Poitiers : les doctorants vulgarisent leur thèse en trois minutes #MT180

Les doctorants de 25 pays francophones rivalisent d'ingéniosité et d'humour, lors du concours "MT180", pour expliquer simplement, en trois minutes, le sujet de la thèse sur laquelle ils travaillent pendant trois ans, voire quatre ou cinq.

Environ 9.000 thèses sont soutenues chaque année en France tous secteurs confondus, portant sur la réalisation de "travaux scientifiques originaux".

"Conditionnement ex vivo des greffons rénaux par l'utilisation des cellules souches urinaires ou de leurs exosomes ". Rien qu’avec mes proches, quand on me demande ce que je fais comme études, c’est souvent mal compris. J’ai donc du apprendre petit à petit, toute seule, à m’expliquer avec des mots simples. Et on se rend vite compte que pour être comprise par des gens qui n’ont jamais fait de science, c’est bien plus efficace de vulgariser son propos, plutôt que de leur asséner des mots savants pendant une heure.   

Perrine Burdeyron, doctorante en biologie cellulaire à l’Université de Poitiers

Bien conscients du problème d’opacité du monde scientifique auprès du grand public, « Three Minutes Thésis », un concours australien, propose chaque année depuis 2008, aux doctorants de près de 200 universités de par le monde, d’expliquer leur projet de recherche, en termes simples, clairs et convaincants. Le tout en trois minutes !...

Rapidement décliné au Québec dans sa version francophone, le concept est étendu en 2014 à la France, la Belgique et le Maroc, pour une première version internationale du concours « Ma Thèse en 180 secondes », en français. Huit ans plus tard, le concours se dispute désormais entre les universités de 25 pays francophones, la France fournissant le plus gros des participants avec près de 1000 doctorants apprentis vulgarisateurs, aux profils très disparates.

Ils ont entre 26 et 35 ans, et il y a autant de femmes que d’hommes. On a par exemple une personne qui vient du Liban et qui se jette à l’eau, sans pour autant être hyper à l’aise avec le français. Et un autre qui est juriste, qui lui aime clairement la scène et donne une tournure très théâtrale à sa thèse. Tous, ils jouent l’aventure de se mettre au défi de parler de leur science à un public plus large que leurs collègues de bureau. Peut-être aussi que ça les aide à clarifier leurs idées …    

Gilles Baube, accompagnant des doctorants à l’Université de Poitiers

Sur les 900 doctorants qui dépendent de la fac de Poitiers, onze se sont présentés. Parmi eux, Perrine se veut pragmatique. " Je trouvais intéressant de participer à un concours d’éloquence. On n’a pas l’habitude, mais je savais qu’on aurait des cours avec un comédien. Ça m’aura appris à mieux me positionner, à respirer et à m’adresser à une assemblée de manière professionnelle, pour plus tard si jamais je donne des cours. Et sur un CV, c’est toujours intéressant. "     

La "formation" consiste en cinq ateliers de trois heures, en groupe, encadrés par trois animateurs professionnels qui travaillent " à ce que ça fasse médiation".

C'est-à-dire à ce que le discours ne soit pas abscons, ni expert. Et comme il faut que ça tienne en trois minutes, on réduit jusqu’à rendre la chose la plus lisible possible, en veillant à nettoyer le discours trop technique. En oubliant pas de parler aussi des enjeux, des objectifs, de à quoi ça sert, à qui ça sert, etc… L’idée c’est d’être compréhensibles par des gens qui ne sont pas experts.

Gilles Baube, accompagnant des doctorants à l’Université de Poitiers

Au départ animée par des motivations pratiques, Perrine a fini par épouser la cause.

Souvent nos domaines d’études et particulièrement de thèses, sont quand même très spécifiques, et je trouve important, tout spécialement en science et encore plus aujourd’hui en médecine, de pouvoir expliquer nos projets d’études, et ce qui se passe dans les laboratoires de recherche. Pour que ce soit plus clair pour tout le monde et éviter que les fausses informations ne se propagent. Depuis les réseaux sociaux et internet, les gens ont plus la démarche  de chercher l’information. Du coup, on se doit de la leur expliquer de la façon la plus simple, la plus claire et la plus accessible. 

Perrine Burdeyron, doctorante en biologie cellulaire à l’Université de Poitiers

Et ce n’est pas Gilles Baube qui ira la contredire. " Il y a l’idée de rapprocher la recherche des citoyens, parce qu’elle est faite par des citoyens, pour des citoyens. C’est intéressant que les gens puissent comprendre ce qui se passe et comment les choses se passent, pour que la science appartienne à tous. "   

Parmi les onze participants poitevins, cinq se retrouveront le 18 mars pour la finale « de regroupement », réunissant plusieurs universités de la région.

Paul Dequidt : " Analyse de données RMN multiparamétriques pour la neuronavigation et l'aide au diagnostic "

Maryne Lepoitevin : " EGOFIT : Evaluer le greffon pre- et post-transplantation : anticiper le devenir et l’efficacité des interventions thérapeutiques "

Lama Saleh : " Dégradation des alkyls perfluorés et polyfluorés en milieu aqueux par traitement combiné osmose inverse basse pression/adsorption/electro-oxydation "

Maëlig Patrigeon : " Étude du transport de l'alpha-synucléine de l'hôte vers le greffon dans la maladie de Parkinson "

Jérémy Bourgais : " Les saisies pénales et confiscations dans la lutte contre la criminalité économique, étude de droit comparé France-Angleterre "

Les autres retourneront à leurs chères études, revigorés d’avoir partagé un moment fort. « Quand on a travaillé sur leurs attentes à la rentrée doctorale, il y avait l’envie de vivre une aventure. Ce sont des gens intelligents, bien formés et même si le jour J reste un concours, ils se seront entraidés, encouragés et félicités tout au long de la préparation. C’est une collaboration sympa, qui s’apparente à une aventure humaine ».

Le live de la selection locale, jeudi 4 mars à Poitiers / © UP - Ensma

Les demi-finales et la finale se tiendront au mois de juin, qui décerneront les 3 prix du jury et le prix du public. Les lauréats de chacun des 25 pays participants concourront en septembre pour leur ultime prestation : la finale internationale, qui, après Dakar l’année dernière, se tiendra cette fois à Paris.

Une fois la parenthèse refermée, si la plupart retournent s’adonner à leur activité scientifique de prédilection, quelques-uns se découvrent une nouvelle vocation, choisissant de faire de la médiation leur nouveau métier, en embrassant le « théâtre scientifique » ou en lançant sa chaine You Tube.

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