Depuis 1892, il n'y a eu que deux derbys entre deux clubs d'un même département de la région en finale du championnat de France de rugby : Bayonne-Biarritz en 1934 et Dax contre Mont-de-Marsan en 1963. Des matchs entrés dans l'histoire.
L'Europe tremble en cette année 1934. Des bruits de botte résonnent en provenance d'Allemagne. Le Chancelier Adolf Hitler s'apprête durant l'été à devenir président du Reich, après la fin de la République de Weimar anéantie par la violente répression de la nuit des Longs Couteaux.
En France, le 15 mai, le ministre du travail Adrien Marquet annonce un programme de grands travaux pour lutter contre le chômage. Celui qui était aussi le maire de Bordeaux renoncera quelques années plus tard à entrer dans la Résistance, prônant plutôt la colloboration avec l'occupant.
Cette période trouble n'épargne pas le rugby : le XV de France est exclu du Tournoi et le XIII prend son envol.
L'apogée du rugby basque
L'éclaircie vient du Pays basque. Ses deux meilleurs clubs l'Aviron Bayonnais et le Biarritz Olympique sont en finale du championnat de France. Un face à face inédit et unique dans toute l'histoire à ce niveau de la compétition.
Pour une fois, les deux frères ennemis sont du même avis. Ils veulent jouer cette finale à Bordeaux, plus facile d'accès, pas à Toulouse. Mais la FFR, inflexible, ne transige pas.
Des trains pris d'assaut
Alors la transhumance commence. Les supporteurs prennent d'assaut les trains pour la ville Rose. Ce 13 mai 1934, sous un soleil de plomb, ils sont 18 000 dans les tribunes du stade des Ponts Jumeaux. Le coeur bleu et blanc ou rouge et blanc.
Comme tout derby qui se respecte, on se balance quelques pignes, ce qui vaut aux deux talonneurs d'être exclus temporairement.
Sur le terrain le spectacle est partout. Avec leurs trois joueurs de plus de 1m85, un gabarit impressionnant à l'époque, contre un seul de plus d'1m80 en face, les Biarrots mènent l'essentiel de la rencontre: 5-0, puis 8-3.
Le plus fort c'est Bayonne
Mais l'Aviron a du caractère. Porté par un étincelant Maurice Celhay (auteur d'un essai et d'un drop en coin), Bayonne finit par emporter ce magnifique derby.
L'essai de Celhay, qui marqua un peu plus tard quatre essais dans le même match avec l'équipe de France, est resté longtemps dans les mémoires de ses supporteurs.
Précurseur du jeu à la Bayonnaise avec le trois quarts bleu et blanc venu de l'aile opposée conclure une superbe percée de l'autre ailier Vigneau.
L'Aviron Bayonnais est champion de France pour la deuxième fois.
Biarritz se consolera en le devenant l'année suivante grâce à sa victoire contre Perpignan en finale.
Le rugby landais aussi champion de France
Vingt-neuf ans plus tard, en 1963, le monde est presque au bord d'une autre guerre, froide celle-ci, entre les Etats-Unis et l'URSS
A Berlin, John F.Kennedy prononce un des ses plus célèbres discours:
"Ich bin ein Berliner". Appel à l'union dans une ville et un monde coupés en deux blocs à cause du mur de Berlin.
Cette année-là, si le ballon ovale avait pu parler, il aurait dit : "Je suis Landais. "
Comme pour leurs voisins basques en 1934, la finale du championnat propose un autre derby explosif, entre Dacquois et Montois.
Le Dax de Pierre Albaladéjo face au Mont-de-Marsan des frères Boniface, l'affiche est fantastique. Ce sera la seule confrontation de l'histoire à ce niveau.
Avant le grand jour, Sud-Ouest titre " le rugby landais est champion de France".
39 000 spectateurs au Parc Lescure
Cette affiche déchaîne les passions. Le Stade de Bordeaux, théâtre des finales en alternance avec Lyon et Toulouse, est pris d'assaut. Il a fallu rajouter des chaises de fortune sur la piste du vélodrome, entre le terrain et les gradins.
39 000 spectateurs, record du Parc Lescure à l'époque, se serrent sous une chaleur étouffante.
Avant d'éclater dans le ciel, l'orage est sur la pelouse. Des deux côtés, les grandes envolées sont rares et les coups, pas toujours de théâtre, nombreux
Un match orageux
Dax inscrit un essai, litigieux, par Lasserre, un autre est refusé aux Montois.
Il y a aussi la blessure de Christian Darrouy et la droite terrible de son coéquipier de Mont-de-Marsan Pierre Cazals sur André Berilhe, séché pour le compte.
Mis K.O après un cafouillage consécutif à une magnifique percée de Pierre Albaladéjo.
Mont-de-Marsan, roi des Landes et de France
Les Dacquois mènent 6-3 à la mi-temps. Mais après les citrons, André Boniface passe trois points au pied. Et à cinq minutes de la fin, un deuxième drop, cette fois-ci de Lestage offre la victoire 9-6 aux Montois et le titre de champion de toute la France, Landes comprises...
Les frères Boniface et leurs coéquipiers entrent dans l'histoire. Ce sera le seul Bouclier de Brennus de Mont-de-Marsan.
C'est toujours un de plus que Dax, chambrent les mauvaises langues montoises.
Le club rouge et blanc a fourni aux Bleus quelques uns des plus grands joueurs de l'histoire, les Albaladéjo, Bastiat, Ibanez, Roumat, Magne et autres. Mais il n'a jamais été champion de France de première division malgré cinq finales. Incroyable.
Nosu vous proposons de découvrir ce match de légende ici >>>
Finale en 1963 : le derby landais > Dax contre Mont de Marsan