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VIDEO. Réforme des retraites : l'emploi des séniors au cœur du débat

Au moment où le Gouvernement planche sur la réforme des retraites et que le ton monte dans le pays, le taux d’emploi des seniors est en question. D’un côté, on demande aux séniors de partir plus tard à la retraite, de l’autre, les entreprises restent frileuses pour les garder en poste ou les embaucher.

« Senior », le mot n’est pas très heureux. Il fut un temps où l’on disait « vieux », « anciens », « grand-père » ou « grand-mère ». Seulement, la notion de senior est plus large et étend sa définition au mode de production capitaliste.

Si bien qu’un senior n’est pas tout à fait un vieux ni tout à fait un jeune. Il est, avant tout, un individu expérimenté d’un point de vue du travail productif. Dans le code du travail d’ailleurs, être un sénior débute à 55 ans. Sur le marché de l’emploi, il l’est à 45 ans. Et pour l’État, c’est l’accès à la retraite à partir de 60 ans qui lui donne ce statut. La notion de "senior" dépend donc du contexte et de la perception qu’on en a.

La notion d’espérance de vie en bonne santé permet de mettre celle de « senior » en perspective. 64 ans pour les femmes, 62 ans pour les hommes, selon un rapport de l’Insee. « Cette notion d’espérance de vie est essentielle, car elle permet de voir comment on considère la retraite », explique Jean-Paul Dampuré, militant actif au sein de la CGT Retraité de la Vienne. « Est-ce que la retraite est l’antichambre de la mort ou une nouvelle étape dans la vie ? Si c’est une nouvelle étape à partir à 64 ans alors que l’espérance de vie en bonne santé est de 62-64 ans, ça veut dire qu’on a de grandes chances de partir à la retraite dans de mauvaises conditions. Pour nous, c'est une régression sociale  », poursuit le syndicaliste.

 

C’est aussi l’avis, semble-t-il, des 1,3 million de personnes (ministère de l’Intérieur) ou 2 millions (selon les syndicats), présents dans les rues du pays le 19 janvier. Des manifestants qui exigeaient d’une seule voix le retrait de la réforme. Réforme jugée insuffisante par 78% des Français, selon un sondage Ipsos/CGI pour l'Union mutualiste retraite-Corem, en partenariat avec le magazine Liaisons sociales, publié en novembre dernier. 

« Nous sommes dans une phase où les rapports entre générations sont en train de se réinventer. De ce point de vue, la mobilisation des jeunes dans les manifestations est absolument remarquable, car elle vient contredire le discours très convenu sur l’opposition des générations, entre ceux que l’on appelle les « boomers » et les jeunes. Cette imbécilité-là, on peut en sortir ! », explique Michel Billé, sociologue spécialiste de la vieillesse et du handicap.

Professeur à l’Université de Poitiers, il déplore aussi que l’on ne parle guère des femmes dans cette réforme. Car, sur 15 millions de retraités, 8 sont des femmes, c’est-à-dire la majorité. « Le chiffre est terrible : 1 femme sur 2 parmi les retraitées vivants seules, est sous le seuil de pauvreté (soit avec un revenu de moins de 900€) ».

 

La pénibilité au travail

La pénibilité au travail se définit comme l'exposition à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels pouvant laisser des traces durables, identifiables et irréversibles sur la santé.

Cette pénibilité est au cœur de la bataille autour de la réforme de la retraite au point que le gouvernement préfère changer de sémantique pour parler désormais "d'usure professionnelle" plutôt que de pénibilité.

En 2015, Un compte pénibilité avait été créé dans le cadre de la réforme Touraine. Les salariés du privé, exposés au port de charges lourdes, aux postures pénibles, aux vibrations mécaniques, au travail de nuit ou aux températures extrêmes, pouvaient ainsi cumuler des points pendant leur carrière. Selon le seuil de points atteints, le salarié soumis à ces facteurs de pénibilité pouvait alors se former, travailler à temps partiel ou partir deux ans plus tôt à la retraite.

En 2017, ces 3 facteurs de pénibilités sont retirés au bénéfice d’un avis médical personnalisé. Fin des critères « charges lourdes », « postures pénibles » et « vibrations mécaniques ». À charge pour les branches professionnelles d'identifier les métiers exposés.

On a jamais autant parlé de burn out que depuis quelques années.

Michel Billé

 Mais avec la réforme, le gouvernement prévoit d'abaisser le seuil des principaux facteurs d'exposition aux risques professionnels pour permettre à davantage de salariés d'accéder au Compte professionnel de prévention.

