Ce mercredi 18 décembre, une exploitante agricole était jugée par le tribunal correctionnel d'Agen pour traite d'êtres humains sur une douzaine de travailleurs étrangers. Elle a été condamnée à trois ans de prison avec sursis.
Tous étaient arrivés en France avec la promesse d'un travail dans une exploitation agricole. Ce mercredi 18 décembre, une douzaine de travailleurs étrangers étaient entendus à la barre du tribunal correctionnel d'Agen, dans le Lot-et-Garonne, pour témoigner du calvaire vécu pendant plusieurs mois.
Ils accusent leur exploitante de les avoir fait venir travailler dans des conditions indignes. Celle-ci a finalement écopé d'une peine de trois ans de prison avec sursis et de 50 000 euros d'amende.
Les gens ont peur d'être renvoyés, d'être encore plus maltraités, car on les fait travailler et on ne les paye pas forcément.
Michelle Darromandéléguée générale CGT du nord de Nérac
Menace de report
Salaire de misère, logement insalubre, interdiction de sortir de l'exploitation, la situation décrite par les avocats des parties civiles s'apparente à de l'esclavagisme. "Ce sont des gens qui ont dormi dans des conditions indignes et on n'est pas à l'abri de découvrir de nouvelles souffrances endurées, rappelle Me Younes Derkaoui, avocat de plusieurs victimes. Certains étaient étudiants, avaient un emploi et ont laissé tomber le Smic marocain pour avoir le strict minimum".
C'est l'exploitation de l'homme par l'homme en état de vulnérabilité.
Younes DerkaouiAvocat de plusieurs victimes
Pour des raisons de santé, la gérante de l'exploitation, seule accusée dans cette affaire, n'était pas présente à l'audience. Son mari n'a, quant à lui, jamais été inquiété ce qui fait bondir les avocats de la défense, qui ne comprennent pas que les responsabilités incombent seulement à leur cliente. "On a pu voir qu'il était particulièrement impliqué, qu'il était l'intermédiaire au Maroc, pointe Me Elea Cerdan, avocate de l'accusée. Il aurait été intéressant que l'ensemble des personnes qui ont participé à ces infractions soient traduites en justice." À l'aube de l'audience, planait alors la menace d'un report pour manque d'informations.
Des intermédiaires absents
"On est un peu tristes de se dire qu'elle sera la seule à répondre de responsabilité pénale dans un dossier qui la dépassait largement", ajoute l'avocat des parties civiles. Finalement, si l'audience a bien eu lieu, la peine retenue s'est avérée finalement inférieure à celle requise par l'avocat général. L'accusée écope de trois ans de prison avec sursis contre quatre ans, dont un an ferme."C'est une décision de justice qui est satisfaisante puisqu'elle a su prendre en compte les éléments matériels et objectifs de ce dossier, à savoir une enquête qui avait été lacunaire", réagit l'avocate de la défense.
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La douzaine de travailleurs étrangers, pour la plupart en situation irrégulière, attendait avant tout une reconnaissance de leur statut de victime. "La sérénité d'une vie normale sur le territoire leur suffit amplement, glisse leur avocat Me Younes Derkaoui. Retenir sa seule responsabilité pénale, suffit pour soulever l'obstacle sur le chemin de leur régularisation qui devrait s'accélérer dans les prochaines semaines."
Pour Michelle Darroman, délégué générale CGT du nord de Nérac présente lors de l'audience, ce procès doit pouvoir ouvrir à la voie à de nouvelles affaires. "Dans le Lot-et-Garonne ça dure depuis des années, il y a une chaîne terrible qui conduit à l'exploitation, dans le pays des droits de l'Homme ce n'est pas acceptable." Dans la région, ces affaires se multiplient ces derniers temps. Un couple a été écroué, ce vendredi 13 décembre, après le dépôt de plainte de 22 victimes pour traite d'être humain. Ce mardi 17 décembre, un homme de 54 ans a également été condamné à trois ans de prison ferme pour avoir exploité une vingtaine de travailleurs viticoles marocains.