70 poules viennent d'élire domicile au coeur de la zone artisanale de la Demi-Lune. Le poulailler, accolé au magasin bio de son proprietaire, fournit des oeufs à ses clients, conquis par la formule.
A la Demi-Lune, la vie du quartier était jusqu’à présent rythmée par le ronronnement des moteurs d'automobiles venues récupérer leur pizza à emporter, remplir leur caddie ou faire le plein d’essence. Mais depuis quelques semaines, les riverains tendent une oreille perplexe. 70 poules viennent en effet de s’installer au beau milieu de cette zone artisanale, accolées au "Comptoir de la bio". Son directeur, Jérôme Bernard, excédé de jeter ses invendus, nourrit désormais sa basse-cour avec. « On ne jette plus un gramme de déchets organiques ». Et ses pensionnaires lui en sont reconnaissantes.
Aujourd’hui j’ai ramassé 42 œufs. Ce qui est bien. On voit déjà une certaine régularité s’installer au bout de quelques semaines. On est sur un objectif de 260 à 300 œufs par poule à l’année.
Ramené à l’ensemble du poulailler, ce sont ainsi près de 20 000 œufs « extra frais » qui seront proposés à la vente tout au long de l’année. Et en magasin, ça commence à se savoir. Des clients intrigués par ce « circuit super-court d’à peine 50 mètres » sont venus se joindre aux habitués, et la production quotidienne s’en va dans la journée.
Au poulailler, Jérôme Bernard n’a rien laissé au hasard. Les poules, en liberté comme il se doit, vont et viennent toute la journée entre leurs appartements, les 15 pondoirs (un pour cinq) et le point d’eau, une mare que leur logeur a installé à leur attention. Entre les deux, c’est la « zone parcours », recouverte d’un filet pour prémunir ces demoiselles de la grippe aviaire. Mais cet espace de terre nue ne va pas le rester bien longtemps, car Jérôme Bernard a un projet en tête.
La « zone-parcours » est destinée à devenir la « foret-jardin ». Je vais y planter 23 arbres de canopée, des arbres fruitiers pour que d’ici quelques années on ait des fruits qu’on apportera aussi en magasin. L’avantage de la complémentarité arbres-poules, c’est que par leur présence elles apportent de l’engrais, mais qu’elles permettent aussi d’éviter la prolifération de tous les insectes et ravageurs des arbres fruitiers. En permaculture, on aime bien que les choses se fassent de manière symbiotique.
Et la permaculture, cet ingénieur agronome de formation compte bien en faire son maitre-mot. Car à discuter, on comprend vite que le poulailler n’est qu’une première étape qui s’inscrit dans un projet plus global : une mini ferme, déjà baptisée « les Prodiges de l’humus ». Et effectivement, jouxtant le poulailler, 500 m² de terre ont été travaillées.
« Elle avait déjà un bon potentiel et on vient d’y rajouter cinq tonnes de paille et dix de compost, de sorte qu’on y trouve maintenant des vers de terre à foison. On va commencer nos semis la semaine prochaine, avec de l’ail, des fèves et des épinards, en bio bien sûr. Et comme toute activité maraîchère qui se respecte on essaye d’être autonome aussi sur les plans. On a donc construit une serre de 60m² qui devrait nous permettre de produire autour de 3 000 plans à l’année. Là, il y a déjà 800 plans de salades qui attendent d’être repiqués. »
On devine dans le fond le chantier d’un système de récupération d’eau de pluie, qui à terme permettra de stocker 150m3 . Et une zone de compost pour compléter le tout, forcément.
C’est la transformation de la matière organique en humus, qui est la base de la vie. On est dans la complémentarité et j’aime bien cette cohérence, parce qu’elle donne sens à toute la logique de la permaculture.
Nous y revoilà. A terme Jérôme Bernard ne s’interdit pas de donner à sa ferme une dimension pédagogique en y associant les écoles du quartier.
Parce qu’il y a aussi un autre but à cette micro-ferme, c’est de créer de la relation humaine, avec nos clients et même au-delà. Et pourquoi pas du solidaire, parce qu’il y a beaucoup de gens en difficulté aujourd’hui et je souhaite que nos excédents de légumes servent à faire des paniers qui pourraient être distribués aux gens qui en ont besoin.
Pour l’heure, si les volets pédagogiques et solidaires vont devoir patienter le temps que la terre, la pluie et les saisons fassent leur office, le poulailler remplit déjà pleinement son rôle et crée la sensation et le relationnel attendu.
Car la basse-cour, originaire d’un élevage breton certifié en agriculture biologique, est constituée de quatre races anciennes différentes. Et qui dit poules différentes, dit œufs différents. En l’occurrence c’est dans les nuances de couleur que cela s’exprime, l’une des races de poules, noire, ayant même la particularité de pondre des œufs … bleus.
Ça a été une découverte pour beaucoup. « Qu’est-ce que vous avez fait à vos œufs ? Est-ce que le jaune sera bleu ? » Pour Noël, les gens achetaient même des œufs de couleurs différentes pour offrir. On a fait beaucoup d’œufs en coffrets cadeaux !