Le harcèlement scolaire, fléau qui peut mener au pire des scénarios, ne doit pas être mis de côté. La libération de la parole permet d'accompagner les élèves en douceur. Nous vous proposons ces témoignages afin de mieux comprendre comment le harcèlement peut devenir un vrai cauchemar.
C'est l'une des priorités annoncées du gouvernement en cette rentrée, un nouveau plan de lutte contre le harcèlement scolaire devrait être dévoilé le 25 septembre. Le mal-être vécu par les victimes reste encore trop souvent invisible.
Clara Courteaux est aujourd'hui étudiante en sociologie. Plusieurs années après le collège, des souvenirs hantent encore sa mémoire. En 6e, elle a été le souffre-douleur de cinq autres élèves. Pas de brutalités physiques, mais des moqueries permanentes sur son physique.
Je l’ai ressenti comme de l’humiliation, de l’exclusion.
Clara CourteauxEx-victime de harcèlement
Écouter chacun
Ce harcèlement moral a laissé quelques cicatrices encore aujourd'hui. Malgré ces souffrances, Clara n'en veut pas à ses bourreaux et essaie d'analyser la situation de manière positive.
Il faut écouter les harcelés, mais aussi les harceleurs.
Clara CourteauxEx-victime de harcèlement
Clara est bien consciente que les harceleurs peuvent agir ainsi parce qu'ils sont victimes eux-mêmes. "C’est aussi important de les interroger et aussi de leur demander si ça va, tout simplement, pour aider à libérer des choses et régler finalement ce problème".
La clé, c’est la communication et la parole
Ce sont les mots de Clara. Elle le sait d'expérience, c’est ce qui va pouvoir résoudre la plupart des choses. "Si les parents ne sont pas forcément à l’écoute, il faut en parler à quelqu’un de confiance, un ami, un personnel éducatif, de la famille même".
Souffre-douleur au collège, mais aussi à l'école primaire, Louise* a souffert pendant plusieurs années, sans en parler, par crainte de perdre son amie.
Elle me disait de faire son sac, de nettoyer ses lunettes, de tout le temps rester avec elle. J’avais honte de le dire, j’avais honte de me faire harceler, embêter.
Louise*Victime de harcèlement
Cet asservissement quotidien perturbe son sommeil et coupe à Louise toute envie d'aller à l'école.
Pour se libérer l'esprit, elle a eu l'idée de faire un exposé sur sa souffrance et de le présenter devant ses camarades. Le harcèlement ne touche pas seulement les enfants, mais aussi la famille qui parfois se culpabilise.
On se dit qu’on est passés à côté de quelque chose qu’on a pas vu. On est intervenus à temps, mais quand même elle a subi ce calvaire. C’est douloureux. C’est triste.
StéphanieMaman de Louise
Les parents de Louise ont rencontré la direction de l'école et comme bien souvent, ils n'ont pas été entendus. Quant à Louise, elle s'accroche pour poursuivre sa scolarité.
Chez les tout-petits aussi
Audrey Bertrand, psychologue scolaire en Charente, connaît bien ce phénomène du harcèlement. Même si les collégiens sont les principaux concernés, il peut exister dans toutes les écoles, du lycée à la maternelle. Elle vient de publier un livre illustré, "Je me fais embêter", qui parle du sujet aux enfants de 3 à 10 ans.
Ce livre, je l’ai fait en tant que maman déjà, dans un souci de prévention.
Audrey Bertrandpsychologue scolaire en Charente
"La prévention, c'est un des leviers très importants pour lutter contre le harcèlement scolaire. On sait qu’à cet âge-là, les livres, le support visuel sont un très bon outil pour susciter le débat. En passant par des images, des mots assez simples, on les sensibilise."
Son livre permet de rappeler également qu'il y a des victimes, des élèves auteur de harcèlement et également des témoins. "En tant que témoin, on peut agir.", rappelle-t-elle.
Les spécialistes insistent de plus en plus sur ce point, la passivité des témoins ancre, valide, le harcèlement.
Parmi les mesures décidées en cette rentrée, figure le changement d'établissement du harceleur.
J’attends de voir concrètement. Ce qui est sûr, c’est que ce n’est pas à la victime de changer d’établissement. Ça, c’est la double peine pour les victimes. Maintenant à voir comment ça se met en place sur le terrain.
Audrey BertrandPsychologue scolaire en Charente
Mais avant d'aboutir à cette éventuelle mesure de protection, il faut alerter sur le problème. Première étape : être attentif à tout changement de comportement, refus d'aller à l'école, maux de ventre. Le manque du matériel (volé ou cassé) peut aussi être un élément, un indice de quelque chose qui ne va pas.
Audrey Bertrand conseille de parler à son enfant, le questionner, puis de se tourner vers le directeur d'établissement, les camarades éventuellement.
Il existe aussi une ligne d'écoute, le 3020, pour signaler une situation de harcèlement.
NDLR : *Prénom d'emprunt