Sur la table du petit-déjeuner, un drôle de logo coloré est en train de devenir de plus en plus familier. Ce QR code nouvelle génération est destiné aux personnes en situation de déficience visuelle. Elles peuvent désormais le scanner avec leur smartphone et accéder aux informations de composition des produits. Une petite révolution et une avancée en matière d'accessibilité.
Sur la table du petit-déjeuner, ces logos multicolores, présents sur les quatre faces de certaines boîtes de céréales, dénotent presque entre la tasse de café et le pot de confiture. Mais ils recèlent en fait une multitude d'informations. En effet, en les scannant à l'aide d'un smartphone, il est possible de connaître la composition exacte des aliments référencés, qui est alors donnée à l'oral.
Des QR codes en réalité augmentée
La particularité de ces QR codes d'un nouveau genre, appelés codes NaviLens, est qu'ils sont destinés aux personnes déficientes visuelles. Ces QR codes mêlent réalité augmentée et annonces vocales, afin de pouvoir transmettre facilement les informations. Le QR code est fabriqué de façon à pouvoir être scanné à distance, grâce à un guidage sonore, sans avoir besoin d'être trop précis, après avoir téléchargé gratuitement l'application.
"L'intérêt selon moi est de choisir le paquet qui vous plaît et surtout avoir toutes les informations qui sont indiquées sur le packaging sans avoir recours à une tierce personne", explique Timothée Adolphe, champion du monde d'athlétisme paralympique. Le médaillé d'argent aux Jeux paralympiques d'été en 2020 est ambassadeur en France de cette technologie développée par NaviLens, cette fois pour le compte de Kellogg's. Il en fait la démonstration dans cette vidéo publiée sur les réseaux sociaux.
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L'application NaviLens permet au sportif "d'avoir accès à des informations qui sont visuelles, comme plus de 80 % des informations de notre société. Elle vient combler le vide de l'accessibilité dans plusieurs domaines à partir du moment où on intègre les bonnes informations dans le code détecté par l'application."
Au départ, quand on a un handicap visuel, on peut se dire qu'on ne peut pas pointer un QR code. Alors qu'en fait, c'est possible !
Javier PitaFondateur et PDG de NaviLens
La technologie NaviLens a été développée par la start-up espagnole du même nom. Son PDG et fondateur Javier Pita en a eu l'idée pour aider son frère, en situation de déficience visuelle. "Au départ, nous développions des situations pour téléphones portables, au milieu des années 2000. Mais à partir du moment où les téléphones ont eu des caméras, on s'est dit que ce serait possible d'inventer cette technologie."
Déployée sur des boîtes alimentaires, la technologie a été pensée pour faciliter la prise d'informations par les consommateurs. "Nous avons créé un QR code le plus accessible possible, qui peut être scanné à plusieurs mètres de distance", précise Javier Pita.
Pour les personnes malvoyantes, faire ses courses au supermarché est un vrai exploit.
Justine FortunyChargée de communication de Kellanova France
L'initiative ne concerne pour le moment que certains produits (céréales et barres de céréales) produits par Kellogg's et vendus en Europe. Depuis les premiers essais en 2020, "plus de 750 millions d'emballages accessibles ont été produits", précise Justine Fortuny, chargée de communication de Kellanova France. L'entreprise agro-alimentaire a été la première du secteur à investir cette technologie. "Nous avons un vrai objectif de transparence et d'accessibilité", détaille Justine Fortuny. "Pour les personnes malvoyantes, faire ses courses au supermarché est un vrai exploit, auquel s'ajoute le problème des allergènes."
Timothée Adolphe, champion du monde d'athlétisme paralympique, le confirme : "On peut utiliser l'application en magasin pour choisir le produit qui nous plaît, mais si toutefois vous en achetez plusieurs différents, c'était intéressant de montrer qu'on peut aussi être amené à utiliser l'application chez soi en toute autonomie."
La technologie NaviLens est apparue comme la meilleure solution pour contenir le maximum d'informations. "Nos chaînes de production sont parfois partagées entre plusieurs pays. Se pose alors le problème de la langue dans laquelle sont données les informations. Et parfois, le format des produits, comme sur une boîte cylindrique, pose des défis techniques à nos équipes", énumère Justine Fortuny.
Timothée Adolphe, ambassadeur de cette grande marque de céréales pour la technologie NaviLens, salue l'initiative : "La démarche avait du sens pour moi, surtout venue d'une grande entreprise comme Kellanova. Habituellement, c'est plus compliqué de faire bouger les entreprises de cette taille."
De la boîte de céréales aux réseaux de transport en commun
"Dans le métro, comment circule-t-on ? Avec des panneaux qui indiquent les directions, les entrées et les sorties. Et bien, nous, nous voulions offrir la même possibilité aux personnes malvoyantes", affirme Javier Pita. La même technologie utilisée sur les produits alimentaires a été déployée dans plusieurs réseaux de transports en commun à travers le monde, par exemple à New York ou Madrid. 138 pays sont concernés pour l'instant. En France, une expérimentation a été menée par Keolis à Versailles.
Les informations sont alors disponibles en direct pour les utilisateurs grâce à un système de guidage audio. Il suffit de télécharger l'application NaviLensGo sur son smartphone. "La mobilité, c'est vraiment le facteur-clé pour les personnes aveugles ou malvoyantes", expose Javier Pita. "L'application doit pouvoir être utilisée par un Français qui visite Madrid, ou par un Espagnol qui visite Paris. Dans une époque dominée par TikTok, il faut pouvoir communiquer clairement des informations." Le dispositif peut donc également s'adresser aux personnes ne parlant pas la langue du pays visité ou encore aux touristes.
NaviLens pourrait ouvrir encore de nouvelles perspectives dans les prochaines années. "La première barrière, c'est casser les barrières", résume Javier Pita. "Au départ, quand on a un handicap visuel, on peut se dire qu'on ne peut pas pointer un QR code. Alors qu'en fait, c'est possible !" Un avis partagé par Timothée Adolphe. Pour le "guépard blanc", l'utilisation de l'application devrait être "davantage démocratisée, mais on pourrait également l'utiliser dans le secteur du textile, ou pour rendre facilement accessible la carte des restaurants par exemple." Il ajoute : "À partir du moment où des informations visuelles sont à communiquer, et qu'une personne déficiente visuelle ne peut pas y avoir accès, il peut être pertinent d'utiliser NaviLens."