C'est une mobilisation inédite pour dénoncer un ras-le-bol général. À Paris, ce mardi 14 février, des milliers de médecins sont descendus dans la rue pour protester contre la loi Rist. Dans le cortège, Franck Girault médecin installé à Poitiers qui explique sa détermination.
Ils sont "motivés" et "déterminés". Dans les rangs de la manifestation parisienne cet après-midi, plus de 10 000 médecins, selon les organisateurs. Parmi eux, Franck Girault, médecin généraliste installé à Poitiers depuis 1996.
Après plus de 25 ans d’expérience, il constate "une dégradation de notre fonction".
Ce qui nous arrive, c’est un choix politique, on a verrouillé le numérus clausus. Or, on savait qu’il y avait un besoin de soin, on a créé cette pénurie.
Franck Girault, médecin généraliste installé à PoitiersFrance 3 Poitou-Charentes
L'élément déclencheur de cette mobilisation inédite, la loi Rist, portée par la députée Renaissance, Stéphanie Rist, qui vise à "simplifier l’accès aux soins" en donnant un accès direct à certains professionnels comme les infirmiers, les kinés ou encore les orthophonistes.
Élargissement des compétences de certains spécialistes
Concrètement, le texte prévoit l’élargissement des compétences de plusieurs professions. Plus besoin, par exemple, de se rendre chez un généraliste pour obtenir une ordonnance pour des séances d’orthophonie ou de kinésithérapie.
"Ceux qui décident cela méconnaissent notre profession. Ils sont convaincus que renouveler un traitement, c'est juste une impression", commente le Docteur Girault.
Notre boulot, c’est un boulot du quotidien. Nos patients, on les connaît, il y a un lien qui se créé, un rapport dans la durée.
Franck Girault, médecin généraliste installé à PoitiersFrance 3 Poitou-Charentes
Mais voilà que depuis "quelques semaines, je vois un nouveau phénomène apparaître. De plus en plus de patients posent des lapins. Ils n’honorent pas leurs rendez-vous, ça, c'est le fruit d'une ubérisation, et le développement de la téléconsultation", confie le docteur Franck Girault.
D’un autre côté, c'est certain, "on a une profession qui mute, quand j’ai commencé médecine, je travaillais jusqu’au samedi soir 18h, maintenant, je travaille un samedi sur 5. La société change, c’est une évidence".
Mais pour ce médecin, cette loi ne ferait que dégrader un système de santé déjà fragile et affaibli.
"Profession dévalorisée"
Selon lui, il n'y a "pas de solution miracle". Mais il n’est pas question, en tout cas, de dévaloriser la profession de médecin généraliste.
Nous vivons dans un système où on dégrade toutes les fonctions.
Franck Girault, médecin généraliste installé à PoitiersFrance 3 Poitou-Charentes
Avant d'ajouter, "les choix qui sont faits par le ministère, ça va contre l’organisation des soins. Après, désorganiser, c’est peut-être dans l’air du temps finalement".
Mais alors quelle solution pour certains territoires aujourd'hui classés comme "désert médicaux" ? "Il faudrait réellement revaloriser le forfait médecin traitant. Cela rendrait les choses plus digestes, permettrait de rendre la profession plus attractive", conclut Franck Girault.
La revalorisation de la consultation proposée par la sécurité sociale est en effet aujourd'hui jugée insuffisante par les professionnels, compte tenu de l'inflation.
Négociée entre les syndicats et l'Assurance maladie, elle est aujourd'hui majorée à 26,50 €, soit 1,50 € en plus. Sans pour autant doubler ce chiffre comme le souhaite le collectif "Médecins pour demain", les professionnels réclament un minimum de 30 €.