Anabela Neto, habitante du Béarn, a été victime de graves complications après la pose d'un dispositif contre les fuites urinaires. Elle est gravement handicapée depuis, et ses douleurs ont perduré, même après le retrait.
Son quotidien est toujours difficile, mais Anabela Neto revient de loin. En juillet 2021, après une descente d'organe, un urologue de Pau lui pose une bandelette urinaire, un dispositif chirurgical destiné à éviter l'incontinence. Celle-ci était trop serrée. Dès le début, la souffrance est intense, les douleurs permanentes, sans compter les difficultés à marcher, à rester debout ou même à s'asseoir. Sa vie bascule.
Pensées suicidaires
Lorsqu'elle se plaint auprès de son chirurgien, ce dernier lui rappelle qu'elle a signé un formulaire de consentement éclairé. Une réponse qui ne prend pas en compte sa souffrance, pourtant immense.
"On ne m'avait jamais dit que j'allais faire de multiples infections urinaires par mois. On ne m'avait jamais dit que je ne pourrais plus avoir de rapports avec mon mari, que j'allais bousiller mon organisme et avoir des accidents de voiture à force de prendre des médicaments super lourds, s'indigne-t-elle. J'ai failli me tuer en allant au travail ! Je me suis retrouvée sur une chaise roulante !"
Ce n'est pas normal de laisser une femme souffrir comme ça, au point de vouloir mettre fin à ses jours.
Anabela Neto
"On a l'impression que les médecins sont dans le déni en ce qui concerne les complications, ou sinon qu'ils n'ont pas fait les formations adéquates," poursuit Anabela Neto, qui réussit, non sans complications, à faire retirer la bandelette, alors que le dispositif est parfois définitif. Et laisse de lourdes séquelles psychologiques. "Dans la tête, on vrille" reconnaît Anabela. Avoir un couteau planté entre les jambes tous les jours, ce n'est pas normal". Aujourd'hui gravement handicapée, elle veut alerter les autres patientes qui auraient les mêmes symptômes.
78 plaintes
Elle espère aussi mettre les médecins et les fabricants des bandelettes face à leurs responsabilités. "Si la bandelette est mal mise depuis le début, après les conséquences sont énormes, alerte-t-elle. Je voudrais que les fabricants et les médecins en prennent conscience."
Comme 78 autres patientes, dont 11 en Béarn, Anabela a porté plainte contre X pour tromperie et blessures involontaires. Les plaignantes et leurs avocates espèrent que la justice permettra d'y voir plus clair sur l'usage de ces bandelettes urinaires.
Il faut faire cesser les manquements qui continuent encore aujourd'hui, et notamment les poses sans le consentement plein et éclairé des patientes.
Hélène Patteavocate d'Anabela Neto
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Des cas minoritaires ?
Selon l'agence de sécurité du médicament (ANSM), l'incontinence urinaire à l'effort touche 25 à 40% des femmes et a un réel impact sur "la qualité de vie, le sommeil et la vie sexuelle". Face à ces difficultés, le professeur Xavier Gamé, chirurgien urologue et membre actif de l'association française d'urologie, assure que la méthode des bandelettes "a montré son efficacité dans de nombreuses études".
Interrogé par France 3 Aquitaine en 2022, le médecin ne nie pas les complications, mais il souligne qu'elles sont largement minoritaires dans le rapport bénéfice-risque. "Le taux de ré-intervention sur les cinq dernières années est de 3 %", affirmait alors le spécialiste.
Entre 2017 et 2022, l’ANSM a reçu 202 signalements, qui concernaient 215 bandelettes. Un retrait partiel ou total du dispositif a été déclaré dans 70 % des cas, précise l'Agence.
Une réglementation
En 2017, plusieurs femmes, victimes d'effets secondaires, ont fondé un groupe sur les réseaux sociaux. Aujourd'hui, elles sont plus de 400 à en faire partie. En 2020, elles ont réussi à convaincre l'Agence nationale de sécurité du médicament d'imposer un cadre à ces pratiques. Les patientes doivent être informées de tous les risques et potentiels effets secondaires avant la pose. Par ailleurs, les victimes sont incitées à se déclarer sur un site spécialement dédié de l'ANSM.
Elles souhaitent maintenant que le corps médical respecte la loi existante. Mais le chemin est encore long, selon leur avocate. "Aujourd'hui, alors qu'une réglementation claire existe, elles ne bénéficient pas d'une information claire et complète", regrette Maître Hélène Patte. En attendant, Anabela Neto tente de se construire, même si elle a encore du mal à marcher et à se déplacer.