Les salles polyvalentes, construites dans les années 80 à base de fermettes, ont-elles un toit sûr ?

Début octobre, la charpente d’une salle des fêtes s’effondre à Antigny (86). Construite dans les années 80, cette toiture s’avère défectueuse. Ce n’est pas la seule : la technique utilisée, à base de fermettes, l’a été dans nombre de salles polyvalentes de même époque.

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Le lundi 2 octobre à 6h du matin, la salle des fêtes d'Antigny dans la Vienne voit son toit s'effondrer. En cause, la charpente industrielle du bâtiment, de mauvaise qualité, qui avait été posée dans les années 1980. Cette mauvaise qualité est confirmée par le rapport d’expertise réalisé après l’accident. Il stipule que "les désordres sont la conséquence d’un défaut constructif de la charpente (...) La charpente-couverture doit être démolie et reconstruite." Cette charpente était composée de fermettes, ces grands triangles de bois, liés en entre eux, et qui supportent la toiture.
Antigny n’est pas la seule commune à avoir une charpente défectueuse à base de fermettes : de nombreux édifices publics dans le département de la Vienne sont concernés par ce défaut de construction. Plusieurs collectivités sont passées près de la catastrophe. C’est le cas de Dienné, à 30 kilomètres d’Antigny.

Regardez cette enquête d'A. Morel, S. Hamon et J. Russeil


Quand le maire de Dienné, Christian Largeau apprend l’effondrement du toit de la salle polyvalente à Antigny, il pense tout de suite à la salle des fêtes de sa commune. Aujourd'hui, le bâtiment est comme neuf. Mais l'année dernière, au moment des travaux d'agrandissement, il s'inquiète de voir les tuiles déplacées et fait appel à un bureau de contrôle, dont le rapport est sans appel : "La charpente est déformée (...) L'état actuel peut présenter un risque important pour la stabilité de l'ensemble ainsi que vis-à-vis des tierces personnes pouvant s'y trouver." Les travaux supplémentaires sont donc engagés, pour un surcoût de 10 000 euros pour la commune. Comme en témoigne le maire, "sans avoir fait le nécessaire au niveau du renforcement, on aurait été contraint à une ruine du bâtiment rapide."

La charpente aurait alors pu crouler sous le poids des tuiles, comme ce fut le cas début octobre à Antigny. Des bâtiments publics avec le même défaut de construction, nous en avons identifié (pour l'instant) quatre dans le département de la Vienne : Antigny, Pouillé, Fleuré et Dienné, ces trois dernières communes ayant heureusement fait les travaux de rénovation à temps.

Un coût important pour les communes

A Pouillé par exemple, "les travaux pour une nouvelle charpente de la salle des fêtes de Pouillé, en 2008, refaite à neuf, était de 80 300€", nous a confirmé Pascale Guittet, maire de Pouillé et vice-présidente du Conseil départemental de la Vienne.

A Fleuré, où la charpente de la salle des fêtes a dû être refaite entièrement lors de la rénovation, nous avons rencontré le maire Vivian Perroches. Ce dernier n'a pas voulu répondre à nos questions sur le sujet, ni nous fournir le dossier du permis de construire, un document pourtant public : "je ne comprends pas pourquoi vous voulez parler de quelque chose qui a plus de 25 ans... Je ne veux pas remuer le passé. Cette histoire a coûté cher à la commune et nous sommes encore en procédure avec l'architecte de l'époque."
Les fermettes défaillantes ont été bien souvent utilisées dans des petites communes, qui avaient peu d'argent pour faire construire leur salle des fêtes. Pour ces municipalités, ces travaux de reprise complète ou de renforcement de charpente ont parfois pesé lourd sur leur budget car bien souvent, il est trop tard pour demander une indemnisation : les garanties décennale et trentenaire sont dépassées dans la plupart des cas.

"Poser à terme des soucis de solidité"

Patrick Vettier est architecte à Poitiers. Ces salles de fêtes simples et peu onéreuses, construites telles que l’auraient été de grandes maisons individuelles, étaient la mode dans les années 1980 : "Chaque municipalité a voulu avoir sa salle des fêtes, avec pas ou peu de moyens pour les réaliser donc on construisait un peu comme on pouvait avec les moyens du bord. Et aujourd’hui effectivement, les bâtiments qui ont été construits de cette façon peuvent à terme poser des soucis de solidité."

Pour faire baisser les prix, les constructeurs utilisent des charpentes industrielles, appelées des "fermettes", des éléments de bois économiques et fiables quand ils sont bien posés. Dans le cas contraire, les toitures ont une durée de vie limitée. Jean-Pierre Daniau, charpentier dans la Vienne en sait quelque chose : "On fait entre trois et dix interventions par an sur des maisons ou des édifices, genre maisons de retraite, qui sont en train de s’effondrer. Ce ne sont pas des gros travaux (...) mais cela peut être dramatique et effectivement, on va en avoir de plus en plus."

Des erreurs dans la pose des fermettes

Contactés par notre équipe, plusieurs experts du bâtiment (bureau de contrôle, syndicat de constructeurs…) ont confirmé que les constructions de ces bâtiments des années 80 posent bel et bien problème. A l'époque, on commençait tout juste à utiliser des logiciels pour calculer les reports de charge et certaines entreprises ne maîtrisaient pas forcément. De plus, les charpentes industrielles étaient à cette époque posées parfois par les maçons eux-mêmes et pas par des charpentiers. D'où les erreurs commises lors de la construction des charpentes (les fameuses "fermettes"), avec des fermettes trop éloignées les unes des autres, ou l'absence de renforts (contreventements). Enfin, les premiers connecteurs métalliques qui fixaient les pièces de bois entre elles n'étaient pas fiables.

Dans cette affaire, les constructeurs ont pêché à l'époque par ignorance. Et à leur décharge, au fil des années 80, les normes en matière de charpente industrielles vont se durcir considérablement. Dans les années 90, l'agence Qualibat va même créer une qualification de poseur de fermettes. Mais malheureusement, les premiers bâtiments ne seront pas repris ou contrôlés pour autant...

D'après un professionnel qui travaille dans ce secteur de la construction depuis bientôt 40 ans : "les mairies devraient faire un diagnostic de leurs bâtiments pour être sûres que les charpentes sont correctement posées." Néanmoins, toujours selon cette personne, "les assurances n'ont pas fait remonter de signalement particulier concernant ces défauts de construction dans les charpentes industrielles. Ce qui veut dire que bien souvent, les anomalies sont réparées à temps."

A ce jour, la loi ne prévoit aucun contrôle de solidité des charpentes de bâtiments publics. En février 2017, la visite de sécurité de la salle polyvalente d'Antigny s'était d'ailleurs conclue par un avis favorable.


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