"On se voyait déjà dans notre nouvelle maison...", le cauchemar des ex-clients de constructeurs liquidés

Ils avaient signé en toute confiance, pleins d'espoir et de projets. Ces jeunes couples de la Vienne avaient choisi un constructeur réputé de la place de Poitiers. Les Maisons Raffin avaient pignon sur rue depuis les années 80. Mais à cause de la faillite de l'entreprise en juillet 2023, ces futurs propriétaires vivent un interminable cauchemar. Leurs travaux sont toujours stoppés.

Des murs en parpaings à ciel ouvert, et le panneau du permis de construire un peu bancal au milieu des herbes folles. Voilà l'allure du pavillon de cette quadragénaire poitevine. Son chantier est à l'arrêt depuis des mois. Elle nous a demandé l’anonymat, le sujet est trop lourd à assumer publiquement pour elle.

Quand on a signé, on n’avait pas imaginé une galère pareille. On avait plein de collègues qui avaient fait construire sans problème.

Ex-cliente des Maisons Raffin

Anonyme

Elle nous raconte la liquidation judiciaire, vécue comme un coup de tonnerre, de leur constructeur. Elle et son compagnon patientent depuis presqu'un an qu’un autre professionnel accepte de prendre la suite des travaux. Mais il y a une condition préalable pour atteindre cette étape : y a-t-il eu des malfaçons ? Sont-elles réparables ?

Le mandataire judiciaire a pour mission de relancer les chantiers de tous les clients Raffin (une quarantaine), mais les nouveaux constructeurs qui s'engageraient ne peuvent risquer leur garantie décennale sur un bâtiment potentiellement précaire.

Alors, en attendant le verdict des experts, le couple vit avec un budget resserré, car deux emprunts courent en même temps... Celui de leur maison actuelle, et celui de la "future", totalement inhabitable pour l'instant. Dans ces conditions, difficile de financer des études lointaines pour leur aînée ou les vacances de cet été.

"On vit toute la journée avec ça"

Laura et Alexandre Nony vivent ce même cauchemar du constructeur défaillant. Eux aussi sont d'anciens clients des Maisons Raffin.

Théoriquement, leur pavillon de Marnay dans la Vienne est "hors d'eau, hors d'air" (c'est l'expression consacrée pour décrire une construction neuve dotée d'un toit et de fenêtres), mais il est en fait loin d'être étanche.

Jour après jour, ils constatent les infiltrations d'eau de pluie et les dégâts qui s'étendent.

Cerise sur le gâteau, le béton serait friable, le couple redoute qu'on leur annonce une nécessaire destruction. Le sujet occupe toutes leurs pensées.

"On se lève le matin, on essaye de ne pas y penser, mais on est obligés. Et le soir on se couche, on y repense. On se demande comment ça va se passer..."

Alexandre Nony

Ex-client des Maisons Raffin

Et que dire aux enfants ? Quand la maison, leurs chambres seront-elles prêtes ? Comment les rassurer en étant soi-même si inquiet ? Où les inscrire à l’école ? Face à cette absence de perspectives, toute la famille est secouée. Tout est bouleversé. Et les réponses sont lentes à se dessiner.

C'est très dur. Moi, j'ai beaucoup de mal à venir. La maison était quasiment finie, c'est un gâchis de temps, on s'est beaucoup projetés. On nous a dit que les ouvriers allaient revenir, on a fait confiance. Ce n'était pas vrai !

Laura Nony

Ex-cliente des Maisons Raffin

La sensation d’être tombés dans un piège pèse sur le moral et le couple…

"Bien connaître la législation, ça protège vraiment beaucoup"

Pour sortir du cauchemar, mieux vaut ne pas rester isolé. Notre propriétaire anonyme de Poitiers a gagné en sérénité en adhérant à une association. L'Association d'Aide aux Maîtres d'Ouvrage Individuels lui prodigue soutien moral et surtout une mine de conseils bienvenus.

J’ai un appui de personnes qui sont dans la même situation, ou qui sont passées par là il y a plusieurs années, et qui peuvent apporter déjà des premiers éléments. Et puis, si j’ai une question un peu plus spécifique, les juristes vont répondre.

Ex-cliente des Maisons Raffin

Anonyme

Vérifier la santé économique de l'entreprise, poser des questions sur les petites lignes des contrats, solliciter un soutien juridique de sa banque, de son assureur, ou d'une association, voilà quelques précautions devenues désormais réflexes pour ces clients victimes de la liquidation judiciaire de leur constructeur. 

Une démarche de prudence qui gagnerait à être plus systématique, compte tenu de l'enjeu et des sommes engagées.

Car avoir SA maison à soi, c'est le rêve moteur de toute une vie pour huit Français sur dix. Le parcours peut se révéler semé d’obstacles (comme pour les clients de constructeurs liquidés), et d'autant plus dans ce contexte actuel d’inflation qui fragilise les entreprises du secteur et refroidit les banques.

Reportage d'Ange Cristofari, Eléa Tymen Kevin Gargadennec, Philippe Ritaine

Pour en savoir plus sur ce sujet, ne manquez pas notre magazine Enquêtes de Région, diffusé ce mercredi 29 mai à 23:25 sur France 3 Nouvelle-Aquitaine. 

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