En l'absence de toute preuve, le président du MoDem, maire de Pau, est relaxé des faits de complicités, par instigation, de détournement de fonds publics européens. Huit autres prévenus sont en revanche condamnés à des peines d'emprisonnement avec sursis et d'inéligibilité avec sursis.
C'est une victoire personnelle pour François Bayrou relaxé par la 11ᵉ chambre correctionnelle du tribunal de Paris dans l'affaire des assistants parlementaires européens de l'ex-UDF et du MoDem. Comme ce fut le cas durant les cinq semaines du procès à l'automne dernier, le président du Modem était présent au tribunal de Paris pour entendre le jugement, ce lundi 5 février.
Pour le juge, "aucun élément ne prouve qu'il avait connaissance de l'inexécution des contrats d'assistant parlementaire." Il est donc relaxé au bénéfice du doute.
Le parquet avait requis à son encontre trente mois de prison avec sursis, 70 000 euros d'amende et trois ans d'inéligibilité avec sursis.
Une affaire "épouvantable"
François Bayrou, interrogé à l'issue de l'audience, a qualifié d'"épouvantable" cette affaire par ses conséquences politiques et humaines. Et d'ajouter que "le tribunal a tenu à démentir l'accusation en disant qu'il n'y avait jamais eu de système".
"La cible de toute cette affaire, c'était moi."
Pour moi, c'est un cauchemar de sept années qui s'achève, sans contestation du tribunal.
François Bayrou, président du MoDemà France 3 Nouvelle Aquitaine
Un préjudice estimé à près de 300 000 euros
La justice devait déterminer si François Bayrou avait été le "décideur" d'un système "frauduleux" visant à rémunérer des salariés du Modem avec l'argent du Parlement européen, affectés en réalité à des tâches pour le parti en France.
Onze contrats d'assistants parlementaires centristes sont présumés litigieux. Le Parlement européen, partie civile dans ce procès, évalue le préjudice total à 293 000 euros
Plusieurs proches de François Bayrou ont fait le déplacement au tribunal judiciaire de Paris ce lundi 5 février : parmi eux, la députée MoDem landaise et ex-ministre, Genevière Darrieussecq, ainsi que les députés centristes des Pyrénées-Atlantiques Josy Poueyto et Jean-Paul Mattéi, ou encore le président de la Section paloise (de passage à la Ligue) Bernard Pontneau.
Dix cadres et élus du parti centriste au parlement européens étaient également jugés aux côtés de François Bayrou. Seulement deux sont relaxés.
Concernant les ex-eurodéputés poursuivis :
Jean-Luc Bennahmias, 68 ans, jugé pour deux contrats entre 2010 et 2014, est condamné à douze mois de prison avec sursis, 30 000 euros d'amende et deux ans d'inéligibilité.
Anne Laperrouze, 67 ans, poursuivie pour une embauche en 2008 et 2009, écope de douze mois d'emprisonnement avec sursis, 15 000 euros d'amende et deux ans d'inéligibilité avec sursis.
Bernard Lehideux, 79 ans, jugé pour trois contrats entre 2005 et 2008, est condamné à 18 mois de prison avec sursis, 5 000 euros d'amende et deux ans d'inéligibilité avec sursis.
Thierry Cornillet, 72 ans, mis en cause pour un contrat d'un mois d'une collaboratrice et de six mois pour une autre entre 2006 et 2007, écope de dix mois d'emprisonnement avec sursis, 10 000 euros d'amende et deux ans d'inéligibilité.
Janelly Fourtou, 84 ans, élue au Parlement européen entre 1999 et 2009, est condamnée à 12 mois de prison avec sursis, 5 000 euros d'amende et deux ans d'inéligibilité avec sursis. Elle était jugée pour les contrats de deux collaboratrices entre 2005 et 2007.
Le parquet avait requis à leur encontre des peines allant de huit à vingt mois de prison avec sursis et des amendes entre 10 000 et 30 000 euros, assorties de peines d'inéligibilité avec sursis.
Les autres prévenus jugés
Stéphane Thérou, 55 ans, ancien assistant parlementaire de Sylvie Goulard soupçonné d'abus de confiance, est relaxé.
Pierre-Emmanuel Portheret, alors directeur général des services du Modem renvoyé pour complicité entre 2008 et 2012, est, lui aussi, relaxé.
L'ex-ministre Michel Mercier, 76 ans, jugé pour complicité de détournement de fonds publics en tant que trésorier du parti, est condamné à 18 mois avec sursis, 20 000€ d'amende et deux ans d'inéligibilité avec sursis.
Pour complicité de détournement de fonds publics, Jean-Jacques Jegou condamné à 12 mois avec sursis, 10000€ et 2 ans d inéligibilité avec sursis @F3Aquitaine @F3pau #modem
— Elise Daycard (@edaycard) February 5, 2024
Jean-Jacques Jégou, jugé lui aussi pour complicité de détournement de fonds publics, est condamné à douze mois d'emprisonnement avec sursis, 10 000 euros d'amende et deux ans d'inéligibilité avec sursis.
Alexandre Nardella, responsable administratif et financier du parti, est condamné pour recel et complicité de détournement de fonds publics à 18 mois de prison avec sursis, 20 000 euros d'amende et deux ans d'inéligibilité avec sursis.
Enfin, l'UDF est condamné à 100000 euros d'amende et le MoDem à 300000 euros pour recel de détournement de fonds publics.
Les prévenus et le parquet ont dix jours pour faire appel.
Quel avenir politique pour le triple candidat à la présidentielle ?
Lors de son procès qui s'est tenu du 16 octobre au 21 novembre, le maire de Pau n'a cessé de clamer son innocence, dénonçant une "intoxication" judiciaire et des "accusations infondées". Il a par ailleurs défendu l'intégrité de son parti et nié avoir été l'instigateur d'un détournement de fonds. Ses avocats ont plaidé la relaxe.
En 2017, cette affaire des assistants parlementaires européens a entrainé la démission de François Bayrou alors qu'il était Garde des sceaux.
L'actuel commissaire au plan, maire de Pau depuis 2014 et allié historique d'Emmanuel Macron n'a cessé de vanter sa probité : une peine d'inéligibilité aurait fait l'effet d'une bombe au moment où le gouvernement s'apprête à annoncer la nomination de nouveaux ministres délégués et secrétaires d'État. Le Modem possède jusqu'à présent quatre portefeuilles ministériels.