Stations de ski : «  la saison telle qu’on l'imagine normalement est terminée »

Les stations de Gourette et La Pierre-Saint-Martin ne pourront pas rouvrir pour les vacances de février. Les professionnels parlent d’une année noire et réfléchissent déjà à une autre manière de concevoir un nouveau modèle économique pour les années à venir.

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Ils s’en doutaient. Cela n’a donc pas été une surprise. Mercredi 20 janvier, le secrétaire d'Etat au Tourisme, Jean-Baptiste Lemoyne, a annoncé que les remontées mécaniques des stations de ski "ne rouvriraient pas le 1er février" et que le secteur s'orientait vers "une saison blanche". Les professionnels eux évoquent une « année noire ».

Une décision pas toujours comprise

Les avis divergent sur l’opportunité d’une telle décision. Alors que les soldes battent leur plein, et que les clients font leurs achats dans les espaces fermés que sont les boutiques, certains s’interrogent. C’est le cas d’Emilie Puchu, saisonnière à la Pierre-Saint-Martin. « Je suis contente pour eux (les commerçants bénéficiant des soldes ndlr), mais pourquoi pas nous ?", s’interroge-t-elle. « On peut acheter des vêtements dans des magasins mais pas aller skier à l’air libre », dénonce la jeune femme qui avoue mal prendre cette mesure.
Olivier Grosclaude, directeur général de l’EPSA (Etablissement public des stations d'altitude), avoue ne pas avoir été surpris, « mais c’est quand même un coup de massue ». « Mais oui on comprend, il faut replacer cette décision dans son contexte, c’est-à-dire une pandémie et un virus qui circulent. C’est la cause d’un gros dérèglement".

Je la comprends, tout est bon pour éviter le brassage, et là c’est un des moyens.

Olivier Grosclaude

Quid des raquettes, ski de fond, et autres alternatives

Si les clients maintiennent leur souhait de se rendre dans les stations de ski lors des prochaines vacances scolaires, à quoi devront-ils s’attendre ?
" Aujourd’hui il y a un engouement pour la pratique des raquettes, du ski de fond et de la randonnée", analyse Olivier Grosclaude. "On essaie au mieux de permettre aux clients de les pratiquer. A La Pierre-Saint-Martin, le site du Braca permet de pratiquer le ski de fond et la raquette. Mais à Gourette, nous n’avons que  la piste de luge et une piste de raquette seulement. On y a aussi ouvert un espace pour l’initiation au ski de randonnée. Mais les clients ne paient pas. Ils peuvent pratiquer sans forfait, l’accès à l’espace est libre. Alors qu’à  La Pierre-Saint-Martin, il y a un droit d’accès, avec en plus un itinéraire d’initiation au ski randonnée. Depuis le décret du 4 décembre 2020, tous les tapis d’initiation sont également ouverts à la Pierre-Saint-Martin".

On travaille pour jauger la demande et voir ce que l’on peut proposer en plus de ce qu’il y a déjà.

Olivier Grosclaude

Ces activités seront-elles maintenues voire développées pour pallier l’impossibilité de profiter des remontées mécaniques ? "En début de semaine prochaine l’Office de tourisme va communiquer,", annonce le directeur général de l'EPSA. "Le travail est en cours mais cela ne s’improvise pas. Il va falloir étudier tout ce qui relève des règles de sécurité d’accès à la montagne. Il faut aussi voir ce dont on dispose d’un point de vue du matériel. A Gourette par exemple, on a actuellement 45 paires de ski de randonnée proposées à la location tous fournisseurs confondus. Au Braca, on est en rupture de stock dès 10h du matin en ce moment les week-end ".

Règles de sécurité à repenser ?

De nouvelles aires d’activités prises d’assaut et qui entraînent une forte concentration de vacanciers dans un même endroit. Comment sécuriser ces lieux comme les pistes de luge par exemple ? Surtout, si elles sont prises d’assaut lors des prochaines vacances. Dominique Rousseu est le directeur de la station de La Pierre-Saint-Martin. « Il y aura certainement des problèmes liés à la sécurité dans la montagne », avance-t-il. « Notre présence est nécessaire au moins sur le temps d’exploitation de nos domaines. C’est-à-dire que de 9h à 17h on surveille notre domaine skiable. Donc c’est un peu l’inconnu pour nous. Les décisions seront certainement prises vendredi à savoir si on continue d’exploiter de cette façon-là ou si on modifie nos méthodes. On verra bien ».

