Uranium en Limousin : le dossier brûlant du stockage des résidus radioactifs

L’exploitation de l’uranium en Limousin a généré 20 millions de tonnes de résidus très radioactifs. Leur stockage est très compliqué.

L'uranium a été exploité pendant près de 50 ans en Limousin. On a compté jusqu'à 67 points d'extraction. Pour atteindre les filons, il a fallu retirer 79 millions de tonnes de roches faiblement radioactives (stériles). Le minerai était ensuite traité dans une usine à Bessines-Sur-Gartempe. 

On y produisait de l’uranium concentré, et malheureusement aussi des résidus radioactifs qu’il a bien fallu mettre quelque part. Entre l'année 1949 et le milieu des années 80, des solutions ont été trouvées pour confiner 20 millions de tonnes de résidus. 

 

La digue de Lavaugrasse 

Le site Orano de Bessines-Sur Gartempe est aussi bien sécurisé qu’une enceinte militaire. C’est ici que sont stockés 11 millions de tonnes de résidus, sous un dôme de stériles, d'argile et de terre végétale.  

 

 

Sur cette montagne de radioactivité, le système de confinement semble fonctionner, puisque les mesures effectuées ne dépassent pas 450 chocs par seconde. Un taux de radioactivité deux fois plus important que la normale en Limousin, mais relativement acceptable dans la mesure où ce site industriel est interdit au public.  

Les eaux de ruissellement et percolation sont récupérées dans des bassins de décantation qui se situent un peu plus bas. Une station qui traite 400 000 m3 d’eau par an. 

Zéro radioactivité rejetée dans la rivière ce n’est pas possible. On en élimine un maximum de façon à être dans les limites réglementaires. Notre rejet est de 0,3 milligramme d’uranium par litre. 

Olivier Masset, responsable Après mines France 

 

La solidité de la digue de Lavaugrasse est régulièrement contrôlée, tout comme le taux de radioactivité de l’air environnant.  

 

L’ancienne carrière de Bellezanne 

Pour nous aider à comprendre si tous les anciens sites miniers sont aussi bien gérés, Bruno Chareyron, ingénieur indépendant en physique nucléaire et directeur du laboratoire scientifique de la CRIIRAD, et Antoine Gatet, juriste à Source et Rivières du Limousin, ont accepté de nous accompagner aux abords de l’ancienne carrière de Bellezane.  

L’uranium a été exploité ici pendant de nombreuses années. On a retiré 2 833 093 tonnes de minerai de cette mine à ciel ouvert selon la base de données mimausa de l’IRSN (Institut de radioprotection et de Sureté nucléaire). 

En arrivant aux abords du site, Bruno Chareyron a détecté la présence de résidus radioactifs sur un chemin public. Grâce à son compteur, il a mesuré 3000 chocs par secondes : “On était venus ici en 1998. Il y avait déjà des résidus le long de la chaussée. Voir qu’on a toujours le même problème plus de 20 ans après est choquant".  

 

 

1,5 millions de résidus d’extraction sont stockés sur le site de Bellezane. En 1993, la CRIIRAD a démontré qu’ils n’étaient pas confinés. Selon Bruno Chareyron, “la fraction la plus fine des résidus au fond de la mine percole dans les galeries souterraines et contamine les réseaux hydrographiques”. 

Tous ces rayonnements invisibles que nous mesurons en excès en Limousin, du fait d’une mauvaise gestion des déchets radioactifs créée une irradiation dans notre corps. Et à force d’emmagasiner ces doses, des pathologies peuvent se déclencher à long terme. 

directeur du laboratoire scientifique de la CRIIRAD 

 

Selon Antoine Gatet, “juridiquement, ces résidus sont des matières radioactives. Il existe une règlementation européenne et nationale en la matière. Mais Orano est bloqué et ne sait pas comment gérer cette situation. L’état a décidé de ne pas embêter Orano parce que c'est trop cher. C'est tout”.

 

Les rejets de Bellezane 

La carrière de Bellezane est pourvue d’une station de traitement des eaux. Bruno Chareyron a effectué des mesures là où l’eau est rejetée dans la nature. Le taux de radioactivité est 10 fois supérieur à la normale en Limousin à cet endroit précis.  

Face à cette situation, Antoine Gatet désespère : “C’est un cours d’eau et une zone humide qui sont morts. D’un point de vue écologique, on a une pollution de cours d’eau caractérisée. On l’a dénoncée à de multiples reprises. Mais à chaque fois, l’office français de la biodiversité nous dit ce n’est pas nous c’est la direction régionale de l’environnement, qui nous répond qu’elle n’est pas compétente. Et ça fait 20 ans que ça dure”. 

Tous les anciens sites miniers ne semblent donc pas aussi exemplaires que la digue de Lavaugrasse à Bessines-Sur-Gartempe. 

 

Le magazine Enquête de région reviendra le 12 mai 2021 sur la problématique du passif minier lié à l'extraction d'uranium en Limousin. 

Disponible à partir de 23h le 12 mai 2021

 

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