Pour répondre à l’inquiétude des éleveurs, et face à l’augmentation du nombre de loups en France, un cinquième plan national loup a été présenté aujourd’hui à Lyon. Nous avons demandé l'avis de l'expert de cette espèce animale, le professeur Farid Benhammou. Il rappelle que "le loup ne s’attaque pas systématiquement et principalement à l’élevage. Mais il peut le faire. C’est un animal qui est opportuniste".
Avec son "plan loup" 2024-2029, dévoilé ce lundi, le gouvernement entend assurer une meilleure protection des troupeaux. Le texte comprend également des dispositions nouvelles, jugées alarmantes par les défenseurs de l'animal. Dans un exercice difficile, l’exécutif tente de concilier la conservation de l’espèce avec le sauvetage du pastoralisme et de l’élevage.
Ce plan apporte 42 nouvelles mesures. Parmi les principales d’entre elles, il y a le changement de statut du loup, le faisant passer d’espèce extrêmement protégée à espèce protégée.
La simplification des tirs
Ce point répond à une forte demande des éleveurs et permet la possibilité d’avoir deux tireurs, voire trois de manière exceptionnelle.
Par ailleurs, les louvetiers n’auront plus l’obligation d’éclairer avant les tirs, et auront l’autorisation d’utilisation des lunettes thermiques quelque que soit le tir.
Enfin, du matériel de vision nocturne sera autorisé pour les éleveurs et les chasseurs.
Le plan loup prévoit également une augmentation du taux de prélèvement sur la période 2024-2029 avec la possibilité de passer à un plafond de 21% de prélèvements contre 19% actuellement.
Aides financières pour les éleveurs
Le plan table sur un budget de 2 millions et demi d’euros sur 5 ans pour financer la recherche sur les moyens de protection des troupeaux et promet une meilleure prise en compte des dommages indirects subis par les éleveurs du fait des attaques, avec des indemnités garanties sous 125 jours maximum.
De leur côté, les défenseurs des loups désapprouvent. L’association France Environnement parle de plan « déséquilibré, ouvrant des possibilités très nombreuses de destruction de loups sur des dommages peu importants ».
Qu'en pense notre expert ?
Farid Benhammou, professeur de géographie en classes préparatoires et chercheur associé au laboratoire Ruralités de l'université de Poitiers, s'est spécialisé sur cette question du loup. Il nous a livré son avis sur les mesures annoncées :
Farid Benhammou : "Le plan national a des points positifs, mais je pense qu’il a aussi des points négatifs. D’un côté, il pérennise les mesures de protection nécessaires, officiellement la protection du loup, mais à mon avis ne pointe pas vraiment les meilleures solutions. Est mise en avant la facilitation des tirs et même si ça peut soulager ponctuellement, ce n’est pas du tout une solution durable parce que déjà mettre en place des tirs efficaces dans une zone de plaines et plateau comme la nôtre, ce n’est pas évident. Et en attendant de tuer le loup, il va continuer à faire des dégâts. Et puis quand on tue un loup, ça ne veut pas dire que quelques jours, quelques semaines, quelques mois après, un autre ne va pas arriver.
"Il faut prioritairement travailler au soutien psychologique des éleveurs pour faire face à cette nouveauté, et organiser la protection des troupeaux ovins.
Pourquoi le loup prend pied dans nos territoires ?
Farid Benhammou : "Les grosses populations de loup sont actuellement dans les Alpes, dans le Massif central. Les loups sont une espèce sédentaire quand elle est en meute, en groupe socioconstitué donc les loups ne peuvent pas proliférer sur une zone. Mais quand il y a la reproduction, de jeunes individus partent et ceux-là peuvent faire 50 à 80 km par 24 heures, donc plusieurs centaines de kilomètres en quelques jours. Donc ça veut dire qu’à l’heure actuelle, toute la France peut être colonisée par le loup.
"Le loup ne s’attaque pas systématiquement et principalement à l’élevage. Mais il peut le faire. C’est un animal qui est opportuniste. Quand il est en meute, il va plutôt avoir tendance à s’attaquer à la faune sauvage, y compris quand il est en solitaire. Mais s'il y a des animaux domestiques dans son secteur et qu’ils sont accessibles, il peut s’attaquer à ces animaux-là.
"Or, dans la Vienne, la Haute-Vienne et la Charente, on a une très forte densité d’ovins. Donc c’est une zone qui peut être tendue. D’autant plus que les modes d’élevage sont des élevages en lots, dispersés, en plein air et pas forcément faciles à protéger. C’est pour cela qu’il faut absolument miser sur de l’expérimentation, expérimenter des clôtures, des modes de garde, expérimenter les chiens de protection adaptés au mieux à cette présence de loup qui est possible."
Le loup est-il difficile à tracer comme espèce ?
Farid Benhammou : "Souvent à tort dans la presse, on voit qu’on parle de comptage de loup. À l’heure actuelle, il y a 1 100 loups qui sont évalués. Autant les meutes constituées sont faciles à recenser. Autant les individus en dispersion, comme ceux que j’ai décrits, sont difficiles à recenser. Ce qu’il faut savoir c’est qu’ils peuvent être présents n’importe où en France.
"On peut davantage avoir des éléments quand les naturalistes, les chasseurs, les éleveurs sont associés, notamment par un réseau qui est piloté par l’office national français de la biodiversité qui met en place des pièges photos, des caméras dans des lieux stratégiques de passage. Là, on peut avoir des éléments et mieux connaître les passages éventuels."
Reportage de Camille Nowak et Luc Barré