Au Pays Basque, les éleveurs de canards résistent à la crise aviaire

Au Pays Basque, les éleveurs de canards résistent à la crise aviaire qui menace le foie gras français, mais s'interrogent sur l'avenir: tout arrêter et vendre, même à perte, ou moderniser en investissant, si les banques veulent bien suivre.

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A Bidache (Pyrénées-Atlantiques), aux confins du Pays Basque, des Landes et du Béarn, où les ruines majestueuses du château des seigneurs de Gramont veillent encore sur le village, Claude Lataillade, 60 ans, arpente ses six hangars, privés de canards.
Son exploitation familiale couvre 60 hectares et il élève des canards gras, des mulards, à raison de 33.000 par an vendus à la coopérative Lur Berri Palmitou, à Aïcirits (Pays Basque).

Après la multiplication de foyers d'influenza aviaire dans le Sud-Ouest, le gouvernement a mis en place un vide sanitaire, de mi-avril à mi-mai, suivi par des mesures de biosécurité afin d'empêcher le retour de l'épidémie dans 18 départements.
Chaque éleveur doit faire face à ces directives.
"Pour ma part, je suis les préconisations de Lur Berri", qui a "décidé qu'il n'y aurait pas de rentrée de canards du 15 avril au 15 mai", avec une "rentrée progressive à partir du 16 mai", explique Claude Lataillade.
Il calcule à voix haute: "Mes derniers canards sont partis mi-février. La rentrée des canards va s'étaler sur six à sept semaines. J'espère rentrer 9.000 canards au plus tôt fin juillet".

"Je vais rester six mois sans salaire et perdre 18.000 canards. A 1,93 euro le canard, ça se traduit par une perte financière de 36.000 euros", estime-t-il.


 "La banque va-t-elle suivre?" 

A cela s'ajoutent les mesures de biosécurité: "Lur Berri nous impose de garder les animaux en circuit fermé, ce qui veut dire doubler la surface des hangars pour élever les canards en bande unique. L'investissement se chiffre entre 150.000 et 200.000 euros", souffle-t-il.
Une question le taraude: "A deux ans de la retraite, faut-il continuer à se battre?"

"Je n'ai pas de suite, soit je ferme l'exploitation, soit je la mets aux nouvelles normes en espérant obtenir une plus-value le jour où je la vendrai", soupèse-t-il.

Son épouse, Annie, 59 ans, qui dirige une exploitation similaire à Bidache, s'inquiète de l'attitude des banques: "Quelle banque va accepter de me prêter de l'argent? J'ai déjà environ 2.000 euros de crédits par mois à payer", déplore-t-elle. "Je me pose réellement la question de tout arrêter."

Non loin de là, toujours à Bidache, Florence et Alain Lataillade, 48 et 56 ans, sans lien de parenté avec Claude et Annie, sont accouveurs de mulards mais aussi d'une souche ancienne, "la criarde".
Premiers maillons de la chaîne, les accouveurs sont les premières victimes des mesures drastiques pour éradiquer la grippe aviaire: "Aucune éclosion ne doit avoir lieu jusqu'à ce que les canetons puissent à nouveau entrer dans les élevages", explique Alain.
"En prime, nous sommes confrontés à un autre problème": chaque mois, les canes pondeuses doivent subir des tests, s'ils sont positifs, le cheptel doit être abattu.

"Pour l'instant, les tests sont négatifs, souffle Florence. De toute façon, nous ne pourrons pas payer ces analyses qui coûtent 1.000 à 1.200 euros par bâtiment et nous en avons quatre".

"Sur un chiffre d'affaires de 200.000 euros, dont 43.000 euros provient du maïs, nous ne pouvons pas supporter ce coût. Sans compter les crédits", renchérit Alain.
Leur clientèle est constituée de conserveurs à la ferme et de particuliers friands de "criards" plus goûteux que les mulards. Un caneton d'un jour de souche criarde se vend à 2,75 euros et de souche mularde à 2,60 euros.
"Si les prochaines analyses s'avèrent positives, il faudra abattre nos canes et, avec elles, ce sera la disparition de la souche "criarde" du Bas-Adour (Pays Basque, Landes et Béarn). C'est elle qui fait toute la différence auprès de nos clients", insiste Alain. "Ce sera la fin de notre exploitation", conclut-il devant son fils, Marc, âgé de 21 ans, qui se prépare pourtant à prendre la suite de ses parents.
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