Le Lot-et-Garonne, parent pauvre de la vaccination en Nouvelle-Aquitaine ?

Dans une campagne de vaccination qui patine, en Nouvelle-Aquitaine comme dans le reste du pays, le Lot-et-Garonne se démarquerait-il comme le mauvais élève de la région ? Au-delà des chiffres, les professionnels pointent une gestion chaotique qui va bien au-delà du département et de la région.

« La politique de vaccination est catastrophique, c’est simple, on ne pourrait pas faire pire. »

Michel Durenque, le président de l’Ordre des médecins l’avoue, il est « fatigué de toutes ces incohérences ».

Ce ras le bol, c’est celui de toute une profession. En Lot-et-Garonne, 490 généralistes et spécialistes sont potentiellement mobilisables pour vacciner la population, auxquels s’ajoute une cinquantaine de médecins retraités, revenue prêter main forte au sein des vaccinodromes.

Mais si les troupes sont là, si les médecins répondent présents, les munitions, elles, arrivent au compte-goutte : un flacon seulement d’AstraZeneca distribué chaque semaine par praticien, un vaccin, qui plus est, « dont personne ne veut ».

2h au téléphone à convaincre les patients

Résultat, à force de devoir convaincre les patients de se vacciner, les médecins perdent patience.

« Dans très peu de temps, on va se retrouver avec des professionnels de santé découragés et une population totalement désengagée de la vaccination », déplore Michel Durenque.

Mêmes effets dans les pharmacies. Là encore, seul l’AstraZeneca est disponible. Dans son officine de Colayrac-Saint-Cirq, Gérard Deguin, Vice-président de l’Ordre des pharmaciens de Nouvelle-Aquitaine est à bout de nerfs.

« J’ai prévu de vacciner cet après-midi, mais pour regrouper onze personnes, j’ai du passer deux heures au téléphone. Vous devez parlementez avec les patients pour savoir s’ils viennent ou non. Et au moment T, certains partent vers des centres de vaccination. C’est impensable de continuer comme ça. Soit on continue avec l’AstraZenaca, soit on arrête, il faut nous le dire clairement ! »

Médecins comme pharmaciens, tous déplorent la couverture médiatique réservée au vaccin d’Oxford. Et la suspension du Johnson & Johnson, juste après sa mise sur le marché, n’est pas de nature à les rassurer.

Pourtant, affirment-ils, cabinets et pharmacies auraient pu eux-aussi vacciner au Pfizer et au Moderna.

Le choix a été fait de ne pas acheminer ces deux vaccins vers la ville. Et pourtant, c’est possible, puisqu’il peut se conserver 20 jours à 20 degrés, chez un grossiste répartiteur par exemple, puis 6 jours entre 2 et 8 degrés. Si on avait voulu privilégier la proximité, c’était possible ! 

Gérard Deguin, Vice-président de l’Ordre des pharmaciens de Nouvelle-Aquitaine

« On a pu le transporter dans les EHPAD, dans les centres sociaux, dans les vaccinodromes, mais on ne pourrait pas l’acheminer vers les cabinets ?! Arrêtons… », renchérit Michel Durenque, le président de l’Ordre des médecins.

« C’est un échec »

Très remonté, le médecin ne mâche pas ses mots : « A ce jour, la campagne de vaccination est un échec et tant que l’on n’aura pas atteint le seuil de 60% de population vaccinée, tout le monde en pâtira ».

Pour l’heure, il est vrai, à peine un cinquième de la population française a reçu sa première dose. Au 14 avril 2021, 20,4% des Néo-aquitains l’avaient reçue et 6,9% seulement avaient pu bénéficier du rappel.

En comparaison, le Lot-et-Garonne affiche des taux de 18,5% pour la première dose contre 5,8% pour la deuxième.

Le Lot-et-Garonne mauvais élève de la région ?

Quelques dixièmes qui n’affolent pas le président de l’Ordre des médecins. Il s’en amuse : « dans la médiocrité, on est un peu plus nul, c’est tout ! ».

Gérard Deguin, le pharmacien, y voit plutôt une spécificité du département :

«  On se vaccine moins qu’ailleurs dans le Lot-et-Garonne. Cela vaut pour la grippe, la rougeole, les oreillons ou la rubéole. Traditionnellement, nous ne sommes pas de bons élèves, probablement à cause d’un lobby anti-vaccin relativement important dans le département ».

Lui, juge la répartition des vaccins département par département « assez équitable ».

Une juste répartition, c’est ce que soutient aussi Joris Jonon, directeur de l’antenne départementale de l’Agence régionale de santé.

« Le ratio entre le nombre de doses et les personnes éligibles à la vaccination était hier strictement au même niveau entre le Lot-et-Garonne et le reste de la région ».

Lui, préfère insister sur la trajectoire de la campagne, en progression constante. Pour preuve, de 4.000 injections par semaine réalisées en mars, on est passé à 10.000 vaccinations hebdomadaires au mois d’avril. Des chiffres intégrant uniquement l’activité des six vaccinodromes Lot-et-Garonnais.

Difficultés à prendre rendez-vous

Mais quid des difficultés rencontrées par la population pour prendre rendez-vous via la plateforme Doctolib ?

« On débloque progressivement des plages de rendez-vous. Aujourd’hui, des créneaux sont possibles entre le 28 avril et le 2 mai», indique Joris Jonon.

Pour le responsable local de l’ARS, « il n’y a pas de sous-dotation du département en terme d’approvisionnement de vaccins ». Quant au taux de couverture, il est amené à progresser pour atteindre, bientôt, la moyenne régionale. « Nous sommes loin du décrochage par rapport au reste de la Nouvelle-Aquitaine », ajoute-t-t-il.

Les oubliés de la vaccination

Cette progression, Bernadette Dreux, l’observe depuis la commune de Duras qu’elle administre, tout au Nord du Lot-et-Garonne.

« On a enfin l’impression que l’on va y arriver ». Jusqu’à la mi-mars pourtant, elle a craint le pire pour sa population âgée et particulièrement celle vivant seule à domicile.

Impossible de prendre rendez-vous à Marmande pour se vacciner et l’impression d’être les grands oubliés de la campagne de vaccination.

Heureusement, l’arrivée d’un vaccinodrome éphémère, un dimanche de mars, tenu par les sapeurs-pompiers du département, est venu changer la donne dans ce territoire isolé.

300 doses du sérum Pfizer ont pu être injectées. Chacun attend désormais le rappel, prévu d’ici quelques jours, le 25 avril prochain. Désormais, la maire de Duras respire. 
Les pensionnaires des deux maisons de retraites sont vaccinés et le processus pour vacciner la population la plus fragile semble enfin enclenché. 

 

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