Depuis 6 h 30, ce mercredi 15 mai, plusieurs maisons d'arrêts de la région sont bloquées dans le cadre d'une opération prison morte. C'est le cas à Pau et à Gradignan. Endeuillée par l'attaque du fourgon survenue la veille dans l'Eure qui a causé la mort de deux agents, l'administration pénitentiaire réclame des moyens à la hauteur.
La gorge est nouée et la voix se brise lors du rappel des faits. Puis, une minute de silence. Un calme soudain qui contraste avec l'effroi des agents pénitentiaires, réunis ce mercredi 15 mai devant la maison d'arrêt de Pau. Dès l'aube, plusieurs prisons de la région ont été bloquées pour "manifester le soutien" de la profession aux familles des victimes de l'attaque du convoi pénitentiaire dans l'Eure, survenu la veille. Deux agents ont été tués, trois sont gravement blessés. "On n'a pas d'autre choix que de bloquer complètement les établissements pour que ça réagisse très vite", insiste David Torrès, secrétaire adjoint CGT à la prison de Pau.
Fourgons blindés et fusils d'assaut
Depuis 6 h30, la prison est à l'arrêt. Une cinquante d'agents se sont mobilisés. Devant l'établissement, ils érigent des cibles comme symbole d'une insécurité grandissante et d'une vulnérabilité qui les inquiètent. Les visites sont suspendues, les parloirs supprimés. Surtout, aucune extraction n'aura lieu aujourd'hui. Car c'est là que le bât blesse. "Sortir un détenu, c'est le talon d'Achille de la pénitentiaire puisqu'on devient beaucoup plus vulnérable", pointe David Torrès. C'est justement au cours d'une extraction qu'un fourgon pénitentiaire a été attaqué mardi 14 mai, au péage d'Incarville, dans l'Eure, par un commando lourdement armé.
Blocage de la maison d arrêt de Pau depuis 6h30. Ni visites, ni extractions. Les personnels réclament plus de moyens notamment lors des extractions suite au drame d hier. Ce soir sur @F3pau @F3Aquitaine #justice #penitentiaire pic.twitter.com/JX1KZHFBQY
— Elise Daycard (@edaycard) May 15, 2024
À bord, cinq agents transportaient un détenu de niveau "Escorte 3" vers la prison d'Evreux. "Il aurait dû y avoir une escorte de police et de gendarmerie, regrette Jean-Marc Abadie, instructeur à la retraite. Je ne sais pas si ç'aurait changé la donne, mais il y aurait eu plus de monde pour intervenir." Sur son visage, l'émotion et l'amertume peinent à être dissimulées. Selon lui, et malgré la "bonne formation" des agents pénitentiaires, les moyens à leur disposition ne sont pas à la hauteur des besoins sur le terrain.
"Les fourgons blindés, ça serait vraiment l'idéal, mais déjà il faudrait avoir du matériel à la hauteur, comme les fusils d'assaut", réclame-t-il. "Les gendarmes, quand ils partent en intervention, ont dans leur véhicule une arme lourde que nous, on n'a pas, abonde David Torrès. On a des petits 9 mm face à un commando qui attaque. Sans surprise, les collègues n'ont eu aucune chance."
Transfert de mission
Jusque-là réservées à la gendarmerie et la police, les missions d'extractions sont depuis plusieurs années devenues la compétence de l'administration pénitentiaire, sans pour autant, "que les moyens suivent", critique le secrétaire adjoint CGT, David Torrès. "Les véhicules sont à la base des utilitaires qui sont ensuite équipés de sièges et de cages pour enfermer les détenus, mais autrement, il n'y a pas de sécurité, ils ne sont pas blindés", détaille-t-il.
Sur des manifestations face à des piétons à Paris, on voit bien qu'ils sortent les blindés. Donc il y a vraiment une question à se poser sur les moyens qu'on donne à nos collègues qui font les extractions au quotidien.
David Torrèssecrétaire adjoint CGT à la prison de Pau
Prise de conscience
La prison de Gradignan, en Gironde, est, elle aussi,, bloquée dans un contexte particulier. Lundi matin, une partie des détenus de la prison seront transférés vers le nouveau centre pénitencier, situé juste à côté, entraînant le déménagement d'une partie des agents. Inquiets, une centaine d'entre eux sont mobilisés. Comme Jean-Marc, arrivé ce matin très tôt "en soutient à [ses] collègues qui sont morts". Pendant trente ans, il a travaillé comme escorte judiciaire. "Je suis choqué parce que je suis papa, j’ai un enfant qui est jeune, j’ai ma femme. Elle ne veut plus que je fasse ce métier-là, confie-t-il. Il y a des morts, des blessures graves, des familles endeuillées. Il y a une prise de conscience, mais on ne mesure pas ce qu’il s’est passé."
À Gradignan, les agents prévoient de rester mobilisés au moins jusqu'à la réunion de l'Intersyndicale au ministère de la Justice, prévue dans l'après-midi. En visite dans le département, Marion Maréchal, tête de liste du parti d’extrême droite Reconquête !, s'est rendue sur place dans la matinée pour échanger avec les agents présents. Le mouvement a pris dans toute la région, comme en Dordogne et dans le Lot-et-Garonne.
Une nouvelle minute de silence devrait avoir lieu à 11 heures dans toutes les maisons d'arrêts mobilisées.