En vacances dans le Poitou, Nicolas Milovanovic, conservateur au musée du Louvre, partage sur les réseaux sociaux des photos et des commentaires enthousiastes de ses visites. De l'église Notre-Dame de Poitiers à la cité médiévale de Chauvigny, son œil de spécialiste partage des coups de cœur avisés.
La ville de Poitiers aura rarement bénéficié d'un meilleur ambassadeur. Pourtant, en cette mi-août, Nicolas Milovanovic, conservateur au musée du Louvre à Paris, et en vacances avec sa famille dans le Poitou, partage sa toute première déception : impossible en ce 17 août d'admirer "les sublimes décors de Puvis de Chavannes qui ornent l'escalier d'apparat" de la mairie de Poitiers. Un cordon rouge de sécurité en interdit le passage, comme on peut le voir sur un tweet publié sur son compte personnel.
Terriblement frustrant
"Je voulais tellement le montrer aux enfants", explique-t-il, forcément déçu. "C'est terriblement frustrant", commente-il dans ce même tweet. Cet amateur d'art s'est heurté à une fin de non-recevoir. "On nous a expliqué qu'il était visible sur visite et qu'il n'y en avait plus pour l'instant."
Puvis de Chavannes, peintre lyonnais considéré comme un précurseur du symbolisme, est visible à Poitiers à travers deux grandes toiles de 1874. Le site de la mairie précise qu'elles "constituent les pièces maîtresses d’un abondant décor sculpté et peint. Elles sont dédiées à deux épisodes de l’histoire poitevine : la bataille de Charles Martel et Saint Fortunat lisant des poèmes à Sainte Radegonde à l’abbaye Sainte Croix." Ne pas pouvoir admirer une œuvre de Pierre Puvis de Chavannes à Poitiers serait en somme un peu comme ne pas avoir accès à la Joconde au Louvre...
Hors-de-question pourtant pour lui de créer la polémique : le message publié en ligne témoigne simplement du fait que "j'étais un peu frustré sur le coup". Ce spécialiste de la peinture française du XVIIe siècle et des icônes grecques et russes s'est senti d'autant plus frustré que Puvis de Chavannes reste, à son goût, "peu connu" du grand public, en tout cas, "pas reconnu à sa juste valeur".
"C'est un artiste plus connu aux États-Unis qu'en France, explique-t-il. C'est quelqu'un qui attend plus de reconnaissance ici." Peut-être que sa déconvenue du jour pourrait inciter "la mairie à s'en rendre compte en ouvrant plus facilement l'accès" pour faire admirer son travail à Poitiers, suggère-t-il.
La ville explique que "les mesures de sécurité en place dans le cadre du plan Vigipirate toujours en vigueur ne nous permettent pas de laisser accéder librement le public dans les espaces autres que ceux ouverts au public" mais précise que "pour autant, la ville de Poitiers a plaisir à y accueillir quand c’est possible, le plus grand nombre" et que "des visites guidées et encadrées sont organisées notamment en direction des publics scolaires, sur RDV et en fonction de l’activité de ces espaces."
Admirateur de Poitiers
De ses vacances pictaves, c'est là la seule déception exprimée par Nicolas Milovanovic sur son fil Twitter personnel. Ses autres publications retraçant ses visites de Poitiers et ses environs sont tout simplement enthousiastes, voire dithyrambiques.
Je suis un admirateur de Poitiers. Mais avec les années, j'avais oublié la ville. Je la redécouvre et il y a vraiment beaucoup d'émerveillement à la revisiter
Nicolas Milovanovic, conservateur au musée du Louvre et vacancier en Poitou
"Je suis un admirateur de Poitiers, confie-t-il. Mais avec les années, j'avais oublié la ville. À l'occasion de ces vacances, je la redécouvre et il y a vraiment beaucoup d'émerveillement à revisiter la ville."
Son goût pour la ville remonte au tout début de sa carrière. À l'époque, Nicolas Milovanovic doit choisir une affectation en province, comme tous les étudiants nouvellement formés. "J'ai choisi Poitiers et j'y ai travaillé deux ans. C'était il y a 20 ans." Le tout jeune conservateur se retrouve adjoint au directeur du musée Rupert de Chièvres, aujourd'hui fermé.
Nicolas Milovanovic n'a d'ailleurs pas revu le musée de ses débuts depuis son premier passage à Poitiers en 2001, mais confie qu'il "serai(t) très heureux de (le) revoir".
"La plus belle façade de France"
Son été 2022 en Poitou lui offre l'opportunité de partager son regard d'expert sur ses visites : de l'église Notre-Dame-la-Grande, de l'église Sainte-Porchaire et de son retable ou encore la cité médiévale de Chauvigny.
Avec lui, on redécouvre ainsi certaines évidences qui ne peuvent que flatter le cœur des habitants : que la façade de Notre-Dame-la-Grande demeure "la plus belle façade de France".
Mais il y a aussi tout ce que l'on a peut-être tendance à prendre trop facilement pour acquis. Ainsi, cette scène de mise au tombeau à l'église Notre-Dame-la-Grande. Ce passionné d'art rappelle que ces scènes relèvent d'une "grande tradition française", ici une scène "à taille humaine" d'autant plus "impressionnante", nous précise-t-il, que "le visiteur se retrouve ainsi à égalité avec l'œuvre". Photos à l'appui, il conclut : "celle de Notre-Dame-la-Grande à Poitiers est saisissante".
"Notre-Dame-la-Grande est une merveille du patrimoine mondial. C'est un joyau absolu de l'Art roman", aime-t-il à rappeler.
Le clamer sur les réseaux sociaux revêt pour lui une importance toute particulière. "Les monuments qui vivent sont ceux dont on parle", estime-t-il. "Ceux dont on ne parle pas ou plus s'abîment beaucoup plus..." Il estime ainsi que "toute communication est bonne à prendre", commente celui qui se fait volontiers cabotin en ligne lorsqu'il annonce qu'il quitte le musée du Louvre pour devenir cheminot, fasciné par la visite en vélo-rail à Chauvigny.
En quelques jours de publications, Nicolas Milovanovic nous a lancé une invitation à redécouvrir notre patrimoine.