Pour les 30 ans du planétarium de Châtellerault, Jean-Loup Chrétien, le premier astronaute français, était présent afin de présenter une conférence sur l'exploration spatiale et sa carrière. À l'occasion d'un entretien spécial, il a pu partager à France 3 sa passion, mais surtout une vision humaniste.
Au poste de pilotage du "Lunar Roving Vehicle" du Grand Atelier, Musée d'art et d'industrie de Châtellerault, Jean-Loup Chrétien se voit transporté plusieurs dizaines d’années en arrière. "J’ai eu la chance de piloter celle à Cap Canaveral", se souvient le premier spationaute français. "C’est un peu trop confortable pour que ce soit réaliste", plaisante-t-il entre deux anecdotes. Invité au 30e anniversaire du planétarium du collège George Sand de Châtellerault, l’opportunité était trop belle pour ne pas confronter Jean-Loup Chrétien à la maquette grandeur nature du véhicule lunaire. Mais si le premier français à être allé dans l’espace était présent à Châtellerault, c’était surtout pour y tenir une conférence sur l’exploration spatiale et sa carrière. L’occasion pour lui de transmettre son vécu et sa passion. Mais également des valeurs humanistes qui lui sont chères.
Jean-Loup Chrétien en invité d'honneur
"Ne cherchez pas, c’est unique en France", présente fièrement Michel Royer. L’ancien professeur porte haut l’étendard du planétarium du collège George Sand de Châtellerault qu’il anime depuis 1992 et sa création. À la retraite depuis 2003, l’homme ne peut quitter le bel outil qu’il a vu naître et le club "Ciel et espace" qui y réside, emporté par sa passion pour l’astronomie.
Si on part sur la lune avec l’idée, pour chaque pays, d'y obtenir son territoire, cela va finir en conflit forcément.
Jean-Loup Chrétien, spationaute
Alors à l’occasion des 30 ans du planétarium, Michel Royer a vu les choses en grand : toute une semaine de festivités autour de l’astronomie et de l’exploration spatiale, avec en point d’orgue, la présence de Jean-Loup Chrétien. "J’ai même failli avoir Thomas Pesquet mais il n’a pas pu", confie-t-il. De l’avis de ses anciens élèves du club d’astronomie présents pour l’occasion, Michel Royer captive et sa passion est contagieuse. "Je crois qu’il a demandé à tout le monde", chuchote l’un d’eux, amusé.
En préambule de l’intervention de Jean-Loup Chrétien, qui a attiré 200 personnes au Nouveau Théâtre de Châtellerault, Michel Royer blague sur sa longévité : "Encore 30 ans et j’arrête !" Après 30 années, l’ex-professeur n’a pour volonté que de transmettre sa passion aux jeunes générations. Jusqu’à susciter des vocations ? Quand son ancien élève, Damien Despas, aujourd’hui médecin, candidate pour devenir le futur astronaute de l’Agence Européenne Spatiale (ESA), le professeur retraité ne peut pas être plus fier. "Tout a commencé au club d’astronomie du collège George Sand, raconte Damien Despas. Aujourd’hui, je reste passionné par cet univers et ce serait magnifique d’en faire mon métier."
Une passion pour l'exploration spatiale qui reprend de l'élan
Pour cette semaine de festivités, le planétarium du collège George Sand de Châtellerault ouvre ses portes aux scolaires comme au grand public. Symbole d’un certain regain d’intérêt pour l’exploration spatiale ces dernières années, le planétarium a fait le plein. "Cette année, je ne sais pas pourquoi, mais on a entre 5 et 10 fois plus de sollicitations que d’habitude, je n’avais jamais vu ça", confirme Jean-Loup Chrétien.
L’ancien astronaute constate bien un réveil de la curiosité pour la discipline, incarné par l’annonce d’une future mission spatiale sur la lune. "Avant ça, il y a eu presque 50 ans de traversée du désert, souligne-t-il. Cela n’a pas pour autant été une période de perte de temps. Toutes les technologies ont été améliorées et il y a eu beaucoup d’avancées scientifiques."
Ce nouvel élan pour une mission lunaire, Jean-Loup Chrétien l’observe d’un bon œil mais reste très prudent. "J’ai envie d’écrire un texte qui commencerait par "Don’t do it" : n’allez pas sur la lune pour mettre votre clôture de potager et votre petit drapeau ! Il faut y aller, mais tous ensemble. Si on part avec l’idée d’y obtenir chacun son territoire, cela va finir en conflit forcément", averti le premier ouest-européen à avoir franchi l’atmosphère terrestre.
Il y a une énorme différence dans les relations entre la surface de la terre et au-delà. Dans l’espace, on oublie nos frontières.
Jean-Loup Chrétien
Malgré le contexte géopolitique actuel et les tensions vives cristallisées par la guerre en Ukraine, Jean-Loup Chrétien veut croire en l’humanité. "Je reste optimiste car maintenant l’humanité a appris à travailler ensemble. On a atteint un tel seuil d’interdépendance que c’est difficile de faire machine arrière", soulève-t-il. Fort de 3 voyages et de 43 jours passés dans l’espace, il en veut pour exemple la coopération internationale pour les missions spatiales.
"Pour qu’un avion civil ou militaire voyage à travers le monde, il doit avoir un plan de vol et des autorisations pour franchir les frontières. Cela ne concerne pas les véhicules spatiaux qui franchissent des multitudes de frontières sans que personne s’en émeuve. C’est pour moi le signe que l’humanité peut passer outre", veut positiver l’astronaute. Avant de nuancer : "J’en ai parlé une fois à un dîner officiel avec un dirigeant politique qui m’a dit : "Il n’y a pas besoin d’autorisation mais on peut vous tirer dessus." C’est très révélateur."
Un symbole d'humanisme
À Châtellerault, Jean-Loup Chrétien attire les regards des nombreux passionnés ayant fait exprès le déplacement, y compris les plus jeunes. "C’est bien si je peux générer des vocations, mais je veux surtout transmettre un discours pacifiste, appuie-t-il. C’est ce vers quoi l’humanité doit aller, parce que sinon ça va être invivable. Nous allons bientôt être 10 milliards sur terre, alors qu’une grande partie n’a toujours pas eu accès à une vie moderne élémentaire à laquelle elle est totalement légitime."
Ayant la nationalité française et américaine, mais aussi la décoration de "Héros de l’Union soviétique" suite à ses missions conjointes, Jean-Loup Chrétien est à lui seul un symbole de cette coopération. Si elle semble aujourd’hui lointaine, l’astronaute (terme américain), cosmonaute (terme russe) et spationaute (terme français) est là pour le rappeler.