La semaine du numérique et des sciences informatiques se tient jusqu'au 9 décembre prochain. Au lycée professionnel Nelson Mandela, des élèves de première et de seconde ont pu échanger sur la place des femmes dans les métiers scientifiques, où elles sont bien moins représentées que les hommes.
De Jupiter à Poitiers, il n'y a parfois qu'un pas. En ce matin d'automne glacé, les premières en spécialité NSI (numérique et sciences informatiques) et quelques secondes du lycée professionnel Nelson Mandela, à Poitiers (Vienne), ont rendez-vous avec deux intervenantes tout droit venues de l'espace. À l'occasion de la Semaine du numérique et des sciences informatiques, leur professeur de physique et de mathématiques, Svend Walter, les a conviés à une visioconférence avec des designers graphiques. Judy Schmidt et Salomé Fuenmayor ont notamment travaillé sur les impressionnantes images du télescope James Webb. L'objectif est double : "Montrer aux filles, et aux garçons, je ne les oublie pas, que ces métiers sont accessibles sans avoir fait des études poussées”, et surtout "lutter contre les stéréotypes de genre".
Seules 14 % des lycéennes sont en NSI
Car en salle B-223, ce mercredi 6 décembre, il n'y a presque que des garçons. Seule Nessa, 15 ans, a franchi le pas de la porte. "Au collège, j'étais toujours dans des classes mixtes, raconte l'adolescente. Quand je suis arrivée dans ce lycée, il n'y avait quasiment que des garçons. Dans ma classe, on est six filles sur trente-deux élèves." Lancé en 2019, l'enseignement de spécialité NSI n'a été choisi que par 14 % des lycéennes en 2020. "Dans la promotion précédente, j'avais trois filles dans ma classe de NSI, relate Svend Walter. Cette année, il n'y en a aucune." Majoritaires dans l'enseignement supérieur, les jeunes femmes sont sous-représentées dans les filières scientifiques et informatiques. Entre 2020 et 2021, elles représentaient à peine 19 % des étudiants en licence informatique, et 18,3 % en licence mécanique, selon le ministère de l'Enseignement supérieur.
En amont de la rencontre avec les designers graphiques, Svend Walter a demandé à ses élèves de préparer une liste de questions, en français et en anglais (Judy Schmidt est Américaine), sur le parcours des deux scientifiques. "Quel conseil donneriez-vous à une jeune fille pour son orientation ?", "Pendant vos études ou votre carrière, avez-vous fait face à du sexisme ?", "Quelles sont vos conditions de travail ?". "Tout ce dont je me souviens, c'est qu'enfant, je voulais être un dinosaure", plaisante Judy Schmidt. Rires dans la salle, les élèves se détendent. "Si j'ai fait face à du sexisme, je l'ai effacé de ma mémoire ou je ne m'en suis pas rendu compte. Mais bien sûr, ça arrive dans les métiers de l'astronomie."
Un secteur d'avenir
Tout en anglais, Nessa traduit les propos de l'experte à ses camarades. "J'aime parler anglais", sourit modestement la jeune fille. Au fil de l'échange, les questions se précisent : "Quel conseil donneriez-vous à un jeune qui veut faire des sciences plus tard ?", demande Abel, 16 ans. "C’est une question difficile : ça va dépendre de votre situation économique. Suivez votre cœur, mais utilisez votre cerveau”, avance Judy Schmidt. Même son de cloche pour Salomé Fuenmayor. "Faites les choses qui vous plaisent avec passion et application. Parfois, certains clients préfèrent avoir affaire à un homme plutôt qu'à une femme. Mais nous sommes égaux et nous méritons les mêmes bénéfices."
"Les métiers de la science et de l'informatique vont beaucoup recruter à l'avenir, mais il n'y a pas assez de filles. C'est se priver de la moitié des cerveaux humains", déplore Svend Walter. D'ici à 2030, 190 000 recrutements seraient à prévoir dans l'ingénierie informatique, dont 115 000 créations d'emplois, selon une étude de la Dares.
Multiplier les modèles féminins
Pour changer la donne, un levier essentiel : déconstruire les clichés autour de ces formations. "On a la réputation d’être des monodiscord : des gros geeks qui passent tout leur temps devant l’ordinateur, avec les cheveux sales. Ce n'est pas attirant”, déplore Eliott, en première NSI. : “Ça n’aide pas à se projeter. Alors qu'en suivant notre option, on peut se diriger vers énormément de métiers !, s'enthousiasme Lenaigïk, son camarade. Les deux grands domaines, c'est l’informatique et les sciences. En étant développeur informatique par exemple, on peut créer des applications, des jeux vidéos, travailler dans l’analyse de données..."
Svend Walter, suggère quant à lui de multiplier les modèles scientifiques féminins. "Dégager du temps pour que les professionnelles puissent témoigner de leur expérience. Montrer que ce sont des métiers où l’on peut s’épanouir, bien gagner sa vie tout en ayant du temps pour ses proches.”
Pour l'heure, le message semble être passé. "On se rend compte qu'il y a d'autres métiers scientifiques qui incluent aussi l'art. On peut jouer un rôle, peu importe ce que l’on fait dans les sciences", avance Nessa. En 2024, l'adolescente devra choisir trois spécialités : physique-chimie, sciences de l'ingénieur, et "maintenant, pourquoi pas NSI !".