Une cinquantaine travailleurs sociaux du foyer Gardera et du Home de Mazères ont manifesté cet après-midi devant les locaux d'Emmaüs. En cause : les conditions de travail et donc d'accueil des enfants dans ces centres. Ils demandent, entre autres, à être gérés par une autre association qu'Emmaüs.
La crise qui cristallise les tensions au sein d'Emmaüs n'est pas nouvelle. Depuis plusieurs mois, les salariés dénoncent leurs conditions de travail et donc d'accueil des enfants dans certains centres gérés par Emmaüs Gironde.
Le 22 novembre dernier, lors d'une conférence de presse, un collectif d'associations humanitaires qui rassemblait Médecins du Monde, la Cimade, l'Asti, la Ligue des droits de l'homme et Réseau éducation sans frontières, avait dévoilé les conditions d'accueil et de vie des jeunes mineurs étrangers pris en charge par le pôle enfance d'Emmaüs Gironde au foyer de Martillac. Après le passage des services du département, le contrôle avait ordonné la fermeture du foyer fin décembre. La fermeture a été effective fin janvier, tout comme à Parempuyre.
Mais Emmaüs Gironde gère d'autres structures notamment une à Talence, dite "Suzon" (sorte de foyer d'hébergement d'urgence), le château Tenet où un contrôle du département a été effectué et où aucune "anomalie" n'aurait été détectée. Emmaüs gère également deux autres lieux dans le cadre du Pôle Enfance, en l'occurrence le foyer du Gardera, et le Home de Mazères à Langon. Les salariés de ces deux structures dénoncent la gestion des lieux par Pascal Lafargue, président d'Emmaüs Gironde.
Ces deux établissements hébergent des "mineurs avec des troubles du comportement qui n’intègrent pas une socialisation et une scolarisation classiques" explique Olivier Coyette éducateur scolaire au Gardera. "Oui des filets ont été par exemple installés dans les escaliers, mais la sécurité des enfants n'est pas pour autant totalement assurée" ajoute-t-il.
Olivier Coyette est en arrêt maladie depuis août dernier suite à un burn-out lié à ses conditions de travail au Gardera. "J'ai assisté au moment où le foyer a été réorganisé, et le manque de considération pour les enfants et les parents était flagrant " explique-t-il. La situation s'explique selon lui par deux problématiques. Il pointe "l'incompétence manifeste d'Emmaüs dans la protection de l'enfance, mais aussi en terme de management".
"Les éducateurs sont livrés à eux-mêmes, il y a de réels problèmes de recrutement, en plus, on ne leur donne pas les moyens" explique le salarié affilié à la CGT. Il n'y aurait par ailleurs "pas de visibilité sur les budgets et pas de projet de service cohérent". "On fait au tout-venant" se désole le travailleur social. "Il y a un trun-over terrible, plus de cohésion entre les salariés, pas de cohérence dans les projets, les salariés sont abandonnés".
"Alors aujourd'hui, on veut faire un coup de force et être visibles pour montrer notre colère. Pas pour dialoguer : on a essayé depuis un an, mais c'est sans résultat. On veut interpeller le département qui a une responsabilité en confiant ou non un enfant à Emmaüs. Il y a eu une prise de conscience avec Martillac mais il y a des choses qui nous echappent, on craint de couler. On voudrait un administrateur provisoire ou qu'on nous confie à une autre association competente et historique de la protection de l'enfance car Emmaus n'a pas les compétence pour".
Le département a signifié à Emmaüs de faire des améliorations sur deux sites
Emmanuelle Ajon, conseillère départementale en charge de l'aide sociale à l'enfance, répond à cette interpellation. "Au Gardera ainsi qu'au Home de Mazères de Langon, nous avons fait un contrôle, intervenu il y a peu de temps, et à la suite de celui-ci, il a été signifié à Emmaüs de faire des améliorations dans l'intérêt des enfants et des salariés". "Par ailleurs, nous avons demandé un contrôle conjoint avec les services de l'Etat sur ces deux sites". Philippe Mahé, directeur général des services au département précise : "fin mai nous réaliserons un nouveau contrôle avec la PJJ (protection judiciaire de la jeunesse) pour voir si les améliorations ont été réalisées".Pour ce qui est de la possibilité de changer de gestion avec une autre association, "de part la loi, nous ne pouvons pas casser un contrat comme ça" explique Emmanuelle Ajon. "Nous réalisons donc un accompagnement contradictoire avec d'une part une demande d'amélioration de la prise en charge, et en plus une démarche contractuelle pour une sortie si les améliorations ne sont pas apportées". Pour Philippe Mahé, nommer un administrateur ou changer d'association "n'est pas envisagé pour l'instant". "Le travail que l'on doit faire en commun doit nous amener à améliorer le dispositif".
Reste un dernier établissement géré par Pascal Lafargue président d'Emmaüs Gironde : celui de La Réole. Son ouverture avait été repoussée suite aux remous causés par la polémique concernant le foyer de Martillac. Elle a finalement eu lieu il y a quelques semaines" selon Philippe Mahé et "depuis un contrôle a été réalisé et il a validé cette ouverture".
Motion de défiance à l'encontre de Pascal Lafargue
Un courrier a été adressé par les salariés, "sous la forme de groupement de salariés, car nous n'avons pas de représentant du personnel" peut-on lire dans celui-ci. Il s'adresse à Pascal Lafargue, président d'Emmaüs Gironde et aux membres du conseil d'administration."Malgré l'importance du courrier que les salariés de l'Action Sociale vous ont adressé, vous n'avez donné aucune réponse". "Cela démontre que les inquiétudes du personnel d'Emmaüs Gironde ne sont pas prises en compte, aussi bien par le président que par le Conseil d'Administration". Ce courrier fait également référence à un "manque de transparence concernant les comptes", "l'absence de transmission des documents légaux des assemblées générales" ainsi que le non-respect de la date limite du mandat du président "("Présidence de Monsieur Lafargue depuis 25 ans").
"Nous estimons que vous n'avez plus la légitimité ni la qualification pour assurer la gouvernance financière et humaine que cette association réclame". Les salariés y font aussi allusion à la siscion entre Emmaüs France et Emmaüs Gironde. Ils disent par ailleurs être soutenus par les compagnons et les salariés d'Emmaus Gironde. Cette motion de défiance aurait été signée par au moins 75% des compagnons et des salariés du pôle Action Sociale d'Emmaüs Gironde.
Contacté par téléphone, Pascal Lafargue n'a pas encore donné suite à notre demande d'interview.