Dépakine : des rejets 75 fois au-dessus des normes relevés à l'usine de Sanofi, syndicats et riverains dénoncent un "silence radio"

L’entreprise Sanofi est de nouveau dans la tourmente. Sur une période de six jours, l’usine aurait émis des rejets d’une substance cancérogène jusqu’à 75 fois au-dessus des limites autorisées. Syndicats et riverains dénoncent un "le manque de transparence" de la direction du géant pharmaceutique.

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Des rejets 75 fois au-dessus des limites autorisés ont été relevés à l’usine Sanofi de Mourenx, en Béarn entre le 15 novembre et le 21 novembre. "Le chiffre de 156mg/m3 (contre 2 mg/m3 ndlr.) correspond uniquement à un pic d’émission maximale sur 1 h", précise la direction de Sanofi.  Il s’agit d’émissions de bromopropane, une substance cancérogène nécessaire à la fabrication de la Dépakine, ce médicament anti-épileptique au cœur des alertes depuis 2022.

Humidité dans les filtres

 Selon les informations, révélées par Le Monde, Sanofi aurait attendu la tenue d’un comité de suivi du bassin de Lacq pour communiquer sur ces rejets toxiques.

Les informations ont été transmises en toute transparence lors d’un comité de suivi de la plateforme de Mourenx la semaine dernière, qui regroupe les industriels présents sur la plateforme et des représentants de l’Etat, des élus locaux, de la société civile ou encore des représentants de salariés.

la direction de Sanofi

communiqué par mail

Sur le bassin de Lacq travaillent quelque 8 000 salariés. Tous ont été informés de ces rejets, le 6 décembre. C'est notamment le cas de Mélanie, employée d'une entreprise dont les bureaux se situent à quelques mètres de l’usine. “J’ai appris la présence de ces rejets après communication de mon entreprise, qui était présente à ce comité”, indique Mélanie (le prénom a été changé).

Selon la direction de Sanofi, il s’agirait d’un événement “isolé” et “très bref” lié à la dégradation des charbons actifs de l’unité de traitement avec les fortes intempéries. "Nous avons constaté des mesures incohérentes mi-novembre sur l’analyseur en ligne d’émissions de bromopropane en sortie de l’unité de traitement", détaille la direction du site.

Un problème d’étanchéité ponctuel qui ne convainc pourtant pas les syndicats. “Des fortes pluies ? nous sommes en Béarn, ce ne sont pas les premières ! Si c’était la seule raison, il y aurait eu des rejets avant”, souligne Jean-Louis Peyren représentant de la CGT chez Sanofi. “Ils évoquent une humidité captée par capillarité. Est-ce que c’est lié à une usure, une défaillance ?”

Sonde incriminée

Du côté des salariés pourtant, l’information ne semble pas être passée aussi facilement. “En nous rendant sur le site, nous avons appris en discutant la présence de ces rejets, mais nous n’avons eu aucune communication de la direction”, regrette Jean-Louis Peyren, qui a demandé, par la suite, des comptes à la direction de Sanofi.

Pire, pour le syndicat, Sanofi ne prend pas la mesure de “cet événement majeur”. “Ils ont d’abord cru à un dysfonctionnement de leur sonde et ont choisi de la vérifier, avant d’arrêter les rejets quand ils se sont rendus compte que la sonde fonctionnait normalement”, explique Jean-Louis Peyren. Son syndicat s’interroge d’ailleurs aussi sur les normes de sécurité des salariés qui sont intervenus sur la sonde.  “Avaient-ils les équipements adaptés à ces rejets ? On ne sait rien…”, souffle le représentant syndical.

Une version que dément la direction. "Nous avons immédiatement stoppé la production et informé les autorités compétentes", indique-t-elle.

Nouvelle plainte

Une coïncidence “cocasse” pour Mélanie dont les bureaux se situent “à quelques mètres de l’usine”. Elle avait déposé plainte, ce même 15 novembre, contre X pour mise en danger d’autrui, ses deux enfants présentant des troubles neurologiques. “Jusqu’à cette date, ils communiquaient en expliquant qu’ils avaient investi pour répondre aux normes”, précise-t-elle. “Et pourtant, c’était faux, puisqu’on était en plein dépassement.” L’ironie passée, celle qui travaille aussi dans l’industrie chimique, s’inquiète de la gestion de Sanofi. “Ça ne nous inspire pas confiance. On aimerait avoir une communication plus transparente.”

Les risques, je les connais, mais je connais aussi la rigueur avec laquelle ces sujets de sécurité sont normalement traités.

Mélanie,

employée d'une entreprise riveraine de Sanofi

Des réponses en suspens

La préfecture des Pyrénées-Atlantiques a mené une étude sur les risques sanitaires, diligentée par la DREAL. Une inspection “réactive”, réalisée le 24 novembre, soit trois jours après avoir été informé par Sanofi des rejets. “Depuis l’été 2018, cet événement constitue le premier dépassement en bromopropane dont l’administration a connaissance”, souligne la direction de Sanofi, précisant que, selon la préfecture, "les concentrations sont inférieures à la valeur toxicologique de référence d'exposition aiguë".

Mais l’histoire n’est pas terminée, pour les syndicats et les riverains. “Ce n’est pas parce que la DREAL conclue à un épisode isolé qu’on va s’arrêter là. Il faut savoir ce qui va être fait et mis en place”, avance Jean-Louis Peyren.

De son côté, Sanofi indique avoir "remplacé les charbons" et précise que "les émissions en bromopropane sont redevenues conformes, permettant la reprise de la production après accord des autorités".

Face aux absences de communication ou à leur retard, Mélanie attend, elle aussi, une “analyse fine” de ce qu’il s’est passé. “Il faut des mesures plus précises pour comprendre et mieux comprendre les causes et que ça ne se reproduise pas”, indique-t-elle.

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