Covid-19. Faut-il réanimer tous les malades ? Les choix du CHU de Poitiers, exprimés par le professeur René Robert

A l'heure où la deuxième vague avance, la question de placer ou non tous les malades en service de réanimation, se pose. Les soignants sont face à des choix difficiles. Entretien avec le professeur René Robert, chef du pôle urgences-réanimation-anesthésie du CHU de Poitiers.

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René Robert est professeur de réanimation, chef du pôle urgences-réanimation-anesthésie du CHU de Poitiers. Par ailleurs, il est président du centre national des soins palliatifs et de la fin de vie. C'est avec tous ces titres que nous l'avons interrogé.

France 3 Poitou-Charentes : Face à l'arrivée des patients atteints du coronavirus, êtes-vous amené à faire des choix d'admission en service de réanimation ?

Professeur René Robert : Cette pandémie a permis au grand public et aux médias de découvrir notre métier de réanimateur. La question, "faut-il réanimer ou non ?" est une interrogation quotidienne avec ou sans coronavirus. Si vous me demandez aujourd'hui s'il faut réanimer toutes les personnes atteintes de la Covid-19, la réponse est non. Notre but n'est pas de prolonger la vie mais de redonner une qualité de vie, la meilleure possible. Réanimer à tout-va serait de l'acharnement thérapeutique. Il vaut mieux alors se tourner vers de l'accompagnement pour une fin de vie paisible.

France 3 : Pour autant la crise du covid-19 s'accompagne de difficultés concrètes, puisqu'il manque des lits et du personnel dans de nombreux hôpitaux...

René Robert : Imaginons que notre service au CHU dePoitiers soit plein, et pourtant des malades ont besoin d'être réanimés. Des études ont fait le point sur tous les choix qui s'offraient :
1 / Trouver par exemple des algorithmes avec des critères pour que la réponse soit rentable, utile et éthique et la moins mauvaise. On peut ainsi limiter l'accès à la réanimation.
2 / Augmenter le nombre de lits avec du matériel et du personnel, mais on risque d'avoir une situation dégradée. 
3 / Faire des transferts de malades en TGV ou en avion.
4 / Arrêter plus tôt le processus de réanimation pour ceux qui y sont déjà.

France 3 : Comment faire le bon choix alors ?

René Robert : Là encore la littérature médicale et scientifique a étudié la question et vous allez voir que les critères de priorisation peuvent être très divers. On peut par exemple imaginer que l'on donne la priorité à ceux qui ont le plus de chance de survivre, ou bien à ceux à qui il reste en théorie plus de temps à vivre, ou encore à ceux qui ont le moins de maladies associées. Certaines études ont évoqué des thèses encore plus difficiles, comme prioriser ceux qui sont le plus utiles à la société, ceux qui arrivent en premier ou même, faire un tirage au sort ! Tout a été envisagé dans le monde.

France 3 : Quels critères avez-vous retenu pour le CHU de Poitiers ?

René Robert : Je crois qu'il faut garder son identité de médecin réanimateur, refuser les algorithmes ou la mise en place d'équipes spécialisées dans le triage. Je pense qu'il faut voir avant tout le patient, écouter sa volonté s'il s'est exprimé, voir les maladies associées et les indices de fragilité. Un médecin ne décide jamais seul de toute façon.

France 3 : Si un EHPAD vous appelle pour un résident en détresse, comment faites-vous ?

René Robert : Nous faisons effectivement un " tri" par téléphone et souvent cela se traduit par un accompagnement de fin de vie avec les équipes mobiles des soins palliatifs. Dans la grande majorité des cas, ces décisions sont très bien comprises par les familles. Vous savez, la réanimation, ce sont des traitements très lourds. A Poitiers, nous arrivons quand même à faire encore du cas par cas, et on le fera le plus longtemps possible. Nos collègues de gériatrie font aussi le même travail d'étude pour les patients. Ils nous envoient rarement leurs malades.

France 3 : Ce coronavirus est-il fatal pour les personnes de plus de 85 ans ?

René Robert : On sait en tout cas que leur mortalité est très élevée, mais l'âge n'est pas le seul paramètre. On regarde aussi les pathologies associées.

Au jeudi 5 novembre, le taux de remplissage du service de réanimation du CHU de Poitiers est stable. Néanmoins cinq lits supplémentaires vont être ouverts pour accueillir l'ensemble des malades, qu'ils soient ou non atteints de la Covid -19.

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