Plusieurs milliers de personnes se sont mobilisées samedi dans plusieurs villes de France pour défendre les langues régionales, alors que la Charte européenne des langues régionales doit être examinée en séance le 27 octobre au Sénat.
Les basques, mais aussi les Occitans, les Bretons, les Alsaciens, les Corses ou les Provençaux ont défilé partout en France pour la défense de leur langue.
Intervient dans ce sujet Martine Bisauta, Elue bayonnaise membre de la plateforme citoyenne Batera.
A Carhaix, dans le Finistère, quelque 5.000 personnes selon les organisateurs, environ 2.000 selon la gendarmerie, ont défilé pour la défense de la langue bretonne mais aussi pour la réunification de la Bretagne.
A Montpellier, environ 10.000 personnes selon les organisateurs, 4.000 selon la police, se sont rassemblées pour défendre la langue et la culture occitane.
Non loin de là, pour la langue provençale, deux à trois mille personnes ont défilé à Arles, encadrées, en avant et en arrière du cortège, d'une trentaine de chevaux de Camargue.
A Strasbourg, environ 300 personnes ont défilé dans le centre-ville pour la défense du dialecte alsacien et des langues régionales, a l'appel de plusieurs associations de défense de l'enseignement bilingue français-allemand dans les écoles.
En Corse, 250 personnes, selon le décompte de la préfecture, se sont réunies à Ajaccio.
La charte européenne au Sénat
Le Sénat à majorité de droite se penche mardi, à quelques semaines des régionales, sur le projet de loi de ratification de la Charte européenne des langues régionales, qu'il devrait rejeter, rendant encore plus hypothétique un Congrès pour l'adoption de cette réforme constitutionnelle.L'arrivée du texte devant les sénateurs va suivre la mobilisation de plusieurs milliers de personnes pour la défense des langues régionales, samedi, de la Bretagne aux Pyrénées-Atlantiques en passant par l'Alsace.
Dans le cortège à Arles pour le provençal, figuraient les principales têtes de listes aux régionales en PACA, Christophe Castaner (PS), Christian Estrosi (LR) et Marion Maréchal-Le Pen (FN).
Mais le débat au Sénat risque de tourner court. Sa commission des lois a adopté une question préalable sur le texte. Cette motion de procédure signifie qu'il n'y a pas lieu de délibérer et, si elle est adoptée, le texte sera rejeté avant même d'être examiné.
Inacceptable pour les socialistes et écologistes
Une hypothèse inacceptable pour les socialistes comme pour les écologistes. "Nous ne pouvons admettre que la majorité sénatoriale refuse le débat", a réagi le patron des sénateurs socialistes Didier Guillaume. "La question préalable doit être rejetée par tous ceux qui n'ont pas peur de la richesse culturelle de la France et souhaitent défendre les identités régionales", a plaidé cet élu de la Drôme.Pour Ronan Dantec (écologiste), l'adoption de la Charte est "un acte symbolique très attendu dans les régions françaises". Son rejet serait interprété comme "le refus du respect dû à un certain nombre de Français, qui sont nés dans un environnement linguistique différent" et "illustrerait l'incapacité de la droite, en particulier au Sénat, à concevoir une société française apaisée avec ses diversités culturelles",
selon ce sénateur de Loire-Atlantique.
"Procès en sorcellerie"
Par avance, le président de la commission des Lois de l'Assemblée et député du Finistère, Jean-Jacques Urvoas (PS), avait demandé à son homologue du Sénat Philippe Bas (LR, Les Républicains), qu'il n'y ait pas de "procès en sorcellerie" lors de l'examen du projet de loi au Palais du Luxembourg. Une proposition de loi constitutionnelle en ce sens avait été votée par les députés à une large majorité en janvier 2014.Affichant "un soutien unanime au développement des langues régionales", les sénateurs de la commission des Lois ont justifié dans un communiqué le rejet du texte "exclusivement" par "la volonté de la commission de veiller tout à la fois au respect de la Constitution
et au respect des traités".
Et ils ont plaidé que l'absence de ratification n'empêchait "nullement la protection et la promotion des langues régionales".
La Charte européenne des langues régionales, qui fait obligation aux États signataires de reconnaître les langues régionales et minoritaires en tant qu'expression de la richesse culturelle, a été signée par la France en 1999. Sa ratification, promise par François Hollande durant la campagne présidentielle, doit être expressément autorisée par la Constitution.
Si le Sénat enterre le projet de ratification, cela compromet le projet de Congrès qu'envisage François Hollande pour 2016, ce texte étant l'un de ceux qui pourrait figurer à son ordre du jour. Pour être adoptée, une telle réforme de la Constitution nécessite en effet une majorité des trois cinquièmes des députés et sénateurs réunis en Congrès à Versailles.
Bruno Retailleau, le patron des sénateurs Les Républicains et tête de liste pour les régionales dans les Pays-de-la-Loire, a dénoncé "un coup politique de François Hollande" sur ce sujet. "L'espoir de diviser un tant soit peu le camp adverse n'est d'ailleurs probablement pas étranger à l'initiative présidentielle", aux yeux de Philippe Bas.
"Cette réforme n'apporte rien aux langues régionales" mais risque "d'inscrire dans la constitution le principe du communautarisme", a aussi jugé M. Retailleau.
Son groupe entend préparer une proposition de loi pour encourager les langues régionales.