Le festival "Filmer le Travail" se poursuit jusqu'au 19 février à Poitiers. Le film "Les Sentinelles" y est présenté ce mardi. Il donne la parole aux ouvriers et agriculteurs devenus lanceurs d'alerte, parmi eux Paul François, ce paysan charentais qui a gagné son procès contre Monsanto.
Victimes de l'amiante ou de pesticides, ces travailleurs sont devenus des lanceurs d'alerte. Dans son documentaire "Les Sentinelles", Pierre Pézerat donne la parole à ces ouvriers et agriculteurs qui ont mis en lumière des scandales sanitaires, soutenus par des chercheurs dont le père du réalisateur.Le combat de Paul François contre Monsanto
Le film débute dans les pas d'un homme, Paul François, montant les marches d'un tribunal, prêt à affronter en justice le mastodonte de l'industrie agro-alimentaire Monsanto et déterminé à lui faire admettre ses responsabilités dans son intoxication d'avril 2004, qui l'aura mené à de longues périodes d'hospitalisation.La caméra de Pierre Pézerat filme ensuite le parcours croisé de cet agriculteur, d'employés de l'usine Triskalia en Bretagne exposés aux pesticides et de travailleurs victimes de l'amiante pour faire reconnaître leurs maladies comme "professionnelles".
La victoire juridique de Paul François contre Monsanto, confirmée en 2015, fait écho au combat des ouvrières de l'usine d'amiante Amisol de Clermont-Ferrand, débuté dans les années 1980, et de celui des employés de l'usine Eternit dans le Tarn.
Rien ne prédestinait le céréalier charentais à croiser le chemin de ces ouvriers et syndicalistes. Pourtant leurs luttes ont convergé à travers les travaux d'Henri Pézerat, directeur de recherche au CNRS, qui aura contribué à révéler les risques de l'amiante puis des pesticides pour les travailleurs.
Ce "travail qui tue"
Des années plus tard, les victimes de l'amiante et leurs proches racontent au réalisateur le parcours jalonné d'obstacles pour aboutir à son interdiction en 1997. "Elle tombait du plafond comme de la neige", raconte Josette Roudaire, ancienne ouvrière d'Amisol et activement impliquée contre cette catastrophe "à retardement"."Mon mari savait que c'était dangereux l'amiante, mais il fallait manger", raconte Dhelia Cabrit, veuve de Raymond Cabrit décédé d'un cancer de la plèvre après son départ de l'usine Eternit. "Il a travaillé jusqu'au dernier jour avec une bouteille à oxygène", se souvient-elle.
Des vies brisées par l'exposition à ce minéral mais dont les victimes se sont battues pour ne pas laisser impunis les donneurs d'ordre de ce "travail qui tue". "Ils savaient", dénonce le fils d'un ouvrier, pour qui les indemnisations financières ne "font pas oublier la responsabilité criminelle".
"Que tu sois de droite, que tu sois de la CGT (...) il faut s'unir", rappelle Paul François. Une union pour faire la lumière sur ces scandales sanitaires où "les industriels ont organisé la désinformation", précise l'avocat de l'agriculteur.