Dans la série d'invincibilité à domicile en Ligue 1 des Girondins face à l'OM qui dure depuis quarante-trois ans, la large victoire (4-1) de 1999 entre le futur champion et son dauphin a marqué les esprits. Notamment parce qu'elle s'est déroulée juste après la disparition de Claude Bez.
Ce vendredi 29 janvier 1999, lorsque les deux équipes entrent sur le terrain d'un Parc Lescure achi comble, l'émotion est palpable. Trois jours plus tôt, le président historique Claude Bez a perdu la vie, emporté à cinquante-huit ans par une crise cardiaque.
Président historique des Girondins de 1978 à 1991, il incarne le Bordeaux qui gagne de Giresse et Jacquet, mais aussi les affaires et la rétrogradation administrative du club à la fin de son mandat. L'ex président marseillais Bernard Tapie, son meilleur ennemi, lui rend hommage.
La minute de silence sifflée par des Marseillais
Quelques instants avant le coup d'envoi, l'instant de recueillement est poignant.
Mais il est entaché de sifflets, provenant de la tribune des fans de l'OM.
Ce qui leur a valu une bronca dès la fin de cette minute de silence.
Sur la pelouse, les joueurs bordelais, déjà décidés à lui rendre hommage en offrant un grand match, serrent les dents. On se sait pas si cela a joué dans leur performance mais dans le froid de cette fin janvier, les hommes d'Elie Baup vont délivrer un récital extraordinaire.
La piste aux étoiles
Depuis le début de la saison, Bordeaux et Marseille se livrent un mano à mano palpitant pour la première place. Des deux côtés, ça regorge de talents.
Benarbia, Micoud, Wiltord, Laslandes entre autres chez les marines et blancs. Dugarry, Blanc, Pirès (champions du monde avec l'équipe de France l'été précédent), Ravanelli, avec Courbis, l'ancien coach bordelais, sur le banc à l'OM.
Le casting est prestigieux. Mais personne n'imagine le scénario de la première mi-temps.
Les Girondins au pied du mur
Avant le choc au sommet de cette vingt-deuxième journée, Marseille est en tête avec trois points d'avance. La pression est sur les épaules des hommes d'Elie Baup qui ne peuvent laisser s'échapper leur rival.
Portés par un public bouillant, les Girondins étouffent d'entrée leur adversaire: pressing haut, enchaînements rapides au sol, avec un duo Benarbia-Micoud étincelant à la manoeuvre. Les blancs cherchent déjà de l'air face aux incessantes vagues bleues.
La tempête se lève et emporte tout sur son passage.
Bordeaux assomme l'OM
C'est même un ouragan de catégorie 5. En une demi-heure, le match est plié. Les Girondins mènent 4-0 grâce à un doublé de Wiltord, un but de Micoud et un autre de Laslandes après une action extraordinaire à une touche de balle, 4-0 à la trente-deuxième minute.
Dans les tribunes, on se pince pour y croire. Complètement hagards, les marseillais ne comprennent pas ce qui leur arrive. On dirait une équipe de gamins qui s'est fait punir pour avoir voulu défier les grands.
Dugarry réduit le score
En deuxième période, Christophe Dugarry, l'enfant de Bordeaux, sauve l'honneur pour Marseille. Au coup de sifflet final, il s'accroche avec un spectateur qui s'en est pris à ses proches dans les tribunes. Une soirée cauchemardesque pour les joueurs de la Canebière qui cèdent leur première place à leurs bourreaux du soir à la différence de buts. Le Parc Lescure ovationne longuement ses héros. Et Elie Baup savoure :"c'était l'extase. Le résultat est incroyable et avec une telle qualité de jeu"
L'OM ne se remettra jamais vraiment de ce terrible K.O.
De là haut, Claude Bez a dû se friser la moustache...
Bordeaux champion
Quatre mois plus tard, Bordeaux est en tête avec un point d'avance sur Marseille avant la dernière journée du championnat. La Gironde retient son souffle.Le scénario est clair : si les coéquipiers du capitaine Michel Pavon s'imposent à Paris, ils seront sacrés, quel que soit le résultat de l'OM à Nantes.
Au Parc des Princes, le match est irrespirable. Bordeaux mène 2-1 grâce à un doublé de Sylvain Wiltord. Mais à un quart d'heure de la fin, Adailton égalise.
A ce moment-là, Marseille, qui a ouvert le score à Nantes, est champion.
Dans un dernier quart d'heure irrespirable, ls Girondins multiplient les occasions, en vain.
Jusqu'à l'entrée en jeu d'un gamin de dix-sept ans, Pascal Feindouno.
90 ème minute, Pavon passe à Laslandes. Le grand blond a vu l'appel en profondeur du guinéen. Sans complexe, Feindouno glisse le ballon du gauche sous Bernard Lama, sorti à sa rencontre. 3-2, Bordeaux est champion de France à la dernière minute du dernier match de la saison.
40 000 fans à Lescure
Toute la nuit, le peuple bordelais attend ses héros dans un Parc Lescure rempli jusqu'aux cintres. A 3 heures du matin, ils sont 40 000 à hurler, chanter et acclamer longuement les Girondins dans une fête mémorable. "C'est beau" savoure Lilian Laslandes.Bordeaux est champion avec un petit point d'avance sur Marseillle, quatre mois après la démonstration de janvier.