Les étudiants de Poitiers manifestaient ce samedi dans les rues de la ville pour soutenir le peuple iranien en révolte après la mort de Mahsa Amini.
Mahyar Monshipour, ancien champion du monde de boxe d'origine iranienne, se balade dans les rues de Poitiers une énorme enceinte sur le dos. Quelques minutes plus tard, il la dépose au centre de la place du Maréchal-Leclerc. Elle se met alors à jouer la mélodie Baraye écrite par chanteur iranien, Shervin Hajipour au début de la révolte dans son pays. Les paroles s’inspirent de tweets postés par des Iraniens en colère après la mort de Mahsa Amini. L’étudiante de 22 ans est décédée trois jours après son arrestation par la police chargée de faire respecter le code vestimentaire de la République islamique.
Le clip de la chanson "Baraye" de Shervin Hajipour devenu l'hymne de la révolte
"C’est l’hymne de la révolte. Le chanteur a été emprisonné. Il l’ont relâché parce que les gens ont gueulé", raconte un manifestant. Il se lance dans une traduction rapide : il est question de parler pour ceux qui veulent danser dans les arbres ou juste s’embrasser dans la rue. Être des porte-voix, voilà ce que sont venus faire ces étudiants, souvent d’origine iranienne, ce samedi matin dans les rues ensoleillées de Poitiers. "Là-bas, ils se prennent des balles. Si on ne marche pas par un si beau temps, on est fautif, on est complice", assène Mahyar Monshipour.
Les manifestants entonnent la chanson de Shervin Hajipour à Poitiers
"Je vais me battre"
Le Franco-Iranien a aidé les étudiants à organiser cette troisième manifestation (les premières ayant eu lieu le 24 septembre et le 2 octobre). Les jeunes ne parlent pas toujours très bien français car la plupart sont arrivés il y a seulement quelques semaines. À l’image de Sanaz Rostami, étudiante en droit. Elle a emménagé à Poitiers le mois dernier pour parfaire sa maîtrise de la langue de Molière. Son séjour devait être temporaire, mais au vue de la situation, elle ne retournera pas en Iran.
Ses parents et ses deux frères sont toujours sur place. "Ma mère me demande souvent de lui envoyer des photos et des vidéos des mobilisations, au Canada, au Royaume-Uni, partout, précise Sanaz Rostami. Car en Iran, ils ont coupé la télévision des satellites internationaux.” Parfois, ses amis et sa famille s'inquiètent en voyant son engagement grandissant. Elle coupe court : "Je vais me battre. Ce sont nos droits, nous ne pouvons plus être réduits au silence." Sans doute aura-t-elle envoyé à sa mère une pellicule du rassemblement poitevin.
Soutien au peuple iranien
Alors qu’ils sont en train de chanter face à l'Hôtel de Ville, les manifestants brandissent des pancartes sur lesquelles est inscrit le nom de Mahsa Amini en lettres persanes et en français. Des Poitevins d’origine sont eux aussi venus soutenir le peuple iranien en lutte. "Je suis là en tant que femme. J’ai la chance de vivre dans une démocratie qui me laisse la liberté de m’habiller comme je veux, de travailler ou pas, d’avoir des enfants ou pas, explique une manifestante. Le combat des Iraniennes est très fort et nous, les femmes qui vivons dans des démocraties, il faut que nous les soutenions.”
Lors de la marche, Mahyar Monshipour pense à sa fille, Shirin. Elle porte le même prénom que celle qui a reçu le Prix Nobel de la paix en 2003 : Shirin Ebadi, avocate, juge et militante des droits humains. Un hommage très symbolique pour le boxeur qui appelle les Français, historiquement défenseurs des libertés, à "se bouger pour ce pays à 5000 km". "Si on veut que nos filles aient la même vie que leur mère ou grand-mère, il faut se battre, estime-t-il. Ce qui se passe en Iran peut nous arriver avec quelques années de décalage.”
Interview de Mahyar Monshipour par Adrien Portron
Comme Shirin Ebadi, la jeune Iranienne Sanaz Rostami s’oriente vers une carrière dans le droit. Son rêve ? Pouvoir retourner dans son pays natal pour y exercer et y rendre, elle aussi, la justice.