En première instance, l’ancien ministre et député maire du Lot et Garonne avait été condamné à trois ans de prison ferme pour ses comptes cachés à l’étranger.
Certaines affaires ne s’oublient pas. Jérôme Cahuzac n’avait sûrement pas imaginé que la sienne, qui porte son nom, allait le poursuivre jusqu'à faire de sa vie un enfer.Il est loin le temps des dîners en ville, des rendez-vous mondains dans les hauts lieux de la capitale. Devenu un paria aux yeux de l’opinion publique et de sa propre famille politique, l’ancien député maire de Villeneuve-sur-Lot, président de la commission des Finances et l’ancien ministre du Budget au sourire carnassier est aujourd’hui un homme isolé et très discret.
Cinq ans après avoir déclenché le plus retentissant scandale du quinquennat et fait trembler le gouvernement de François Hollande, Jérôme Cahuzac revient devant la justice, et, pour deux semaines, dans la lumière.
Trois ans de prison et cinq ans d'inéligibilité en première instance
Le 8 décembre 2016, l' ex-héraut de la lutte contre la fraude fiscale s'était vu infliger une peine de trois ans de prison et cinq ans d'inéligibilité par la 32e chambre du tribunal correctionnel de Paris.
Une peine d'emprisonnement, exceptionnelle pour ce genre d'affaire, mais une peine à la portée symbolique synonyme d’un changement de ton dans le domaine de la lutte contre la fraude.
une faute pénale d'une exceptionnelle gravité
A l’époque, lors du jugement, le président avait dénoncé "une faute pénale d'une exceptionnelle gravité, destructrice du lien social et de la confiance dans les institutions" de la part d'un homme, qui "incarnait la politique fiscale de la France".
Du déni aux aveux : retour sur une affaire hors norme
Il avait dû démissionner après avoir menti « les yeux dans les yeux » devant la République.
En mai 2012, Jérôme Cahuzac est nommé ministre du Budget, dans le gouvernement de Jean-Marc Ayrault. Tout bascule sept mois plus tard. Le 4 décembre 2012. Mediapart publie une enquête dans laquelle le ministre délégué au Budget est accusé d'avoir détenu un compte bancaire non déclaré en Suisse puis à Singapour.
Il y a aussi un enregistrement. Celui-ci révèle l’inquiétude de Jérôme Cahuzac à propos de ce compte qu'il qualifie d' « énorme connerie ». Enregistrement détenu par l’avocat Michel Gonelle. Cet opposant à Jérôme Cahuzac à Villeneuve-sur-Lot et ancien du RPR affirme avoir prévenu l'Elysée, qui confirme l’information.
Début janvier 2013, le parquet ouvre une enquête à la suite de ces révélations.
Jérome Cahuzac, qui se présente alors comme le chevalier blanc de la lutte contre la fraude fiscale, commence par tout nier. "Les yeux dans les yeux", devant le président Hollande, l’Assemblée nationale, les médias.
Acculé et après des mois de démentis, il finira par passer aux aveux.
Le 2 avril 2013, l'ancien ministre du Budget déclare à 16h52 dans un message posté sur son blog avoir eu un compte à l'étranger doté de 600.000 euros.
"J’ai été pris dans une spirale du mensonge et m’y suis fourvoyé. Je suis dévasté par le remords".
(Blog Jérôme Cahuzac)
Une confession qui provoque une onde de choc dans le monde politique et qui met la gauche KO.
Jérôme Cahuzac demande alors pardon au président de la République François Hollande et au Premier ministre "pour les dommages" qu’il a causés.
Pour son procès en appel, Jérôme Cahuzac s'est octroyé les services d'une star du barreau Eric Dupond-Moretti, surnommé « Acquittator ».
L'ancien ministre du budget n' a très certainement pas été insensible au bilan de celui qui est considéré comme l'un des meilleurs pénalistes de France et qui détient même le record d’acquittements en cour d’assises : 141 accusés défendus par l’avocat ont été innocentés à l’issue de leur procès.
A 65 ans, l'ancien homme fort du gouvernement et de Villeneuve-sur-Lot, passionné par le golf et qui avait pour code "birdie" (avoir un coup d’avance) auprès de ses banquiers étrangers, n’est pas encore tiré d'affaire.
L'affaire Cahuzac en 10 dates
► 6 décembre 2012. Jérôme Cahuzac porte plainte pour diffamation contre Mediapart.► 21 décembre 2012. Michel Gonelle, opposant de Jérôme Cahuzac à Villeneuve-Lot affirme détenir un enregistrement prouvant que le ministre du budget possède bien un compte en Suisse.
► 8 janvier 2013. Le parquet de Paris ouvre une enquête préliminaire pour "blanchiment de fraude fiscal".
► 26 mars 2013. Jérôme Cahuzac reconnaît détenir un compte à l’étranger .
► 2 avril 2013. Jérôme Cahuzac est mis en examen pour fraude fiscale et blanchiment d'argent.
► 18 avril 2013. Jérôme Cahuzac démissionne de son mandat de député du Lot-et-Garonne après avoir été exclu du parti socialiste le 9 avril.
► 11 septembre 2013. Nouvelle mise en examen pour déclaration incomplète ou mensongère de son patrimoine.
► 8 février 2016. Le procès de Jérôme Cahuzac est suspendu. Ses avocats ont demandé la prise en compte des questions prioritaires de constitutionnalité.
► 5 septembre 2016. Reprise du procès.
► 8 décembre 2016. Jérôme Cahuzac est condamné à trois ans de prison et cinq ans d'inéligibilité par la 32e chambre du tribunal correctionnel de Paris.