La mairie a dévoilé vendredi 23 février la création de vingt-quatre places réservées aux professionnels de santé alors que la question crispe depuis des mois les infirmières. La profession dénonce une verbalisation "non tolérante" depuis un an.
Si la question du stationnement en centre-ville est source de tensions pour la majorité des automobilistes, elle devient un véritable problème pour les professionnels de santé. Pour les infirmières, médecins, kinés et toutes les professions qui sont amenées à se déplacer à domicile, le quotidien déjà chargé est complexifié par cette angoisse de la place de parking.
"En 19 ans, j'ai été verbalisée cinq fois et en un an, j'ai été verbalisée autant de fois."
Quand Céline Tran Van Chau, infirmière libérale, se rend chez ses patients qui habitent en centre-ville, la tournée se complique drastiquement. Selon la professionnelle, outre la circulation difficile, trouver une place est un défi permanent. Souvent pressée par le temps, l'infirmière dit alors devoir se garer hors stationnement. "J'ai parfois cinquante patients à voir par jour", se justifie la professionnelle de santé.
Et malgré le caducée collé à son pare-brise, l'infirmière ne passe plus à travers les mailles du filet. "En 19 ans, j'ai été verbalisée cinq fois et en un an, j'ai été verbalisée autant de fois." Céline Tran Van Chau assure que, depuis un an environ, les agents municipaux, autrefois tolérants, appliquent le Code de la route à toutes et tous "sans discernement" et verbalisent en conséquence.
Au-delà de l'impact financier important sur les professionnels de santé, elle estime que cela devient un problème d'accès aux soins.
Il y a des patients qu’on refuse parce que nous n'avons pas de places de stationnement pour aller chez eux. Ce n'est pas normal que les patients habitant en centre-ville soient privés de soin.
Céline Tran Van Chau, infirmière libérale
Toutes ces problématiques sont connues de la mairie qui tente désormais de trouver des solutions. Amir Mistrih, l'adjoint à la sécurité, à la tranquillité publique et aux stationnements, a dévoilé un plan grâce auquel vingt-quatre places de stationnements dans le centre-ville seront réservées aux professionnels de santé. "C'est parce que nous comprenons le stress que cela procure à ces professionnels de santé, qu’on a changé plusieurs fois de scénarios. Celui-ci nous paraît le plus sérieux et le plus légal."
Si Céline Tran Van Chau reconnaît des avancées et une reprise du dialogue, elle émet des doutes, notamment sur les emplacements et sur le nombre de places qui lui paraît limité, car ces emplacements sont dédiés à tous les professionnels de santé de Poitiers, pas à un seul métier. Au-delà de ces places consacrées, la mairie de Poitiers a fait sauter la limite horaire des places "bleues" (arrêt minute) pour les professionnels de santé — ce qui correspond à une cinquantaine de places en plus. Une mesure effective dès le lundi 26 février.
Pas de cadre législatif précis
Ce n'est pas la première fois que les règles changent à Poitiers. En 2017, l'ancienne municipalité avait retiré l'autorisation spéciale de stationnement en ville pour les professionnels de santé. Une décision qui avait déclenché les foudres des organisations professionnelles concernées.
Si la ville de Poitiers tâtonne de cette façon, c'est qu'aucune loi n'encadre clairement cette question. Une circulaire (datant de 1986 !) intime cependant aux agents de faire preuve de "bienveillance et d'indulgence" envers les professionnels de santé, dans le cadre de leur exercice et si le véhicule ne porte atteinte ni à la sécurité des usagers, ni ne gêne excessivement la circulation.
100 euros, 200 euros par an ou gratuité ?
Rien cependant concernant une potentielle ristourne sur le paiement des places de parking. Dans les autres villes de la région, plusieurs municipalités ont décidé d'accorder un abonnement à prix réduit aux professionnels de santé. À La Rochelle, ces professions peuvent se stationner toute la journée pour un abonnement à hauteur de 100 euros par an. À Saintes, un abonnement à 250 euros par an avait fait râler les infirmières qui souhaitaient conserver la gratuité.
Pour Céline Tran Van Chau, le montant proposé par la mairie de Poitiers est trop important. "On a fait le calcul dans mon cabinet, si c'est bel et bien à 60 euros par mois et par personne, l'abonnement nous coûtera 4 400 euros par an de frais de stationnement. Nous nous sentons lésés par rapport à nos collègues de périphérie."
Selon l'adjoint au maire de Poitiers, Amir Mistrih, la solution trouvée par sa municipalité a le mérite d'être respectueuse de la loi et tente de respecter également les autres usagers de la voirie, notamment des trottoirs. Si des ajustements sont à faire, l'adjoint au maire assure qu'ils pourront l'être. Une évaluation de cette méthode autant sur les emplacements que sur le prix est prévue pour septembre prochain.