Au sud de Châtellerault (Vienne), les pelleteuses sont entrées en action dans le quartier des Renardières. Triste jour pour certains riverains.
Elle frissonne dans son gilet rose. Le froid sans doute, l'émotion aussi. Annie Bertault regarde la pelleteuse grignoter la tour numéro 1 des Renardières. La puissante mâchoire avale un bout de mur, puis un autre. Un trou béant apparaît au dernier étage.
"Si je regarde trop, ça va me faire pleurer" lâche Annie, "mon père est décédé là, ça me fait bizarre. Ça me crève le cœur même." Elle vit dans ce quartier situé dans la banlieue sud de Châtellerault (Vienne) depuis plus de trente ans.
"Un gros gâchis"
Il y a déjà bien longtemps qu'Annie a quitté son appartement de la rue Charles-Perrault pour la petite maison qu'elle occupe aujourd'hui, tout près de là. Elle le concède volontiers, les "PSR" (pour Programmes sociaux rénovés) lui manqueront. "Pour moi, c'est un gros gâchis, ils auraient au moins pu les refaire."
La municipalité en a décidé autrement. Le grand projet de rénovation urbaine prévoit que les deux tours, construites en 1966 et 1967, disparaissent du paysage. "Ces bâtiments ne répondaient plus à aucune norme. Ni de sécurité, ni d'isolation, ni d'agrément" , justifie Jean-Pierre Abelin, le maire de Châtellerault.
Il y avait aussi une forte concentration de difficultés sociales, mais aujourd'hui on a relogé beaucoup de gens dans des logements plus confortables."
Jean-Pierre Abelin, maire de Châtellerault
Le chantier lancé ce mardi 30 novembre va durer trois mois. Son coût est estimé à un million et demi d'euros. Une fois la démolition et le désamiantage achevés, le site sera remis en état. La tour laissera place à une pelouse, avec jardin partagé ou barbecue. Un nouveau départ pour le quartier que la municipalité a tenu à célébrer. Habitants et élus étaient conviés au lancement des opérations.
Nostalgie
Pour certains des anciens locataires des soixante-quatre logements évacués, la page sera difficile à tourner. Enfant des Renardières, Nadia Zouggar a vu le quartier se transformer, de camp militaire en HLM. "Ma famille habitait déjà dans les baraquements, et puis après on est tous venus ici dans les années 70". À cette époque, regrette-t-elle, "tout le monde s'entendait mieux", il y avait "moins de casse", moins "de poubelles brûlées", moins d'incivilités.
Et pourtant, Nadia se dit peinée et inquiète. "Ça me fait très mal de voir que c'est démoli. Ils ne pensent pas aux anciens qui ont tellement de chagrin."
Ce n'est pas Mariannick qui dira le contraire. Le regard vissé sur la pelleteuse, elle voit un volet tomber. Elle reconnait celui de son ancienne salle à manger. Après 37 années passées dans le quartier, elle a été relogée, mais elle continue à venir tous les jours. "Ici, c'est chez moi" glisse-t-elle.