Le tribunal de Poitiers met en place la contribution citoyenne, une alternative aux poursuites un petit peu particulière. Au lieu de payer une amende, l'auteur de l'infraction doit verser une contribution à une association d'aide aux victimes.
Financer une association d’aide aux victimes, plutôt que le trésor public, c’est ce qu’a mis en place fin septembre 2022, le tribunal de Poitiers. Une alternative aux poursuites permettant de financer des associations d’aide aux victimes ayant toujours plus de demandes. Mais également de faire de la pédagogie auprès des auteurs d’infractions.
Une alternative aux poursuites pénales
Dans sa circulaire de politique pénale du 20 septembre 2022, le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, a appelé les parquets à mettre en œuvre une politique de sanction "adaptée". "Pour les infractions de basse ou moyenne intensité, les parquets privilégieront toujours autant que possible, les alternatives aux poursuites à contenu et les compositions pénales, mises en œuvre au plus proche du temps et du lieu de la commission des infractions", écrit le ministre de la Justice.
Ces alternatives aux poursuites pénales sont multiples : rappel de la loi, stage de sensibilisation ou de citoyenneté, mise en conformité avec la loi, réparation du préjudice de la victime, interdiction de séjour, interdiction de contact, médiation pénale, contribution citoyenne ou encore composition pénale. Autant de mesures permettant d’éviter un procès.
On ne serait pas contre avoir un petit peu plus de moyens humains. Pour cela, il faut plus de subventions, donc la contribution citoyenne pourra être un moyen d’augmenter un petit peu nos dotations.
Delphine Alizon, cheffe de service à l'ADSEA 86
Parmi ces mesures, la contribution citoyenne est la plus récente. Rendue possible par la loi "améliorant l'efficacité de la justice de proximité et de la réponse pénale" du 8 avril 2021, cette contribution citoyenne, allant de 100 à 3.000 euros, doit être reversée à une association d’aide aux victimes avec laquelle le tribunal a signé une convention. Pour que la mesure soit mise en place, il faut que l’auteur de l’infraction ait un casier judiciaire vierge et qu’il reconnaisse sa culpabilité.
Cette alternative aux poursuites vient d’être mise en place par le tribunal de Poitiers. Le 21 septembre 2021, Cyril Lacombe, le procureur de la République et Jean-Claude Bonnefon, le président de l’Association Départementale pour la Sauvegarde de l’Enfant à l’Adulte de la Vienne (ADSEA 86) ont officialisé le dispositif pour une année. "Cette convention va nous offrir la possibilité de faire participer, dans le cadre d’une contribution citoyenne, l’auteur des infractions pour des faits reconnus. Notamment sur des faits de basse intensité, des dégradations légères, des outrages peu importants, certaines atteintes à l’environnement", s’est réjoui le procureur de Poitiers.
Une aide financière non négligeable permettant la pédagogie
Une mesure qui satisfait également Claude Bonnefon, le président de l’ADSAE 86 : "Cela va nous permettre d’obtenir des moyens financiers supplémentaires. Nous avons environ 1 000 personnes par an qui sont aidées par nos services composés de juristes, de travailleurs sociaux et de psychologues." Le Pôle de réparation pénale, d’investigation, de soutien éducatif et de médiation (PRISM) de l’association qui accompagne les victimes en sera directement bénéficiaire. "Ici, on propose un accueil confidentiel, gratuit et on va écouter, accompagner et orienter des personnes qui se trouvent dans un parcours pénal, détaille la cheffe de service de PRISM, Delphine Alizon. Elles sont victimes d’une infraction pénale, donc on peut les accompagner avant même le dépôt de plainte, à une audience et même après."
L’an passé, PRISM a accompagné 957 victimes avec seulement deux juristes. "On ne serait pas contre avoir un petit peu plus de moyens humains. Pour cela, il faut plus de subventions, donc la contribution citoyenne pourra être un moyen d’augmenter un petit peu nos dotations", espère Delphine Alizon. L’association dépend uniquement des subventions publiques.
Outre le fait de faire bénéficier de nouveaux fonds, une association d’aide aux victimes, la contribution citoyenne permet de faire prendre conscience de ses actes à l’auteur de l’infraction. "Il y a un volet pédagogique que j’ai trouvé très intéressant, déclare Cyril Lacombe, le procureur de la République de Poitiers. Cette contribution citoyenne responsabilise l’auteur des faits. Cela va favoriser sa réinsertion. Elle va prendre conscience, dans le cadre d’un échange qu’elle va avoir avec l’association, du préjudice qu’elle a pu porter à la société, à la communauté, à la victime."
C’est également ce qui a séduit, Jérôme Bourrier, le procureur de la République de Bayonne, où la mesure est déjà en place depuis plus d’un an. "C’est une mesure qui est intéressante. Elle a un intérêt supérieur à une amende qui est directement pour le trésor public car elle sert à faire comprendre le préjudice commis", souligne le procureur basque. Selon lui, depuis la mise en place de la contribution citoyenne, il n’y a que des bons retours.
À Bayonne, un an après, un premier bilan positif
Le premier vient de l’Association Citoyenneté-Justice Pays Basque (ACJPB) qui en est directement bénéficiaire. "Depuis le premier janvier 2022, il y a eu 42 contributions citoyennes prononcées par notre parquet. Ce qui permet, pour le moment, à l’association de récupérer 11.000 euros", indique Jérôme Bourrier. Une "première approche" de la mesure qui satisfait également l’ACJPB.
Cela permet d’atténuer notre déficit, mais aussi d’avoir un contact avec les auteurs, afin d’expliquer à quoi ça sert.
André Montaut, directeur de l'ACJPB
L’association utilise cet argent essentiellement pour l’accompagnement des victimes de violences conjugales. En 2020, l’association avait 15 dossiers sur la question. Une année plus tard, il y en avait 310. Le nombre d’enquêtes menées par l’ACJPB sur les violences conjugales est, pour l’instant, à 350 cette année. Au vu de cette forte augmentation des cas ces dernières années, la contribution citoyenne est la bienvenue. "Cela a permis de payer des heures de travail dont on avait vraiment besoin", loue André Montaut, directeur de l’association.
Après un an, la contribution citoyenne tient ses promesses à Bayonne. "On y est très favorable. Cela permet d’atténuer notre déficit, mais aussi d’avoir un contact avec les auteurs, afin d’expliquer à quoi ça sert", continue le directeur de l’ACJPB. Il insiste cependant sur la dimension pédagogique de la mesure : "L’intérêt, c'est de savoir comment c’est perçu par l’auteur de l’infraction."
Pour l’instant, il n’y a pas d’étude permettant de mesurer si la contribution citoyenne limite la récidive. Mais de l’avis de tous les acteurs concernés, cette alternative aux poursuites ne peut être que positive. "Avant, il manquait une coordination entre la justice, la police et l’accompagnement associatif. La contribution citoyenne permet un vrai échange", milite André Montaut. C’est ce vers quoi va essayer de tendre le parquet de Poitiers.