Sur les sites dédiés à des activités comme la luge par exemple, l’exploitant est tenu d’assurer une permanence de secours. En revanche, en dehors de ces zones, cela relève de la responsabilité personnelle de chacun. La semaine dernière en Alsace, un grave accident de luge a entrainé la mort d’une jeune fille de 17 ans à la station de ski de Schlumpf. Les exploitants craignent que ce genre d’incident ne se reproduise si une trop forte affluence de vacanciers est observée.

La question d'une forte affluence sur une toute petite partie du domaine se pose.

Olivier Grosclaude

« Chez nous la semaine dernière un employé a été renversé par un skieur", poursuit-il. "Notre inquiétude est de voir pas mal de monde concentré sur un petit espace ». Les prochains jours seront donc décisifs pour voir comment ces nouveaux comportements peuvent être encadrés pour permettre au plus grand monde de profiter des stations de ski en toute sécurité.

Des conséquences économiques catastrophiques

On l’a bien compris, ces activités alternatives rapportent peu. La saison s’annonce donc bien compliquée et pas que pour les exploitants. « Il y a derrière toute une industrie avec derrière les exploitants, les remontées mécaniques, les dameuses etc », rappelle Olivier Grosclaude.

Pas besoin d’attendre la fin de la saison pour savoir que l’année sera impossible à rattraper. « Le chiffre d’affaires sur une saison est de 9 millions d’euros », affirme le directeur général de l’Epsa, « là on n’a même pas 100 000 euros de recettes ». L’essentiel des bénéfices se fait avec les vacances de février. Dans les Pyrénées, les douces températures à Pâques ne permettront pas de compenser. Encore moins les vacances d’été qui ne représentent qu’un vingtième des recettes. Alors pour Olivier Grosclaude le constat est clair. « La saison telle qu’on l’imagine normalement est terminée », annonce-t-il.

Mais le directeur général de l'Epsa se veut constructif. "Il faut voir l'aspect positif et réfléchir un peu à ce que serait une montagne sans remontées mécaniques. Avec le réchauffement climatique on va aller vers des hivers avec de moins en moins de neige. Donc il faut en profiter pour imaginer un nouvel ordre économique dans la montagne. Nous devons jauger la demande pour demain en faire un véritable outil économique".

 Là on est sur de l'organisation mais à plus long terme, il faut arriver à un nouveau moteur économique autour de ces activités.

Olivier Grosclaude

La difficile situation des saisonniers

Emilie Puchu s’estime chanceuse. Adjointe à la responsable de la billetterie de la Pierre-Saint-Martin, n’a « qu’une journée de chômage partiel par semaine ».

Du côté de l’exploitant, l’Epsa, ce sont 175 saisonniers qui sont concernés. Ils ont été mis au chômage partiel. « L’accord d’entreprise de l’Epsa leur accorde entre 93 et 97% du salaire net », précise Olivier Grosclaude. Pour autant leur situation reste compliquée. « Tout est au ralenti, on a beaucoup moins d’appels, plus beaucoup de contact client sauf sur les réseaux sociaux et pour l’espace nordique. Tout est triste sans le rush habituel de la saison. Mais nous restons pour rassurer les clients. On espère maintenir les activités nordiques avec les VTT, les balades en chien de traineau,  le airbord (luge gonflable), le ski de fond, la raquette, les tapis le week-end, et maintenir les activités mises en place. En mettre d’autres cela serait magnifique mais pour l’instant on reste discret, tant qu’on n’a pas de directives officielles ». Emilie effectue cette année sa quatrième saison d’hier à La Pierre-Saint-Martin.  Le jour où elle ne travaille pas, elle s’occupe avec ses collègues de rénover les locaux et de faire du rangement.

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