« La pénibilité est difficile à mesurer. Quand j’ai commencé à travailler dans les années soixante-dix, je travaillais de nuit. À cette époque-là, on ne se posait même pas la question de la retraite ; c’était hors sujet (…) Arrivé à la retraite, je ne me sentais pas épuisé physiquement, mais intellectuellement. Je travaillais dans l’informatique et avec les nouvelles technologies, à plus de 60 ans, on n’a pas forcément les mêmes réactions, on a une certaine lassitude. », se souvient Stéphane Foucher, retraité dynamique de 71 ans et désormais comédien par passion.

Si les technologies évoluent vite, les nouvelles formes de pénibilité émergent également depuis quelques années, fait remarquer Miche Billé. « Depuis l’après-guerre, on a voulu améliorer les conditions de travail et, curieusement, on n'a jamais autant parlé de burn out que depuis quelques années. ‘Épuisement professionnel’, ‘usure professionnelle’, ces mots sont extrêmement forts (…) Donc, en fonction de la nature du travail, on part dans différentes conditions. », poursuit le sociologue, aussi co-auteur avec Didier Martz de La tyrannie du bien vieillir, chez Erès éditions. Dans son ouvrage, l’auteur dénonce une société qui donne le droit de vieillir à condition de rester jeune avec cette formule choc : « Vous avez le droit de vieillir, mais sans que ça se voie ni que ça se sache ».

Le chômage des séniors ou le plaisir de travailler

Beaucoup de cinquantenaires rencontrent le chômage. 55,3% des séniors en France n’ont pas d’emploi. Une situation délicate à gérer financièrement, mais aussi humainement. C’est là qu’intervient Akigora, un cabinet de recrutement 2.0 spécialiste des profils expérimentés. Son fondateur, Guillaume Mouzet, explique d’ailleurs que « les seniors viennent chez Akigora pour valoriser leur expérience auprès d’autres entreprises, pour travailler sur des missions, pour continuer à s’épanouir sur le modèle de consultant ou pour être plus sexy afin de revenir vers le sacro-saint CDI ».

La réforme prévoit par ailleurs un index d'emploi des seniors qui sera créé fin 2023 pour les entreprises de plus de 300 employés. L'entreprise qui ne créera pas cet index sera financièrement sanctionnée de 1% de la masse salariale, a précisé le ministre du Travail, du Plein emploi et de l'Insertion, Olivier Dussopt. Ces sanctions existent déjà quand une entreprise ne publie pas d'index de l'égalité professionnelle entre homme et femme, mais la mesure semble peu dissuasive.

Par ailleurs, le patronat qui se montre réticent face à ce genre de mesure. « Un index ou une sanction, cela ne va pas pousser un chef d’entreprise à recruter plus de séniors (…) Ce qu'on préconise, c'est de faire des accords par branches et par entreprises. Il faut que l'entreprise, mais surtout le salarié, puisse avoir un bénéfice supplémentaire à travailler plus longtemps. » a expliqué la vice-présidente du Medef, Dominique Carlac’h au micro de nos confrères de RTL le 23 janvier.

 

Parmi les profils seniors que l’on accompagne, il y a cette notion forte : se rendre utile à la société.

Guillaume Mouzet, fondateur d'Akigora

Une préconisation qui face à un constat : les entreprises sont peu enclines à maintenir les seniors en poste et hésitent à les engager. « Parmi les profils seniors que l’on accompagne, il y a cette notion forte : se rendre utile à la société. Il y a aussi le souci de ne pas finir sa carrière en eau de boudin. (…) Il faut savoir que chez les 60-64 ans, le taux d’emploi tombe à 34%. Alors, nous, on cherche à les accompagner vers l’emploi en luttant contre les préjugés sur le travail des seniors ».

Cette mission se heurte néanmoins aux employeurs qui ont tendance à refuser les personnes plus âgées qu’elles par crainte des difficultés à manager, par crainte des profils peu habitués à la technologie. Autant de réticences que le fondateur de la plateforme Akigora dépasse en avec cette devise coup de poing : « Un profil senior, c’est l’excellence légitimée par l’expérience ! ».

 

Retrouvez notre débat « Seniors : tous au boulot » dans l’émission Disputandum présentée par Jeanne Baron, avec : 

  • Jean-Paul Dampuré, Union syndicale des retraités de la Vienne.
  • Michel Billé, Sociologue, Université de Poitiers
  • Guillaume Mouzet, Fondateur d’Akigora
  • Stéphane Foucher, retraité et comédien
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