viennent de fournir de nouvelles propositions : “On a décidé de compléter et d’étoffer en fonction des besoins sur le terrain, à la fois sur le recours à la visioconférence pour éviter les transferts et sur le renforcement des escortes lors des extractions”, explique Michel Przygoda, agent d'escorte pénitentiaire et délégué Force ouvrière, toujours mobilisé à Gradignan ce matin. Une revendication capitale à l’approche du transfert vers le nouvel établissement pénitentiaire lundi prochain.

L’utilisation de véhicules banalisés ou encore l’amélioration de l’armement ont été évoqués. Même si certains, comme Sébastien Pernaudat, alertent sur une possible escalade : “On est équipé de 9mm mais on nous attaque avec des armes de guerre. Si demain, on a des armes de guerre, est-ce qu’ils ne vont pas venir au lance-roquette ?

En attendant des certitudes, les blocages pourraient continuer dans les prochains jours à l’appel de l’intersyndicale.

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