Le Domaine du Normandoux à Tercé dans la Vienne, a été placé en liquidation judiciaire le 30 avril dernier entraînant la fin d'un rêve pour plusieurs couples qui avaient prévu de s'y marier prochainement. Ils craignent aussi de perdre les importantes sommes versées en acompte.
Ce devait être le plus beau jour de leur vie. Camille Gorain et Alexis Thiery préparaient leur mariage depuis près de deux ans. L'annonce début mai de la liquidation du Domaine du Normandoux est venue bouleverser leurs projets. Sans domaine, plus de réception, ni de dîner. Encore moins de bal.
"C'est l'incompréhension totale et de la rage", raconte Alexis Thiery. "Si vous n'étiez pas en capacité de faire ce mariage, pourquoi nous avoir demandé de telles sommes ?" C'est la question qu'il aurait aimé poser à la direction du domaine, aujourd'hui sans réponse.Malheureusement cette faillite s’avérait inéluctable
- Céline Bouché, présidente du Domaine du Normandoux
22.000€ d'acomptes
Car Alexis et Camille ont versé 22.000€ d'acomptes depuis mars 2019. Ils avaient prévu une fête sompteuse pour leurs 200 invités. Le coût total de leur mariage s'élevait à un peu plus de 31.000€, financés par de nombreuses heures supplémentaires."Ce sont des heures de nuits, des levers à 4h du matin pour payer ce mariage, sans réclamer les deniers de nos familles. On voulait une grande fête pour nos invités", poursuit le futur marié, salarié de la centrale nucléaire de Civaux.On essaie de remonter la pente
- Camille Gorain, future mariée
Depuis, le jeune couple accuse le coup.
"Que ce soit annulé, ça nous a coupés", raconte Camille Gorain, la future mariée. "On essaie de remonter la pente."
Le confinement en cause
En pleine nature, près de Poitiers, le domaine du Normandoux fait figure de lieu d'exception. C'est une ancienne carrière transformée en lieu de réception.Dans un échange de mail, la présidente du domaine nous indique que "les conséquences du confinement sont de loin le principal déclencheur" de la mise en liquidation. Elle évoque aussi des difficultés financières anciennes et "un contexte conflictuel" entre co-propriétaires de l'espace hôtellier.Lors de ma prise de fonction en janvier 2020, j'ai pris la mesure des conséquences financières du conflit entre co-propriétaires
- Céline Bouché, présidente du Domaine du Normandoux
C'est "un coup très dur pour mon mari et moi car nous sommes le premier créancier sur la liste et que nous avons beaucoup investi pour sauver le Normandoux en 2015", explique Céline Bouché. "Lors de ma prise de fonction en janvier 2020, j'ai pris la mesure des conséquences financières du conflit entre co-propriétaires et j'ai pu aussi constater des dysfonctionnements importants dans la gestion, la mission de relance allait être très difficile mais j’y croyais encore."
La présidente du domaine dit néanmoins vouloir trouver une solution aux jeunes futurs mariés. Elle indique : "Nous ferons notre possible avec le mandataire pour que les mariages qui peuvent avoir lieu se déroulent dans de bonnes conditions et, encore une fois, je suis sensible au désarroi et je peux comprendre la colère. Notre geste, quant à la mise à disposition, est un acte de solidarité et de respect face à l’évènement fondateur de la famille et d’une vie que l’on souhaite tous la plus heureuse possible."
Elle conclut : "Malheureusement cette faillite s’avérait inéluctable". La vingtaine de salariés a été licenciée.
Des difficultés financières anciennes ?
Céline Bouché gère les lieux depuis le départ à la retraite du précédent gérant, Laurent Lutse, aux commandes de la structure d'août 2015 à décembre 2019.Joint par téléphone, il explique ne "pas (avoir) remis les pieds" sur place "depuis le 1er janvier" et nie toutes difficultés financières.Ca fonctionnait bien jusqu'au 31 (décembre 2019)
- Laurent Lutse, précédent gérant
"Ca fonctionnait bien jusqu'au 31 (décembre 2019), c'est tout ce que je peux vous dire. J'ai terminé par le réveillon que j'avais à faire, j'ai transféré tous les dossiers."
L'homme, actuel membre du directoire de l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie, précise : "Je suis en retraite en Bretagne, je voudrais bien qu'on me foute la paix."
Le domaine du Normandoux est spécialisé dans l'organisation d'événements, notamment les mariages, et l'hôtellerie haut de gamme. Il avait également accueilli en 2015 l'école des DJ avant de la perdre en 2018.
D'après les informations obtenus auprès du Greffe du tribunal de commerce de Poitiers, le domaine du Normandoux avait une activité soutenue et générait 1.491.300 euros de chiffre d'affaires en 2018. Tout en enregistrant, la même année, 1.276.000 euros de dettes, y compris des dettes fiscales et sociales.
Une renaissance possible ?
Dans la commune, le maire de Tercé a foi en la renaissance prochaine du site."Il y avait une reprise par le propriétaire des murs en début d'année qui paraissait prometteuse", indique Christian Richard, maire de Tercé. "Le Covid, à mon avis, a fait sa première victime sur la commune." Il poursuit : "Une liquidation judiciaire n'est pas une fin, c'est la fin d'une exploitation par des entrepreneurs, mais il y aura une reprise. Il est impossible que ça reste vide."Il y aura une reprise. Il est impossible que ça reste vide
- Christian Richard, maire de Tercé
Au moment de notre rencontre, Camille et Alexis, les futurs mariés, n'avaient pas encore de solution de rechange. Ils envisageaient juste de tenir une cérémonie civile à la mairie, en petit comité. En attendant de retrouver l'énergie et les économies pour organiser une fête.
Reportage de Clément Massé, Antoine Morel et Nadine Pagnoux-Tourret :