Pour faire face à la chaleur qui accable les coureurs de cette 37ᵉ édition du TPC, les équipes déploient des stratégies qui nécessitent des moyens. De quoi souligner les inégalités entre grosses et petites structures.
C'est une armée de bossus ruisselants qui s'aligne au départ de cette deuxième étape du Tour Poitou-Charentes, mercredi 23 août. La raison de cette bosse arborée soudainement par les coureurs ? Une poche de glace, censée leur offrir un sursis de fraîcheur en cette journée où les thermomètres s'affolent. L'odeur âcre de sueur émanant des coureurs, pied à terre et sous le soleil, donne un bon indicateur de leur ressenti. Valentin Ferron de la Total-Energies préfère attendre à l'ombre d'un arbre, devant l'enseigne d'une pharmacie annonçant 32 °C à 10 h 50. Dans l'attente, certains entament déjà leurs bidons, et se passent des bouteilles d'eau fraîche. C'est près de deux litres à l'heure qu'ils consommeront aujourd'hui. "La politique publique quand il y a une canicule, c'est de ne faire aucun effort violent, rester au frais et boire. Et là, les coureurs font tout l'inverse, pointe Paul Brousse, sélectionneur de l'équipe de France femmes et consultant France Télévisions sur le TPC. Pour la santé, ce n'est tout simplement pas bon, les médecins le disent." La veille, après l'arrivée, Axel Narbonne-Zuccarelli (Nice Métropole Côte d'Azur) reconnaissait la difficulté de courir par ces conditions météorologiques. "Au milieu d'étape je me demandais comment j'allais finir, je commençais à avoir la tête qui tournait." Une sensation normale, quand la température des corps des coureurs dépasse les 40 °C.
"Il n'y a pas de miracle contre la chaleur : il faut rafraîchir les coureurs et éviter la déshydratation", explique Yvon Madiot, directeur sportif de la Groupama-FDJ et général en chef dans la guerre contre la surchauffe de ses coureurs. Le plan de bataille, il le conçoit la veille, une fois les renseignements météos pris. Ses troupes ? Les assistants et membres de l'équipe. Leurs armes ? Des bidons remplis d'eau mêlée à une poudre à base de sels minéraux et de la glace. Cette dernière, utilisée en pain ou en gilets, est une denrée rare que s'arrachent les équipes. "On la commande à l'hôtel, explique David Fouchet, assistant sportif de la Groupama-FDJ. On doit aussi en acheter à côté. L'hôtelier se débrouille avec des fournisseurs et il nous en fait rapatrier." Dans l'équipe tricolore, depuis 6 h 30, les assistants sont au travail, "à la fraîche" comme ils en rient, pour préparer les 120 bidons. Ces munitions sont ensuite stockées dans les glacières des directeurs sportifs, mais surtout distribuées depuis le bord de route à des points stratégiques.
Si le plan semble clair, il nécessite une armée de l'ombre pour être appliqué. "Sur un Tour de France, on peut avoir huit coureurs et 35 à 40 personnes dans le staff, reprend Paul Brousse. Au contraire, dans les petites équipes, on est en effectif réduit avec moins de possibilités pour eux de s'organiser et de ravitailler les coureurs." Pour cette deuxième étape du TPC, les grosses cylindrées avaient prévu des "coupes" tous les 20 kilomètres, soit une grosse dizaine de spots au total, alimentés par une noria de véhicules. Chez leurs homologues plus petites, seuls trois points de ravitaillement avaient été planifiées au maximum. Une inégalité qui a des effets sur la forme et la santé des coureurs. "Oui, il y a une disparité entre les équipes, reconnaît volontiers Yvon Madiot, devant le car de la Groupama FDJ. Les coureurs dans les structures plus petites vont moins s'hydrater parce que ce n'est pas évident d'aller à la voiture de leur directeur sportif chercher les bidons quand ça roule vite, ça demande un effort et le gars peut se mettre en difficulté."
Deux heures après le départ, une poignée de voitures stationnent à la sortie d'Allonne, en attendant le peloton. Cofidis, Arkéa-Samsic… Dans chacune d'elles, des glacières, et des membres d'équipe qui s'activent. Olivier Feche, kiné de la Cofidis le soir et assistant le jour, finit de couper des bas de nylon dans lesquels il glisse des glaçons. À ce pain de glace artisanal noué par un élastique, il ajoute trois bidons et des gels alimentaires. "Je vais me mettre quelques mètres plus haut, comme ça ils auront vu la voiture et seront prêts à récupérer les musettes", explique-t-il. Les musettes, ces petits sacs de toile dont le goutte-à-goutte trahit la nature du contenant. Une fois les coureurs passés, les musettes qui n'ont pas trouvé preneur sont remises au frais dans les voitures de l'équipe, qui filent cahin-caha jusqu'au prochain point.
À l'issue de la course, là encore, la différence de traitement saute aux yeux. Agglutinés dans leur petit camping-car surchauffé, les coureurs de la Caja-Rural Seguros RGA se dépêchent de filer en direction de leur hôtel, assez éloigné. "L'idéal, c'est d'avoir des gens de l'équipe qui soient à l'arrivée de l'étape, mais aussi d'autres qui préparent l'arrivée des coureurs à l'hôtel", pointe Paul Brousse. La qualité de la récupération est à ce prix. Et plus il fait chaud, plus il est élevé.