En 2021, le Secours catholique est venu en aide à 6.661 personnes dans le Poitou, alors que l'association manque de bénévoles.
"Bon, après tout va bien, au moins les patates sont pas encore trop chères..." Autour de la table, encore sonnée par la masse de chiffres fournies par le Secours catholique qui publie son rapport annuel pauvreté jeudi 17 novembre, Corine essaie de détendre l'atmosphère.
Avec ses grandes lunettes et son sourire forcée, "parce qu'il faut bien", elle incarne ces lignes de chiffres, ces pourcentages présentés dans le local de l'association à Poitiers. 6.661 personnes accompagnées dans le Poitou par les 1.053 bénévoles. 145.000 euros d'aide financière distribuée. Les deux tiers dans les Deux-Sèvres. "Rendez vous compte, insiste Régis Gruchy, délégué du Poitou. En 2018 on distribuait 162.000 euros à 6.200 personnes. On aide plus de gens... avec moins d'argent."
Parmi les bénéficiaires dans le Poitou, 28,5% de mères seules, 25,8% d'hommes seuls, 22,7% de couples avec enfants. Surtout, de nouveaux profils poussent la porte du Secours catholique. "Des gens qui ont un toit, dont on sait que la situation était limite et qui ont plongé récemment", glisse Catherine Poey, présidente de la délégation du Poitou de l'association.
Si la crise énergétique, due à une inflation ayant atteint 6,2% en octobre selon l'Insee (plus de 10% pour les produits alimentaires), est sur toutes les lèvres, l'association peine encore à encaisser la crise sanitaire. "On a perdu des bénévoles, surtout chez les plus de 75 ans, regrette Régis Gruchy. Les modes de bénévolat ont également changé : on est moins sur du durable, c'est plutôt à la carte. On sent qu'on est en tension."
Cinq euros par jour pour se nourrir et s'habiller
Une grosse limite pour l'association, qui souhaite recréer du lien social. "Les ateliers qu'on fait dans l'association me sortent de ma dépression, souffle Corine qui s'est tournée vers le Secours catholique en 2014. Sans ça, je ne sors pas de chez moi."
Repris en septembre, ces ateliers qui attiraient une quinzaine de personnes peinent à en réunir quatre désormais. "C'est vraiment dur de refaire de la convivialité, concède Régis Gruchy. On a du mal à sortir de l'urgence et à revenir sur une aide plus durable aux personnes." Une urgence symbolisée par le système de chèques services, mis en place lors du premier confinement. Dur à arrêter quand l'un des bénéficiaires confie que "mon budget, c'est le chèque et c'est tout".
Depuis plusieurs mois, et la crise inflationniste ayant suivi la guerre en Ukraine, le quotidien est fait de choix pour les personnes confrontées à la pauvreté. "On se prive encore plus au moment de faire les courses, explique Corine. Avec mon mari, on les fait la calculette à la main. On voit bien qu'avec 50 euros, il y a moins d'articles dans le chariot désormais. Tout augmente, on ne mangeait déjà plus qu'un repas par jour, mais là on n'achète plus de viande."
Autre enseignement du rapport, la part de dépenses consacrées au loyer, factures d'énergie et l'eau est en hausse depuis 2020, atteignant 60% contre 30% pour l'ensemble de la population résidant en France. Une fois les factures payées, un ménage sur deux de l'étude disposait de moins de 295 euros par mois. Une fois les dépenses incompressibles déduites, il reste cinq euros par jour pour se nourrir et s'habiller. "On a un dossier de surendettement, confie Corine. Alors une fois qu'on a payé les factures, il ne reste plus grand chose. Pas de sortie, pas de loisirs. On va finir par plus y arriver. Si ça continue, on va se priver sur quoi ?" Evoquant l'avenir, cette fois, elle a perdu son sourire.