Alexia Cérénys est numéro 8 de l'équipe d'Elite 1 du rugby club de Lons, en Béarn. C'est la première femme transgenre à évoluer à un tel niveau, soutenue par la Fédération française de rugby. Portrait, à la veille de la journée mondiale de lutte contre l'homophobie et la transphobie.
"J'ai commencé à me poser des questions vers six ou sept ans" se remémore Alexia Cérénys. Celle qui joue comme troisième ligne centre à Lons, en Béarn, dans un club classé dans la première division du rugby féminin, en Elite 1, est aujourd'hui âgée de 35 ans.
Née dans un corps masculin, elle prend peu à peu conscience de sa transidentité durant son enfance, puis son adolescence. "À partir du collège, je commence vraiment à me poser des questions, mais tout cela reste enfoui en moi. Et j'avance, j'avance, jusqu'à craquer à l'âge de 25 ans."
Une prise de conscience progressive
Depuis ses 14 ans, Alexia joue au rugby à Mont-de-Marsan, et progresse jusqu'à intégrer les Espoirs. Pendant deux ans, elle enchaîne les blessures à répétition et décide d'arrêter le rugby.
C'est alors, au début de la vingtaine, que la dysphorie de genre, c'est-à-dire la détresse engendrée par l'inadéquation entre le genre assigné, masculin, et l'identité réelle d'Alexia, féminine, devient insupportable.
"J'avais 23-24 ans, et dans ma tête, ça commençait à faire bouchon de champagne. Je ne savais plus réellement qui j'étais, j'étais totalement dans une sorte de jour/nuit, il fallait que je respecte les codes de la société en tant qu'homme dans la journée, et le soir, je me mettais énormément en question. Je regrettais tous les jours de ne pas avoir le courage de franchir ce pas" témoigne-t-elle. Une rupture amoureuse l'a fait ensuite "totalement décrocher. J'ai dit 'stop le rugby, on repart à zéro, pour voir qui je suis réellement".
De 2010 à 2014, le parcours de transition
Nous sommes alors en 2010. Alexia commence par faire son coming-out à une amie très proche, ainsi qu'à sa cousine. "On en a discuté tout au long de l'année, et j'ai pu mettre les mots sur ce qu'il se passait en moi, sur toutes mes envies, qui j'étais". Elle se révèle ensuite à ses amis, puis à sa famille, le 1er janvier 2011. "Je ne savais pas comment l'annoncer, ça a été un peu difficile au démarrage, mais ça se passe très très bien maintenant", sourit-elle.
S'ensuivent les consultations chez un psychiatre, alors obligatoires pour avoir accès à un endocrinologue, puis le début d'un traitement hormonal, le 29 juin 2012. Une date importante pour Alexia, comme celle de son opération à Bordeaux, le 11 septembre 2014. À partir de là, "ça a été un soulagement, et un nouveau départ".
La reprise du rugby
En 2016, Alexia intègre les féminines du Stade Montois, avant d'être recrutée, deux ans plus tard à Lons, en élite 1, la première division du rugby féminin.
"On allait chercher une joueuse de qualité, puisqu'on connaissait son niveau de jeu, et elle était connue pour son combat et son engagement sur le terrain" explique le président du club, Jean-François Lombard.
Il évoque une joueuse "exceptionnelle, avec un état d'esprit hors du commun, une volonté de faire les choses marquées par son expérience, sa manière de vivre qui se ressent sur le terrain. C'est une personne volontaire, qui ne lâche rien, et qui va au bout des choses, et ça, dans notre sport, c'est quand même un gros plus."
Aujourd'hui, Alexia est la seule femme transgenre à évoluer en élite 1, et n'imagine pas sa vie sans son club de rugby. Quand en 2020, l'organisation Word Rugby préconise de ne pas sélectionner de femmes transgenres dans les équipes féminines, elle est révoltée par cette prise de position discriminatoire. "J'ai commencé à avoir peur au niveau national, et à m'inquiéter de savoir si j'allais pouvoir continuer à jouer au rugby cette année."
Elle prend alors contact avec la Fédération française pour connaître sa position. "Ils m'ont déjà rassurée, et dit que cela ne concernait que le niveau international, qu'au niveau national je pouvais continuer à pratiquer le rugby, comme je le voulais et qu'eux étaient contre cette décision, discriminatoire et arbitraire."
→ Regardez le portrait d'Alexia Cérénys, réalisé par Laurianne de Casanove et Marc Lasbarrères.