"Je ne sais pas si je vais pouvoir tenir" : elle vit seule dans une voiture depuis 14 mois

Vanessa Joseph vit dans une voiture, considérée comme une épave, sur un parking du quartier des Couronneries de Poitiers depuis avril 2023. Âgée de 41 ans, elle garde le sourire malgré tout ce qu'elle endure au quotidien.

Les chaleurs estivales arrivent enfin. Une voiture garée au soleil pendant plusieurs dizaines de minutes devient un vrai fourneau. Cette température extrême, Vanessa Joseph la subit au quotidien. Coincée entre deux HLM du quartier des Couronneries, cette femme d'origine guadeloupéenne vit dans une voiture. Cette épave, aux pneus usés et aux jantes rouillés, n'a pas bougé depuis 14 mois.

"C'est un être humain qui vit dans 2 m², et ça ne gêne personne"

Arrivée de Martinique, Vanessa Joseph débarque en France métropolitaine en avril 2023 avec le strict nécessaire. À peine les deux pieds posés sur le continent européen qu'elle se rend sur le site Leboncoin pour trouver une épave à bas prix. Vanessa prend le train à Poitiers où l'attend une petite Ford Ka première génération, tout droit sortie de la casse et inapte à reprendre la route. Cette guadeloupéenne pensait que dormir dans cette voiture serait une situation temporaire, le temps de trouver un logement. Jusqu'à ce jour, elle n'a pas quitté cette voiture. 

Au quotidien, Vanessa Joseph rencontre de nombreux problèmes. "C'est compliqué. Je dois recharger mon portable, mais je n'ai pas de courant. Il peut m'arriver n'importe quoi, me faire agresser par exemple." Même pour subvenir à ses besoins, Vanessa doit se débrouiller toute seule. "Je dois aller me doucher au relais en prenant le bus. Je dois aller m'acheter de l'eau. Je demande aux gens de venir transporter de l'eau jusqu'à ma voiture, car c'est lourd, mais, personne ne vient m'aider. J'ai l'impression de vivre pour acheter de l'eau, à manger et recharger mon téléphone, et ça, tous les jours."

C'est la première fois que je vois cela. La mairie devrait avoir honte de laisser une femme vivre là-dedans.

Nicole

Habitante du quartier

Seule Nicole, ancienne aide-soignante et aujourd'hui retraitée, lui vient en aide. "Je fais ce que je peux : je lui amène à manger de temps en temps, je l'aide à recharger la batterie de son téléphone", raconte-t-elle. Cela fait cinq ans qu'elle vit dans le quartier des Couronneries et elle n'a jamais vu ça de sa vie. "C'est un être humain qui vit dans 2 m², et ça ne gêne personne", ajoute Nicole. "C'est la première fois que je vois cela. La mairie devrait avoir honte de laisser une femme vivre là-dedans." Vanessa est heureuse d'avoir croisé le chemin de cette femme âgée de 75 ans. "Nicole, c'est la seule que je voie tout le temps. Elle m'apporte des bougies la nuit, des glaçons l'été, des vêtements chauds l'hiver... C'est la seule personne qui vient vers moi", précise la guadeloupéenne.

Des difficultés à trouver un toit

Vanessa Joseph vit dans cette voiture depuis avril 2023 avec un petit compagnon à quatre pattes, un chihuahua. "Elle s'appelle Roxie", sourit-elle. Plus qu'un animal de compagnie, c'est aussi un soutien moral. Depuis plus de huit ans, ce chien la suit partout, même dans cette voiture. Pour rien au monde, elle l'aurait abandonnée malgré la situation dans laquelle elle vit. Depuis maintenant 14 mois, la voiture n'a pas bougé d'un poil grâce à la gendarmerie. En temps normal, une voiture abandonnée comme celle-ci devrait être emmenée à la fourrière. "Plusieurs fois, les gendarmes sont venus, mais la voiture n'a pas été déplacée. Ils ont fait un papier comme quoi, il ne faut pas qu'ils l'enlèvent, car ils savent que je vis dedans. Je remercie la police pour cela."

