Les chercheurs poitevins ont mis au point un procédé qui constitue une avancée majeure dans la recherche contre le cancer : une molécule qui permet de détecter, dans l'haleine du patient, la présence de cellules cancéreuses. Une molécule qui pourrait par la suite être utilisée pour transporter le traitement de manière ciblée. Les essais thérapeutiques sont en cours.
Injecter une molécule-espion, capable de s'activer en présence d'une tumeur cancéreuse pour déclencher des composés volatils détectables dans l'haleine du patient, c'est ce qu'ont réussi à faire les chercheurs de l'institut de chimie de l'Université de Poitiers.
Il suffit alors de souffler, l'air expiré est analysé et le diagnostic posé en quelques minutes, grâce aux propriétés du concept développé par l'équipe du laboratoire du professeur Poinot, nommé "volatolomique induite".
"On injecte une molécule qui va être transformée en une odeur uniquement au niveau de la tumeur, et cette odeur va ensuite être expirée dans l'haleine du patient" explique Pauline Poinot, chercheuse à l'Institut de chimie des milieux et matériaux de Poitiers.
Un diagnostic rapide, précis et précoce
Raccourcir le délai de diagnostic, c'est l'un des nombreux intérêts de ce procédé ; sensible et précis, il permet aussi de rendre ce diagnostic plus précoce.
"Aujourd'hui, l'imagerie permet de détecter des tumeurs qui font entre cinq millimètres et un centimètre, pour les meilleures techniques d'imagerie. Là, on est capable de descendre en dessous de ces cinq millimètres avec l'approche de la volatolomique induite.", précise la chercheuse.
L'avenir est aux médicaments intelligents
Labellisée par la ligue contre le cancer, l’équipe transdisciplinaire de Poitiers développe aussi les propriétés et performances curatives de ces molécules-espions : capables de s'activer en présence de marqueurs tumoraux, elles sont aussi testées pour transporter le traitement et cibler les cellules à soigner.
"En utilisant des médicaments intelligents, on est capable de s'affranchir de l'apparition des effets secondaires en ciblant l'activité de notre médicament, c'est-à-dire qu'il sera actif et toxique uniquement à l'endroit où il y aura la présence de cet enzyme." détaille Rémi Châtre, chercheur à l'Institut de chimie des milieux et matériaux de Poitiers.
Bientôt des essais cliniques sur l'homme à Poitiers
Les tissus sains seraient donc épargnés par la chimiothérapie. Les tests menés actuellement à Poitiers montrent une efficacité sur les cancers les plus agressifs, ceux du pancréas et du sein.
"Il y a quatre souris sur six qui ont reçu ce traitement et qui ont été guéries. Une qui a une tumeur de taille très réduite, et une qui a une tumeur de taille plutôt moyenne, mais qui reste inférieure aux souris non traitées" constate Estelle Blochouse, doctorante en deuxième année.
Des essais cliniques sont en cours sur l’homme en ce moment à Cambridge, en Angleterre. À Poitiers, une première cohorte de 120 patients pourrait bénéficier de ce traitement d'ici à la fin de l’année. Pour l’application grand public, il faut tabler sur un délai de dix à quinze ans.