Entre 2023 et 2022, le nombre de jeunes recueillis par le Département a augmenté de 57%. Si le conseil départemental tire la sonnette d'alarme, les associations estiment qu'une autre politique, plus inclusive, devrait être mise en place. En attendant, les mineurs sont hébergés à l'hôtel, faute de place dans les foyers.
Ils étaient à peine une douzaine en 2008, ils sont aujourd’hui près de 400. Selon le dernier décompte de la Vienne, 388 mineurs non accompagnés sont placés sous la responsabilité du département en 2023. Un chiffre en hausse de 57% par rapport à l’année dernière.
Originaires d’Afrique subsaharienne ou d’Asie centrale, ces adolescents cherchent un avenir meilleur dans le Poitou. Bien souvent, ils entament leur parcours à la gare de Poitiers, comme ce groupe de jeunes venus de Côte d’Ivoire et de Guinée-Conakry, rencontrés aux abords des trains. “J’ai 16 ans, je suis venu ici pour obtenir un diplôme et un travail”, souffle l’un d’entre eux, qui préfère rester anonyme.
70% des demandes sont refusées
Une fois reconnus mineurs, ils sont pris en charge par le conseil départemental, au sein du service de l’aide sociale à l’enfance de la Vienne. Une dizaine d’agents y travaille à temps plein sur les dossiers de mineurs non accompagnés. “Dans ces dossiers, on compile des éléments sur leur santé, leur scolarité, les projets qu’ils vont développer pour s’insérer en France”, explique Caroline Métayer, responsable adjointe du pôle mineurs non accompagnés de la Vienne.
Faute de places suffisantes en foyer ou en famille d’accueil, le département est obligé de louer des chambres d’hôtel.
Dans cet établissement, toutes les chambres sont occupées par des mineurs isolés. Mais l’accueil des 388 mineurs non accompagnés du Département a un coût : au total, plus de six millions d’euros cette année, soit 10% du budget de l’aide sociale à l’enfance (ASE). Toutefois, pour bénéficier de cette aide, encore faut-il être reconnu mineur : 70% des demandes sont refusées.
Selon la législation française, les mineurs non accompagnés sont des jeunes de moins de 18 ans qui n’ont pas la nationalité française, présents sur le territoire sans être accompagnés d'aucun membre de leur famille.
"Ça représente une poignée de jeunes. Il n’y a pas de quoi être débordé"
À son arrivée à Poitiers en 2015, Fodé a fait une demande de reconnaissance de minorité auprès de l’ASE. “Ça n’a pas marché, tout ce que je disais n’a pas été pris en compte. Moi j’étais là, perdu, je ne savais pas quoi faire.”
Seul et sans ressources, l’adolescent se retrouve à la rue. Il trouve alors refuge chez des particuliers comme Chantal Bernard, bénévole à l’association Min' de Rien 86, qui vient en aide aux jeunes étrangers. Elle dénonce un manque de places d’accueil.
“Ça représente une poignée de jeunes. Il n’y a pas de quoi être débordé. Il y a régulièrement des jeunes qui peuvent arriver, souligne-t-elle. Je pense que la politique actuelle en France n’est pas une vraie politique d'accueil."
On n'en a pas envie, on a peur.
Chantal Bernardbénévole association Min' De Rien 86
Le Département déplore un manque d’argent et les élus se tournent vers l’État pour faire face au nombre croissant d’arrivées de jeunes étrangers.
“Comment on fait demain pour faire du bon travail ? C’est ce que cherchent les équipes, ce que veulent les élus : on veut offrir un bon accueil, relate Rose-Marie Bertaud, vice-présidente du conseil départemental de la Vienne, en charge de l’action sociale. Là, on est près de l’explosion.”
Ce travail est pourtant essentiel. En témoignent ces photos montrant des jeunes aux visages souriants. Pris en charge par le Département et l’ASE, ils ont tous trouvé du travail à l’issue d’une formation.