Retour en mai 68. La mobilisation des ouvriers dans les hauts lieux industriels de Poitou-Charentes s'est forgée au fur et à mesure que les nouvelles leur parvenaient de Paris, par le biais des radios dans les usines. Leur unité et leur solidarité ont fait la force de leur mouvement.
Nous sommes en mai 68. Dans les grandes villes industrielles de la région (parmi lesquelles Chauvigny, Poitiers ou encore Angoulême), les ouvriers descendent dans la rue. Jean-Claude Clément et Lucien Picard travaillaient tous les deux à l'usine Mescle de Châtellerault, qui fabriquait du contreplaqué et des crosses de fusils.
De cette usine, il ne reste qu'une friche et quelques bâtiments en dur. Mais Jean-Claude Clément se rappelle encore de la mobilisation ouvrière de l'époque. "Ce dont je me souviens le plus, c'est la solidarité entre les salariés, explique-t-il. Par exemple, l'usine de champignons était en grève donc les femmes sont allées ramasser les champignons qui se perdaient et les ont distribués aux familles dans la vieille ville."
Des bouleversements à la maison
Après trois semaines d'occupation, les employés de Mescle obtiennent des revalorisations salariales. Dans les familles, la vie change. Lucien Picard se souvient des bouleversements survenus dans sa maison avec sa femme.
Je dis souvent à ma femme : "Te rappelles-tu de mai 68 ? Ça nous a permis que t'aies ta machine à laver." Avant ça, elle lavait à la main et c'est aussi à cette époque que nous avons eu la télé.
Le 13 mai 1968, la grande manifestation réunit 5000 personnes à Poitiers et 4000 à Niort. À l'époque, un nouveau syndicat émerge : la CFDT. Fernande Cormier a participé aux cinq semaines de grève dans son entreprise : les piles Leclanché (Chasseneuil-du-Poitou). Elle se souvient avec émotion des grands rassemblements.
Vous aviez des salariés d'entreprise, d'usine mais aussi des étudiants. On était tous ensemble et c'était très important de voir des étudiants avec un niveau élevé se retrouver avec des gens qui auraient aimé faire des études mais qui se sont retrouvés dans des usines. Les syndicats, et la CFDT notamment, ont fait prendre conscience à ces personnes qu'elles avaient aussi leur dignité et qu'ensemble on pouvait changer les choses.
L'unité fait la force
À La Rochelle, la même ferveur militante règne. Les chantiers navals sont particulièrement mobilisés. Là aussi, l'unité fait la force. Jacques Boissineau était élu CGT. Il se souvient d'une ambiance fraternelle mais sérieuse.
Le mouvement de mai-juin 68 m'a fait voir que lorsqu'on est avec des gens unis, on peut faire reculer n'importe quel pouvoir politique. Mais cette unité-là se travaille longtemps à l'avance et aujourd'hui, je ne la retrouve pas du tout dans notre société. C'est l'individualisme qui prône, c'est du chacun pour soi et c'est bien dommage !
Aujourd'hui, ces militants de mai 68 aimeraient voir la jeune génération s'inspirer des valeurs de solidarité de leur époque.