Le 10 novembre 1998, la Seita lançait la fermeture de la manufacture des tabacs à Tonneins, en Lot-et-Garonne. Retour sur la fin de l'histoire de fabrique de cigarettes, alors qu'un projet de réhabilitation de l'usine se dessine.
Située au cœur du centre-ville de Tonneins, l'immense manufacture des tabacs est toujours là. Les bâtiments, du moins, sur 2 hectares et demi. Il y a plus de 25 ans, les machines qui fabriquaient des cigarettes de marque Gauloises et Gitanes résonnaient dans la commune.
Au plus fort de l'épopée de la "Manu", 1 200 ouvriers et ouvrières se croisaient là. Christian Landier, 80 ans aujourd'hui et 25 ans de "boîte" se souvient : "j'étais paysan et j'ai finalement été embauché par la Seita dans les années 70. "
Je suis devenu fonctionnaire car la Seita était nationalisée. Je travaillais aux préparations générales, chargé de chauffer le tabac.
Christian LandierAncien ouvrier de la manufacture.
Deux ans de lutte et 340 emplois supprimés
De belles années à l'usine, pendant que son épouse travaillait comme agricultrice. Mais le 10 novembre 1998, la Seita a annoncé la fermeture de deux sites sur trois, à Tonneins, entrainant la perte de 340 emplois. Au total, il y en aura 430.
Le personnel, accompagné par les syndicats s'est alors engagé dans deux années de lutte pour conserver les emplois et l'activité, de Tonneins à Paris. "On a fait des choses énormes quand même", se rappelle Christian Landier.
Je me souviens de palettes allumées devant la société générale à Agen. On a même séquestré le directeur dans son bureau.
Christian LandierAncien ouvrier de la manufacture
"Même si le site a fermé, on a obtenu des avancées sociales, au niveau par exemple des indemnisations, qui étaient conséquentes pour l'époque, rajoute l'ancien ouvrier licencié à 56 ans. J'ai eu de la chance, car j'ai été payé jusqu'à 60 ans. D'autres plus jeunes ont été reclassés dans d'autres sites de la Seita à Toulouse, Nantes ou Strasbourg. Beaucoup l'ont mal vécu."
L'ancien paysan n'a pas tout à fait décroché du tabac, qu'il a ensuite cultivé avec son épouse jusqu'en 2004.
Renaissance du site
La culture de la plante reste confidentielle en Lot-et-Garonne de nos jours. L'entreprise Traditab, fondée par la coopérative des petits planteurs du Sud-Ouest depuis 2008, commercialise la marque "1637", date des premières cultures de feuilles de tabac en France à l’Abbaye de Clairac, en Lot-et-Garonne.
Une autre culture historique dans le secteur revient sur le devant de la scène, celle de la fleur de chanvre. Jean-Pierre Romuat, ancien de la "Manu" produit du chanvre avec son fils qui est transformé en huile et en tisane bien-être.
A Tonneins, la page de la fabrication des cigarettes est tournée. Reste un serpent de mer : que faire des vastes bâtiments de l'usine ? Le 25 juin dernier, la ville a acheté la friche pour 100 000 euros symboliques.
La municipalité veut faire revivre les lieux en accueillant des entreprises. "Que de pistes à creuser", disait-elle fin juin. "Dans la création, l’innovation, les nouvelles énergies, les nouveaux métiers en lien avec le développement durable, la formation, l’hébergement ou la restauration."
"J'aimerais bien voir quelque chose de nouveau à la Manu", sourit Christian Landier.