Violences dans le sport : " Il faudra au moins dix ans pour que cela change"

Anthony Mette, psychologue du sport et préparateur mental à Bordeaux, a effectué des recherches sur les violences dans le monde sportif pendant plusieurs années. Alors que la parole des victimes se libère, il interviendra ce jeudi 2 décembre dans le cadre d'un colloque dédié à la prévention à Pau (Pyrénées-Atlantiques).

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La violence dans le sport peut toucher tout le monde. Depuis peu, aidé par le mouvement #MeToo, le voile se lève sur ces pratiques dans le monde sportif, terreau favorable pour plusieurs raisons. 

Ce jeudi 2 décembre, un colloque sur la prévention des violences dans le milieu sportif est organisé à Pau, dans les Pyrénées-Atlantiques, par plusieurs instances institutionnelles, comme le service départemental à la jeunesse, à l'engagement et aux sports du département, ainsi que le comité olympique local. 

Après avoir passé plusieurs années à étudier cette question, Anthony Mette, docteur en psychologie du sport à Bordeaux, y interviendra pour une conférence, et l'animation d'un atelier. 

Alors la question de la violence dans le milieu sportif semble de plus en plus abordée dans la société, il répond à nos questions. 

France 3 Aquitaine : de quoi parle-t-on quand on évoque la violence dans le monde du sport ? 

Anthony Mette : Dans le monde sportif, la violence peut prendre trois formes : psychologique, physique et sexuelle. Et elle peut toucher tout le monde, les enfants comme les adultes. 

Les agresseurs peuvent être les figures d'autorité, comme les entraîneurs, mais également d'autres sportifs. 

Ces violences sont-elles en progression ? 

Les chiffres ne changent pas, depuis cinquante ans, c'est la même chose. Entre 2010 à 2015, j'ai effectué des recherches sur ce thème, et nous aboutissions à des recommandations qui n'étaient jamais suivies, ce qui était très décourageant. Je transmettais mes conclusions, on parlait de l'étude pendant quelques jours dans les médias, mais rien ne changeait au niveau politique. 

Aujourd'hui, depuis le mouvement #MeToo, la parole des victimes se libère, notamment celle des sportifs de haut-niveau, hommes et femmes et la multiplication des témoignages leur donne plus de force et de crédibilité. Les instances dirigeantes ne peuvent plus les ignorer. 

L'importance des témoignages

Est-ce vraiment la parole qui s'est libérée, où la société qui écoute davantage ? 

C'est vraiment la multiplication des témoignages qui est nouvelle. Ce qui est aussi important, c'est que les sportifs et sportives qui témoignent font figure de modèles pour les plus jeunes, et que cela les sensibilise à ces questions.  

Après, on évoque les violences verticales, c'est-à-dire souvent celles qui se produisent d'un entraîneur sur un sportif, mais les violences horizontales, entre sportifs, sont très rarement abordées.

Pourtant, les phénomènes de bizutage, dans les centres de formation de haut-niveau, sont très courants par exemple. C'est le même type de violences que dans les grandes écoles, dans un milieu fermé, avec un phénomène de bouc émissaire, quelqu'un qui va être chargé des corvées toute l'année, puis les violences vont devenir physiques, voire sexuelles. 

Le sport est-il un milieu particulièrement favorable à l'expression de ces violences, et si oui pourquoi ?

Oui, pour plusieurs raisons. D'abord, il y a l'encouragement à la compétition et les rapports d'autorité, ce que l'on retrouve dans le milieu politique, par exemple. 

Mais dans le sport, il y aussi le rapport au corps, avec un accès à l'intimité, notamment dans les vestiaires. Tout cela facilite les choses pour les agresseurs. 

Conflit de génération

Face à ce constat, comment faire pour limiter ces violences ? 

Le plus efficace, c'est la formation des entraîneurs, pour leur donner des outils, leur apprendre la gestion d'un groupe, etc. Mais pour cela, il faut que les fédérations s'emparent de la question, alors qu'elles sont très conservatrices.

Il y a un conflit de génération entre les dirigeants des fédérations, et les jeunes sportifs ainsi que leurs parents, qui réclament des évolutions.

Mais les fédérations ont pour la plupart une grande capacité de résistance, et le milieu sportif est très conservateur. Il va falloir au moins dix ans, voire 15 ans, pour que cela change ! 

Lorsqu'on est parent et qu'on veut éviter à son enfant d'être exposé à des violences en faisant du sport, comment faire ? 

Mes amis qui sont aussi parents me demandent tous des conseils à ce sujet ! Mais je ne peux vraiment rien leur répondre. En France, tout dépend vraiment de l'entraîneur, s'il est formé à ces questions. 

Aux Etats-Unis ou au Canada, des labels ont été lancés, qui certifient que le club s'attache aux valeurs de respect et d'éthique, et que le personnel a été formé, mais cela n'existe pas encore ici. 

Après, les clubs privés, qui ne dépendent pas de subventions, peuvent être plus rigoureux sur cette question, que dans les clubs plus populaires où l'on trouve beaucoup de bénévoles.

Le contrôle des casiers judiciaires est en train d'être mis en place, ce sera déjà une très grande avancée ! 

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