Coronavirus. Ces salariés toujours au travail et inquiets pour eux et leur entourage

Dans certaines entreprises encore en activité, les salariés manifestent leurs craintes face aux mesures barrière qu'ils estiment pas suffisamment respectées. C'est le cas dans des centres d'appel ou à La Poste. Des transporteurs parlent aussi de la peur des usagers lorsqu'ils livrent chez eux.

Comme un jour ordinaire, à huit heures ce matin, les entreprises de transport sont à pied d'oeuvre. A Poitiers, un camion débute sa tournée par la livraison d'un matelas dans un quartier résidentiel. Le véhicule est chargé. Au moment de signer le bon, le client décline le crayon que lui tend le livreur et cherche le sien "qui-ne-doit-pas-être-bien-loin". Ce nouveau réflexe tend à se répandre en cette période de pandémie de coronavirus et blesse parfois les salariés.

On se présente, les gens nous craignent car on est en contact avec beaucoup de personnes
- Eric Aly, gérant d'une autre société de transports, STHV, à Limoges

Ses livreurs en font l'expérience tous les jours. 

"On est craint", poursuit-il. "Mais on n'a pas accès aux moyens de protection comme les masques ou les gels hydroalcooliques! On fait ce que l'on peut."

Depuis le début de la crise du Coronavirus, chacun cherche à limiter les contacts avec des personnes extérieures à son cercle proche.

En entreprise, la question se pose de manière flagrante, notamment dans les centres d'appel.

La grogne des centres d'appel

Dans la zone du parc du Futuroscope, la société Armatis LC fait face à la grogne de ses salariés. Ils s'inquiètent de la promiscuité dans les locaux.

Il y a un problème d'espaces dans les salles de pause, dans les escaliers et les ascenseurs, nous sommes les uns sur les autres! Dans cette période, ça pose problème.
- J. Hémon, UD CGT 86

"En centre d'appel, quand vous travaillez sur un plateau où il y a 63 personnes, comment fait-on ?", s'interroge Fabien Bouchenez, délégué CGT. "On nous dit que l'on ne doit pas dépasser plus de cinq interactions par jour!"

Le représentant syndical évoque des salariés qui en viennent aux larmes. 

"On n'a pas envie que le site ferme mais comment travailler dans de bonnes conditions ?"

Dans cette entreprise, un autre élu syndical décrit une situation "stressante".

"Pour moi, les centres d'appels peuvent devenir des foyers infectieux importants", poursuit Julien Hémon, secrétaire adjoint de l'Union départementale CGT de la Vienne et élu au CSE de cette plateforme d'appels.

Il évoque de nombreuses "petites choses" à améliorer, en particulier tout ce qui touche à la "promiscuité".

Les toilettes par exemple, ne sont pas nettoyées les week-ends alors que l'on est amené à les utiliser et à toucher les poignées. 
- J. Hémon, UD CGT 86

"Il y a un problème d'espaces dans les salles de pause, dans les escaliers et les ascenseurs, nous sommes les uns sur les autres! Dans cette période, ça pose problème", détaille-t-il.

Il note néanmoins que "comme il y a beaucoup d'absents en ce moment, on arrive sur certaines plateformes à rester espacés les uns des autres, mais ce n'est pas toujours possible." 

Pour ce représentant syndical, le mode de fonctionnement de l'entreprise ne s'adapte pas à la situation de crise actuelle.

"La plateforme fonctionne le week-end, mais les toilettes par exemple, ne sont pas nettoyées les week-ends alors que l'on est amené à les utiliser et à toucher les poignées, les surfaces planes...", explique-t-il. "Vous voyez, c'est une question de priorité pour l'entreprise. La priorité, ce sont les économies d'échelle. Depuis que l'on a été racheté par ce groupe, le budget ménage a été divisé par deux. Ca devient d'autant plus préoccupant en période d'épidémie."

Les décisions de la direction arrivent au fur et à mesure et on s'adapte aussi aux mesures gouvernementales
- A. Courivault, responsable RH Armatis LC

"De la même manière, en semaine, quand on demande à nettoyer nos postes de travail à la prise de service, car on ne sait pas si le collègue installé avant nous est potentiellement porteur du virus, il faut aller chercher des lingettes dans le bureau du manager. Ca prend du temps et on nous maintient les mêmes objectifs de productivité. On a un métier stressant en temps normal. On est par exemple chronométré dans tout ce que l'on fait et on reçoit des remontrances si jamais on dépasse notre pause d'une minute! La situation actuelle accentue les choses."

Amélie Courivault, responsable des ressources humaines Armatis LC à Poitiers, explique que "les décisions de la direction arrivent au fur et à mesure et on s'adapte aussi aux mesures gouvernementales".

"Je peux comprendre que ça peut paraître long pour les salariés mais il y a eu des notes d'information et des affichages sur le site", poursuit-elle.

Un comité social et économique informel (CSE) s'est tenu aujourd'hui dans cette entreprise avec quelques dispositions nouvelles comme la mise en place de télétravail pour certaines activités, le chômage partiel pour des activités qui ne relèvent pas de l'utilité publique et sont non éligibles au télétravail et le maintien des salariés sur site uniquement sur la base du volontariat.

Ce soir, élus du personnel et salariés se disent soulagés d'avoir obtenu ces adaptations qui leur permettent d'avoir le choix. Les élus regrettent néanmoins que ces dispositions arrivent tardivement.

Les postiers inquiets eux aussi

Les professions inquiètes font de plus en plus entendre leur voix. Dans un communiqué diffusé ce jeudi, le syndicat CGT de La Poste estiment qu'en pleine crise sanitaire, "La Poste s'obstine à refuser de prendre conscience du danger qu’elle fait prendre à ses salariés comme à ses usagers."
 
Pour le syndicat, les "facteurs vous livrent les lettres et les colis et peut être aussi le coronavirus !"

Au centre de tri de Migné-Auxances, près de Poitiers, le syndicat CGT décrit une situation où les salariés travailleraient sans protection particulière.

"Les postiers trient le courrier à moins d’un mètre les uns des autres, puis se passent le courrier à distribuer de la main à la main", indique ce même communiqué. "Les agents n’ont ni gants ni masques. Les facteurs potentiellement infectés par un collègue, un usager ou une connaissance, vont alors distribuer le COVID-19 directement dans votre boîte aux lettres ou devant votre porte."

Le syndicat estime que de nombreux salariés se retrouvent "dans un état de stress permanent" et craignent d'être eux aussi "vecteurs" du virus.

Nous ne sommes pas parvenus à joindre au téléphone les services du centre de tri de Migné-Auxances, ce jeudi, pour commenter les affirmations du syndicat.

Dans un communiqué de presse diffusé sur son site Internet, La Poste affirme néanmoins être organisée "pour assurer la protection de la santé des postiers, de ses clients, la continuité de ses services à la population et contribuer à l’effort de la Nation" et indique qu'elle "diffuse auprès des équipes de terrain en contact avec la population du matériel de protection"
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