D'après Nicole et les personnes qui lui viennent en aide, Vanessa ne boit pas, ne fume pas et ne se drogue pas. Pour autant, vivre dans une voiture pendant plus d'un an engendre des problèmes de santé. "Je dors assise sur l'un des sièges arrière de la voiture. J'ai des problèmes en bas de mes jambes depuis que je vis ici, elles commencent à être enflées", fulmine Vanessa Joseph.

Elle ne comprend pas pourquoi les organismes en charge du logement à Poitiers ne lui fournissent pas un toit. "Même un petit studio, ça m'irait bien", réclame-t-elle. "Tous mes papiers sont à jour, je suis Française, je suis née en France, je n'ai pas de casier judiciaire : je trouve que Ekidom (Office Public de l'Habitat de Grand Poitiers, ndlr) aurait pu faire un effort."

Une proposition de logement doit arriver prochainement

Vanessa Joseph veut se sortir de cette situation et ne souhaite pas passer une année de plus dans cet engin. "J'ai beaucoup de patience, mais là, je n'en peux plus. C'est dur, je ne sais pas si je vais pouvoir tenir cette année." Pour l'aider dans sa quête d'un hébergement, elle bénéficie du droit au logement opposable, aussi appelé DALO. Les personnes qui sont sans logement peuvent saisir la commission de médiation pour que leur demande soit reconnue prioritaire.

D'après un document que la rédaction a pu se procurer, le secrétariat de la Commission de Médiation de la Vienne a bien reconnu, en novembre 2023, Vanessa Joseph comme "prioritaire et devant être logée d'urgence", tout en "préconisant un accompagnement social". C'est l'Office Public de l'Habitat de Grand Poitiers, nommé Ekidom, qui a été désigné pour la reloger.

Le dossier est en train d'être finalisé. J'espère qu'elle va l'accepter.

Sylvie Bessonnat

Directrice de relations clients chez Ekidom

Cependant, des mesures doivent être appliquées, selon Sylvie Bessonnat, directrice de relations clients chez Ekidom. Et ce, malgré le fait qu'elle dorme dans une voiture depuis 14 mois. "Nous avons besoin, pour tout logement social, de pièces réglementaires : une pièce d'identité et un avis d'imposition. Et s'il n'y a pas d'avis d'imposition, cela peut être des justificatifs de ressources (minimas sociaux ou autres) des huit derniers mois."

Selon Sylvie Bessonnat, les documents fournis par Vanessa et ses accompagnateurs ont mis du temps à arriver pour finaliser son dossier. "Nous demandons ces pièces depuis novembre dernier. Si nous ne les avons pas, nous n'avons pas le droit de passer en Commission d'attribution de logement (organisme d'état qui a pour mission d’attribuer un logement, ndlr). Nous avons reçu ces justificatifs il y a cinq jours seulement : on attendait cela pour l'inscrire en Commission d'attribution de logement la plus proche, qui a lieu le 6 juin prochain, afin qu'elle ait un logement. Le dossier est en train d'être finalisée. Le courrier va lui être envoyé le lendemain, et une date d'entrée des lieux et de signature du bail sera fixée. J'espère qu'elle va l'accepter, car si elle ne l'accepte pas, elle sera déboutée."

Selon Ekidom, Vanessa Joseph a refusé plusieurs logements, parce qu'elle ne souhaite pas avoir d'accompagnement. "Elle a été plusieurs semaines dans un hôtel : elle l'a accepté parce que ce n'était pas dans une structure comme les CHRS, Centre d'hébergement et de réinsertion sociale", précise Sylvie Bessonnat. Ce que la guadeloupéenne réfute : "jamais, on ne m'a proposée de logements", indique-t-elle.

Vanessa Joseph devrait voir le bout du tunnel de cet enfer quotidien depuis plus d'un an, si elle accepte le logement qui va lui être proposé.

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